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La machine du pouvoir
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La machine du pouvoir

Les Américains ont Philip K. Dick, les Anglais James Ballard et, en France, nous avons Michel Jeury ! Emblématique de la génération d’auteurs de SF des années soixante et soixante-dix, Michel Jeury reste pour beaucoup l’inoubliable auteur des Temps incertains, des Singes du temps et de Soleil chaud, poisson des profondeurs, des livres qui font désormais partie des références incontournables de la science-fiction hexagonale. Après une carrière bien remplie dans le domaine, Michel Jeury est resté un auteur majeur, exploitant cette fois la veine des « romans du terroir » avec quelques succès remarquables dont L’année du certif. Si ce virage dans sa carrière a pu sembler abrupt à certains, il n’en reste pas moins cohérent avec l’admiration que notre auteur nourrissait pour Clifford Simak, dont les textes font souvent la part belle à une vie bien éloignée de nos cultures urbaines modernes. Pour sa réédition chez NEO, vingt ans après la première parution de La machine du pouvoir, Michel Jeury a ajouté un dernier chapitre à l’histoire. Il va sans dire que c’est cette version qu’il conviendra de lire…

Allo, t’es où ?

Than Horn, jeune commandant de l’une des bases de la planète Neptune, vient d’obtenir une permission sur Terre. Dans cette société futuriste, la vie quotidienne est assistée par d’innombrables appareils, robots domestiques et, surtout, les incontournables émetteurs-récepteurs portatifs dont la possession est obligatoire et qui permettent à l’Administration de localiser et contacter les citoyens vingt-deux heures sur vingt-quatre... Dans cet avenir peut-être pas très éloigné du nôtre, les ennemis de la société sont sous contrôle, l’École des Arts interdite, de nombreux livres sont mis à l’index… Personne, ou presque, ne se plaint car la vie est confortable grâce à la Machine, un ordinateur paternaliste plus intelligent que l’Homme et dont l’une des fonctions principales est d’évaluer les candidats aux fonctions administratives afin de choisir parmi eux celui dont le score dépassera les autres : un pantin qu’elle nommera Président. Seulement, la Machine est constituée d’un nombre important de logiciels subalternes hyper-spécialisés et chez certains d’entre eux souffle le vent de la révolte…

Technophiles et mécanoclastes…

Alors que l’on confie de plus en plus de responsabilités aux machines (santé, amours, divertissements, argent et, parfois, même les élections…) et que ces créatures artificielles acquièrent de plus en plus d’autonomie, il semblerait que les auteurs de science-fiction fassent partie des rares personnes assez lucides pour entrevoir les risques de ce qui, au départ, était justement censé les limiter en évitant la fameuse « erreur humaine ». Écrit au début des années cinquante et publié en 1960, La machine du pouvoir a pu, à l’époque, n’être qu’une métaphore des conflits qui agitent les hautes sphères de la politique mais, presque soixante-dix ans plus tard, il faut bien convenir qu’une lecture au premier degré s’impose, comme le démontrent les regrettables convulsions électorales américaines, lors desquelles le vote électronique a joué un rôle de premier plan. Bien sûr, ce troisième roman de Michel Jeury était encore assez loin d’approcher la qualité de ses chefs d’œuvres ultérieurs et même, par endroits, presque ennuyeux, farci de ces longs paragraphes explicatifs qui plombaient trop souvent les textes du siècle précédent. Pourtant, le fond reste remarquablement visionnaire en anticipant une sorte de guerre froide cybernétique dans laquelle les machines contrôlent le destin des hommes sous couvert de leur apporter un confort trop souvent futile. Ce Jeury précoce reste donc, malgré ses défauts, une lecture à la fois stimulante et très édifiante, dont la méditation pourrait bien rendre à l’humanité une liberté qu’elle semble avoir en grande partie abdiquée… Pour comble d’ironie, cet ouvrage depuis longtemps indisponible en librairie a été réédité… en version numérique ! Zélateurs de la Machine, à vos liseuses…

 

 

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