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La Genèse

Denis Bajram (Scénariste, Dessinateur, Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/11/1998  -  bd
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La Genèse

Denis Bajram est entré dans la BD par la grande porte: dessinateur de Cryozone (scénario de Cailleteau) chez Delcourt, il est tout de suite propulsé au devant de la scène par cette histoire en deux tomes rondement menée, mélangeant avec bonheur l'univers d'Evil Dead et celui d'Alien. Finies les galères du fanzinat (malgré un joli succès avec l'Alph'Art pour Le Goinfre en 1994 alors qu'il en est le rédacteur en chef)! Même s'il s'est fait remarquer pour ses qualités graphiques en ce qui concerne les "mécaniques sidérales" dans Cryozone, Bajram fait avant tout partie de ces rares artistes complets de la bande dessinée, capables de nous enthousiasmer par la profondeur de leurs histoires, magnifiquement enluminées par leur dessin. Ce n'est pas pour rien que le gaillard a usé ses fonds de culottes aux Beaux-Arts et aux Arts Déco où il a étudié en parallèle la scénographie et le graphisme. Résultat, dès 1998, il se lance dans un projet d'envergure planétaire: Universal War One (UW1), chez Soleil, une histoire faramineuse prévue en six tomes pour laquelle il assume toutes les casquettes. La Genèse, son premier volume, n'a pas pris une ride...

"Vous êtes tous du gibier de potence en sursis."

Pour avoir jadis refusé d'exécuter un ordre direct de sa hiérarchie militaire et par là même avoir préservé la vie de centaines de femmes et d'enfants innocents lors de la révolte de Titan, le lieutenant June Williamson aurait dû passer en cour martiale. un châtiment auquel elle n'aura échappé que par l'entremise d'un haut gradé qui avait vu son épouse et sa fille ainsi sauvées d'une mort certaine. Celui qui était désormais l'amiral Von Richburg lui avait même octroyé la possibilité de former une escadre un peu particulière...

Epaulée par Kate von Richburg, la fille de l'amiral et son lieutenant, le capitaine June Williamson avait ainsi composé un escadron répondant au doux nom de Purgatory, et composé exclusivement de condamnés à la cour martiale qui se voyaient ainsi offrir un sursis et la possibilité de faire amende honorable. Parmi ces fortes têtes, on compte Balti, la tête-brûlée, Mario le lâche invétéré, Milorad le violeur, Kalish le génie misanthrope et violent, et Amina, la vengeresse. Une équipe de surdoués tous marqués au fer rouge de l'indiscipline et de la contestation, difficiles à gérer individuellement, et carrément bordéliques en groupe.

Une équipe à qui l'état-major, pétri de certitudes et d'idioties, confie pourtant volontiers les basses besognes comme récupérer un cargo en perdition dans la banlieue de Saturne (et faire exploser au passage tout un pan de ses anneaux). Mais la mission qui les occupe prioritairement c'est ce "mur des ténèbres" apparu à proximité et qui occulte toute lumière. Un mur fluide dont les sondes d'exploration terrestres n'arrivent pas à percer le mystère. Pas d'autre solution a priori que de se jeter directement à travers le mur pour découvrir ce qu'il peut cacher, en espérant ne pas se faire broyer par la gravité. Une mission dans laquelle seul un fou saurait se jeter...

"Dieu appela la lumière énergie et les ténèbres espace-temps"

Universal War One s'est imposé dès sa sortie comme un poids lourd de la bande dessinée de science-fiction spatiale, s'immisçant dans un créneau plutôt peu exploité alors. Rejoint depuis par Le Fléau des dieux (scénarisé par Valérie Mangin, épouse de Denis Bajram), UW1 a conservé sa singularité fondée sur un scénario de grande ampleur mêlé à des personnages originaux et à une recherche psychologique dense, dans un environnement graphique très convaincant.

En parfait représentant de la génération Star Wars (première trilogie), Bajram se révèle un excellent - peut-être le meilleur? - artiste des perspectives sidérales: tous les plans en vide interstellaire sont de petits bijoux. Dans ce premier tome, Bajram fait un emploi très mesuré de la couleur: après trois planches historiques qui ouvrent magnifiquement la série en niveau de gris ajouré de vert, l'ambiance générale est faite de toutes les nuances de la braise, du feu primordial: du jaune vif au noir profond, en passant par toutes les variations saturées de rouge. Maniant avec parcimonie et intelligence l'outil infographique* pour créditer le futur qu'il nous dessine, Bajram est avant-tout un grand artiste avec des crayons dans les mains.

Du point de vue de la composition, les planches, très homogènes, dénotent une maîtrise peu commune de la BD. La séparation formelle en chapitres, assurée par des citations de la "Bible de Canaan", est employée avec beaucoup d'à-propos: disséminées régulièrement au cours du récit, ces coupures sont comme des respirations, à l'intérieur d'un propos qui va à cent à l'heure. Les différents niveaux du scénario: personnalités des membres de l'escadron Purgatory, conflits entre le terre et ses ennemis, mystère du mur des ténèbres, sont impeccablement mis en place dans ce qui demeure pour moi un premier tome modèle, pour une série appelée à un avenir radieux.

* On notera d'ailleurs que les allusions explicites à Photoshop ne manquent pas dans certaines cases, pour ceux qui ont l'oeil bien évidemment.

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