La Maison des feuilles est le premier roman de Mark Z.Danielewski. L’écrivain connut de nombreux refus éditoriaux avant que le roman soit finalement publié en 2000 chez Pantheon Books. Il a été traduit en France en 2002 par Christophe Claro pour Denoël dans la collection Denoël & d'ailleurs. Il vient de faire l’objet d’une nouvelle édition remastérisée et en couleurs par les éditions Monsieur Toussaint L’ouverture à qui on doit Moi, ce que j’aime, c’est les monstres de Emil Ferris et récemment La saga Blackwater de Michael McDowell.
Des histoires imbriquées
Le roman raconte plusieurs histoires enchevêtrées. Tout d’abord celle de Johnny Errant qui, suite à une coïncidence, va se retrouver en possession d'un tas de notes ayant précédemment appartenu à un dénommé Zampanò. Ce dernier était un écrivain aveugle retrouvé mort dans son appartement. Les notes racontent l’étude académique qu’a menée Zampanò concernant un film documentaire appelé The Navidson Record. Ce documentaire a été réalisé par Will Navidson, reporter photo sur la maison dans laquelle il vécut avec sa femme Karen et leurs deux enfants, Chad et Daisy. Les Navidson avaient acheté une maison en Virginie dans le but de rapprocher les deux époux dont l’union battait de l’aile. Tout se passait bien au début, puis après un voyage de quelques jours, la famille s’aperçoit que la maison a changé et qu’une porte est apparue dans la chambre parentale. Plus étrange, les changements se poursuivent, et les Navidson se rendent compte que la maison est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. D’étranges couloirs apparaissent dans la maison que Will ne peut se retenir d’aller explorer en compagnie de plusieurs autres personnes, dont son frère Tom. Ainsi, le roman raconte de manière imbriquée ce qui est arrivé aux Navidson dans cette maison, l’enquête menée par Zampanò, et la vie de Johnny Errand avec les conséquences que la lecture du manuscrit a sur lui.
Un livre peu commun
La Maison des feuilles est un récit très particulier tant sur le fond que sur la forme. Pour le fond, c’est lié aux différents récits racontés en même temps et qui présentent des intérêts assez différents. L’histoire de la maison et Navidson est clairement celle qui a le plus d’attrait, on a envie de savoir ce qui leur arrive et comment va évoluer leur situation. Le fait que leur récit soit vu au travers d’un documentaire de type Paranormal Activity, ou le projet Blair Witch, renforce l’aspect réaliste de ce qui est arrivé, mais a tendance également à éloigner le lecteur des personnages. On ressent assez peu d’empathie pour cette famille. L’histoire de Johnny Errand se fait dans les notes de bas de page, elle souffre de longueurs. Elle se fait en écho à la narration concernant les Navidson pour ajouter une impression de labyrinthe.
Sur la forme, il y a d’abord le fait que toute l’histoire des Navidson est sous la forme d’un documentaire. Ensuite, le roman est construit comme un véritable puzzle avec les récits qui se croisent, des annexes, des notes de bas de pages qui partent en tous sens. Le texte est en plusieurs couleurs, certaines pages sont presque vides, d’autres ont des encadrés au milieu, des passages que l’on peut lire seulement avec un miroir, des passages barrés…La forme du livre devient elle aussi un véritable labyrinthe que le lecteur essaye de déchiffrer. Cette construction en poupées russes pourra au choix amuser certains lecteurs ou au contraire en rebuter d’autres. Elle est remarquable à plus d’un titre, mais aussi déroutante et exigeante. La mise en page reflète les changements des différents protagonistes, l’exploration de la maison, et les changements de narration entre les différents personnages. Le lecteur est sans cesse surpris autant par le fond que la forme et ne sait jamais à quoi s’attendre. Elle reflète aussi la folie qui s’empare de certains personnages ainsi que la fine frontière entre le réel et l’imaginaire au sein des différents récits.
La Maison des feuilles est un livre à la fois original et créatif, mais aussi contraignant et exigeant. La forme de l’ouvrage est remarquable reflétant l’image du labyrinthe qui est présente tout au long des différents récits. Toutefois, on a l’impression que l’auteur s’est plus concentré sur la forme que sur le contenu, et on reste un peu sur sa faim. Le livre reste une expérience de lecture hors du commun, à la liimite du ludique.