A l'occasion du lancement du projet sur Ulule de La Ligue des écrivaines extraordinaires, Christine Luce revient sur ce projet qui fait la part belle aux plumes féminines.
Actusf : Vous venez de lancer une campagne Ulule pour un nouveau projet, La Ligue des écrivaines extraordinaires.
En quoi consiste-t-il ? Pouvez-vous nous le présenter ?
Christine Luce : La Ligue des écrivaines extraordinaires est la deuxième collection lancée par Les Saisons de l’Étrange chez Moltinus. Dans le même esprit éditorial, des romans pulp, elle a été créée avec un concept sériel de récits indépendants dans un univers commun, fantastique, geek, fun.
Le nôtre émerge avec l’apparition de Madame Leprince de Beaumont, quand la conteuse devient l’ambassadrice de la Ligue auprès des écrivaines et leur demande leur adhésion dans la lutte contre les monstres. Son premier contact avec Ann Radcliffe, dont la première expérience fut relatée par Paul Féval dans Ann Radcliffe contre les vampires (parue aux Saisons de l’Étrange), démarre la série en affrontant Dracula et jette les bases de notre série : les écrivaines historiques, ancrées dans la réalité (au moins de leur vivant), s’associent pour combattre les monstres de notre mythologie moderne, des créatures intemporelles qui font partie de notre background culturel.
Nous jouons avec l’inspiration donnée par le Féval au XIXe siècle, lequel n’avait bien sûr aucune idée de l’existence de la Ligue, pour tisser le canevas d’un univers littéraire permettant l’interaction entre de vraies personnes et les personnages créés par l’imaginaire humain. Pour cela, nous continuons un domaine exploré par les comics, on pensera aux Avengers, et par les séries dont l’effigie serait Buffy, mais surtout celui de notre héritage culturel, car personne n’ignore l’existence de la créature de Frankenstein, inventée par Mary Shelley. Enfin, nous y ajoutons une facette, trop ignorée quand on cite Mary Shelley, pour restituer à nos écrivaines extraordinaires leur large influence sur nos imaginaires du XXIe siècle.
Actusf : Une nouvelle collection composée seulement d’autrices. Pourquoi ce choix ?
Christine Luce : Commençons par citer nos écrivaines extraordinaires : Ann Radcliffe, Jane Austen, Mary Shelley, les sœurs Brontë, Virginia Woolf, Selma Lagerlöf et Renée Dunan, chapeautées par Mme Leprince de Beaumont, mondialement connue pour ses contes. Pour jouer le jeu littéraire jusqu’au bout, seules les autrices contemporaines peuvent appartenir à la Ligue à laquelle toutes nos aïeules, célèbres aujourd’hui, ont adhéré en leur temps, quand elles débutaient. Nelly Chadour, Elisabeth Ebory, Cat Merry Lishi, Bénédicte Coudière, Marianne Ciaudo, Laurianne Gourrier, Sushina Lagouje et George Spad sont leurs héritières.
D’ailleurs, si Nelly, Elisabeth et Cat ont déjà une activité professionnelle bien assise (publiées par Les Moutons électriques, ActuSF et les Saisons de l’Étrange, entre autres), notre parti pris dans ce cadre éditorial s’est encore consolidé en ouvrant la porte à de nouvelles venues. Accueillir les débutantes est aussi notre affaire, nous avons toutes commencé un jour. D’autre part, en me donnant la direction littéraire de la collection en toute indépendance, les éditeurs Melchior Ascaride, Mérédith Debaque et Vivian Amalric se sont effacés dans le rôle d’escorte, chargés de la maquette, de la gestion et du graphisme pour de très belles couvertures.
Plus qu’un choix, c’est une logique interne, féministe par évidence. Notre collection n’a rien à démontrer qu’Ann Radcliffe et Mary Shelley n’ont déjà prouvé il y a plus de deux siècles. Dans le fond, que notre décision surprenne, la conforte, il est toujours d’actualité de rappeler l’importance des écrivaines extraordinaires dans notre culture à tous.
Actusf : Comment avez-vous sélectionné les œuvres que vous souhaitez publier ?
Christine Luce : Par une tempête de cerveaux passionnés de littératures de l’imaginaire, de culture populaire, la Pop d’aujourd’hui, de comics, de cinéma bis, de séries… les cerveaux de l’équipe éditoriale. La sélection des titres a précédé l’offre que nous avons faite aux autrices, à l’instar des projets sériels. Sur ce modèle similaire, mais adapté à l’écriture de romans, nous leur avons proposé le projet, son cahier des charges assez souple, le cadre professionnel et l’assurance que si notre projet remportait l’adhésion du public, son succès serait partagé entre nous tous. Ce qui est le cas depuis dimanche, puisque le palier crucial a été franchi, la collection existe.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots des récits sélectionnés ?
Christine Luce : Après Ann Radcliffe contre Dracula, par Bénédicte Coudière, qui mène l’héroïne de Féval jusque dans les Carpathes, la Ligue engage Jane Austen contre le Loup-garou, une aventure par Marianne Ciaudo, alors que cette cruelle bête humaine décime la population villageoise de la bourgade provinciale où officie le père pasteur de Jane. Ensuite, Cat Merry Lishi révèle l’histoire secrète de Mary Shelley contre Frankenstein, quand l’écrivaine découvre en Italie que sa création n’est pas fictive et désire toujours anéantir l’humanité. Elisabeth Ebory se charge d’un épisode tumultueux qui réunit à Venise les trois précédentes pour la première collaboration (connue) des écrivaines extraordinaires contre une ennemie sanglante : Ann Radcliffe, Jane Austen et Mary Shelley contre Carmilla. Plus jeunes, les représentantes d’une incroyable famille littéraire partent à Londres pour enfin signer leurs contrats avec les éditeurs, Nelly Chadour narre leur autre rencontre au muséum avec une effrayante Égyptienne dans Les sœurs Brontë contre la Momie.
Cette première salve est d’ores et déjà assurée de publication, les suivants de la deuxième salve verront le jour plus ou moins tôt suivant le soutien que le public nous apportera avant le 11 octobre pour notre financement participatif sur la plateforme Ulule. Dans une préquelle, un court roman illustré par Melchior Ascaride, j’écris moi-même une biographie inattendue de l’ambassadrice de la Ligue à la faveur du combat de Mme Leprince de Beaumont contre la Bête. La relève est assurée par Virginia Woolf contre Rhan-Tegoth, un épisode mal connu de la féministe contre l’innommable lovecraftien apparu des profondeurs sur la côte de Cornouailles, rapporté par Sushina Lagouje. Laurianne Gourrier arpente la Suède depuis qu’elle suit les traces de Selma Lagerlöf contre les Trolls, ivres de rage à cause de la bêtise des hommes. Le cas Renée Dunan contre les mutants est un peu spécial, car il s’agit de la réédition de L’Homme chimérique, un roman rare de George Spad durant la grande boucherie de 14-18, une œuvre mythique.
Mais j’invite toutes et tous à consulter notre page de financement et l’événement créé sur Facebook, ainsi que nos annonces régulières sur les réseaux par Les Saisons de l’Étrange pour en apprendre plus sur les romans, les écrivaines extraordinaires dont elles sont les héroïnes, et leurs autrices.
Actusf : Si le projet se concrétise, la sortie est prévue pour mars 2020. Pouvons-nous espérer quelques exemplaires sur les salons, dont Les Imaginales en mai ?
Christine Luce : Nous l’espérons aussi ! Et nous l’avons prévu, sans pouvoir certifier actuellement la présence de nos livres aux Imaginales : elle dépend encore du succès de notre financement participatif, et donc du soutien de notre public. Je compte sur lui, comme toute notre équipe.
Actusf : Avez-vous une préférence pour un de ces livres ? Pourquoi ?
Christine Luce : Non, pas du tout, je n’ai aucune préférence, chaque roman explore une double légende littéraire, écrivaines et monstres, chacun m’enthousiasme.
Actusf : Comme tout projet Ulule, celui-ci est composé de paliers. Quels sont-ils ? Quelles surprises nous réservez-vous ?
Christine Luce : Notre type de financement propose de souscrire à une collection littéraire avec ses particularités, un projet dans lequel les romans, leurs sujets et leurs autrices sont les surprises largement décrites.
Nous annonçons la couleur et les atouts immédiatement : huit courts romans sous couverture souple par Melchior Ascaride qui illustrera le neuvième, spécial, avec couverture rigide, et enfin, un étui pour ranger la première salve. De plus, nous soumettons au public notre cadre professionnel, les éditeurs confirmés des Saisons de l’Étrange/Moltinus, une directrice de collection qui assure également l’accompagnement littéraire, moi-même, et une rémunération effective pour les autrices, très honorable de mon point de vue.
Actusf : Envisagez-vous une 2nde « Saison » de cette nouvelle collection si le projet aboutit ?
Christine Luce : Depuis que le premier palier de notre financement a été franchi, nous ne l’envisageons plus, car la deuxième salve est certifiée. Tôt ou tard, et le plus tôt possible de préférence, la deuxième saison paraîtra, elle est déjà en cours de réalisation.