Joe Haldeman est un écrivain américain appartenant à la génération des survivants de la guerre du Vietnam. La Guerre éternelle, son roman le plus célèbre, porte l’expérience de cette guerre et son absurdité. Bien que le succès du roman fut mitigé lors de sa première publication en 1974, il a plus tard remporté de nombreux prix dont les prestigieux prix Hugo et Nebula. Alors qu’une partie du roman avait été réécrite sur demande de son premier éditeur, les éditions J’ai Lu publient aujourd’hui le texte dans sa version intégrale.
Nous sommes en 1997 quand le soldat Mandella est envoyé pour la première fois au front contre les Taurans, une espèce alien venue d'un système stellaire lointain. Dans l’espace, les conditions sont intraitables et chaque soldat risque bien plus qu’un tir ennemi. Mais le problème du soldat Mandella est autre : survivant à sa première campagne, plusieurs décennies se sont écoulées à son retour sur Terre. Comment trouver du sens à cette guerre quand on ne reconnaît plus ce pour quoi on s’est battu ?
Les échos du Vietnam
Né en 1943, Joe Haldeman est un survivant de la guerre du Vietnam, et il a écrit La Guerre éternelle dans un contexte où les échos de cette guerre troublaient encore fortement le paysage culturel américain. L’édition intégrale commence par deux notes de l’auteur qui nous permettent à nous, lecteurs du XXIe siècle, de remettre le récit dans son contexte.
Car c’est bien d’une métaphore de la guerre du Vietnam que nous présente Joe Haldeman à travers la campagne militaire interstellaire du soldat Mandella. Comment trouver du sens à cette guerre lorsque l’on ne reconnaît plus la patrie pour laquelle on se bat ?
L’idée de recourir aux distances astronomiques d’une guerre interstellaire où les décennies s’écoulent sur Terre pendant une simple campagne permet d’accentuer ce sentiment de décalage entre les réalités de la guerre et la vie civile qui continue au loin. Le passage saisissant du retour du soldat Mandella sur Terre est si réussi qu’il permet de faire passer cette sensation de décalage du vétéran de retour à la maison, même pour les lecteurs, plus nombreux encore aujourd’hui qu’à l’époque, qui n’ont pas connu la guerre.
Le sens de la guerre, le sens de la vie
Mais ce qui fait la force du livre, c’est qu’il va au-delà d’une simple métaphore de la guerre du Vietnam, puissante dans l’imaginaire américain des années 1970 mais vite dépassée avec le temps.
Ici, si le début du texte peut paraître daté avec une guerre interstellaire qui éclate en 1996, le texte garde toute sa portée et toute sa valeur, même en oubliant le contexte initial de sa publication.
Car c’est de toutes les guerres dont parle Joe Haldeman. Et plus généralement, de toutes les choses que l’on accomplit sous les ordres d’un autre, sans vraiment en saisir le sens, ou bien en perdant ce sens au fil du temps. Comment se raccrocher à la vie lorsque ce que l’on fait semble si absurde ?
La question des racines est aussi abordée avec l’évolution de la Terre et de sa culture à mesure que Mandella fait la connaissance de soldats plus jeunes, qui n’ont jamais connu sa Terre à lui. Le sentiment de décalage ne se limite pas alors au retour brutal d’un vétéran de guerre, mais pourrait s’appliquer à toute personne qui voit son pays changer à mesure qu’elle vieillit. Comment trouver sa place dans un monde qui n’est plus vraiment le sien ?
Batailles dans l’espace
Mais La Guerre éternelle, c’est avant tout le récit de combats interstellaires. Au fil des siècles, nous suivons l’évolution des technologies avec Mandella, nous découvrons de nouvelles colonies humaines et vivons des batailles dans l’espace ou à la surface de planètes hostiles.
Pour les amateurs de science-fiction, le roman apporte un univers riche et des rebondissements captivants, même si les batailles sont davantage crues et douloureuses qu’elles ne sont épiques.
La Guerre éternelle est un classique de la science-fiction américaine des années 1970, qui a gardé toute sa puissance malgré le passage des années et l’évolution du contexte culturel. Avec la version intégrale publiée par les éditions J’ai Lu, c’est l’occasion pour les amateurs de science-fiction de découvrir ou redécouvrir le livre le plus célèbre de Joe Haldeman.