De son vrai nom Pierre-François Beauchard, David B. est un dessinateur et scénariste français de bande dessinée. Cofondateur de la maison d’édition indépendante L’Association en 1990, il est connu pour sa recherche graphique et son style original. Il est notamment l’auteur de L’Ascension du Haut Mal qui a reçu plusieurs prix, en particulier au Festival d’Angoulême, et est considéré comme un chef-d’œuvre de la bande dessinée moderne.

 

 

Mai 1917. Alors que la Grande Guerre fait rage, Van Meer, folkloriste hollandais et espion pour les forces alliées, est chargé de retrouver Hellequin, un ingénieur fou disparu alors qu’il concevait des armes de guerre farfelues pour la France. Mais cette mission n’est en réalité qu’une diversion, afin de distraire les espions allemands des véritables objectifs des alliés. Van Meer part donc à Londres à la recherche de son savant fou, sans vraiment penser à le retrouver. C’est alors que Hellequin lui-même se présente à lui, en déclarant avoir réalisé toutes sortes d’inventions bizarroïdes et être près du but ultime : parvenir à la lecture des ruines créées par le conflit…Le jeune espion se retrouve ainsi entraîné dans une aventure étrange, où la réalité de la guerre se voit vite dépassée par le pouvoir de l’imagination…

 

 

Très loin de l’âpreté d’un récit réaliste sur la 1ère Guerre Mondiale, La Lecture des Ruines est un voyage envoûtant dans son imaginaire collectif et individuel. Collectif parce qu’elle présente une fascinante exploration des mythes de la guerre, des superstitions qui naissent dans l’esprit humain quand il est confronté à la mort de si près…Individuel par l’originalité de cette balade poétique imaginée par cet auteur intrigant et loin des sentiers battus qu’est David B.

 

On y suit les traces de deux personnages originaux et pleins de fantaisie : Hellequin, l’ingénieur fou, et Van Meer, l’espion-folkloriste. Hellequin, notre savant fou, a une interprétation très personnelle des dévastations provoquées par le conflit, qu’il assimile à un langage secret. Son délire poético-scientifique nous plonge dans une lecture inédite de ce qu’est la guerre. En la personnifiant, il lui donne une vie propre, la transformant en une sorte de monstre mythologique doué d’une conscience, fût-elle destructrice, ajoutant à l’horreur qu’elle représente une certaine densité poétique.

 

Embarqué bon gré mal gré dans le sillage de l’ingénieur fou, Van Meer est de par sa profession de folkloriste un expert de l’imaginaire des hommes. Au gré de ses rencontres, il relate ou récolte des anecdotes savoureuses qui, racontées à la manière des fables, prennent une dimension fabuleuse. Le plus bel exemple en est celui des soldats terrifiés qui, en cherchant des signes, des présages de leur mort prochaine dans leurs rêves et le moindre petit évènement qui leur arrive, se créent une mythologie des tranchées.

 

Mais La Lecture des Ruines, c’est aussi une cocasse histoire d’agents secrets, pleine d’aventure et de péripéties improbables, à travers toute l’Europe. Des bas-fonds de Londres aux tranchées françaises, Hellequin et Van Meer sont pris en chasse par un redoutable duo père-fille d’aventuriers à la solde de l’Allemagne. Et si la fille, grimée en garçon, ne manque ni de sensibilité ni de romantisme, le père a tout d’un ogre, tuant sans pitié tous ceux ayant le malheur de lui déplaire.

 

Ajoutez à cela une galerie de portraits burlesques et savoureux, comme cet officier anglais borgne, manchot et cul-de-jatte ressemblant à une divinité yéménite, ou les petits truands de Londres aux noms impayables, qui s’affrontent dans des guerres de clans sanglantes sous les bombardements des allemands, et on obtient une petite merveille d’humour noir, où la violence des affrontements entre les personnages est totalement altérée par le graphisme stylisé de David B., et le traitement décalé de l’histoire.

 

En vous plongeant dans La Lecture des Ruines, c’est donc une fable enlevée, drôle et originale que vous découvrirez. Et, comme les plus beaux rêves, c’est une aventure pleine d’étrangeté…