Ces thèmes sont d’autant plus forts que La Planète de Shakespeare fut écrit par un Clifford Simak vieillissant, mais qui n’avait rien perdu de son optimisme. Ses ouvrages les plus connus (Au carrefour des étoiles, Demain les chiens, Dans le torrent des siècles…) ne représentent qu’une petite partie de la production d’un auteur dont la carrière débuta dans les années trente, lors de ce qu’il est convenu d’appeler le premier âge d’or, pour s’achever à l’aube des années quatre-vingt. Parmi ses romans les moins fréquemment cités se trouvent pourtant d’excellents textes, comme celui qui fait l'objet de cette chronique. De l’avis de ceux qui l’ont fréquenté, la principale qualité de Clifford Simak était la gentillesse : il parviendra à en imprégner ses histoires sans pour autant verser dans la mièvrerie, ce qui n’est pas un mince exploit. Souvent considéré comme un texte mineur, La Planète de Shakespeare est pourtant à l’image de l’essentiel de la production de cet auteur majeur : fraternelle et porteuse d’espoir. Il est intéressant de constater qu'une « école » de SF positive semble émerger ces dernières années, avec le groupe d’auteurs du Hieroglyph Project animé par Neal Stephenson, par exemple, ou L’espace d’un an, le roman de Becky Chambers, Il y a un robot dans le jardin, de Deborah Install... Si un tel courant devait se reconnaître un ancêtre commun, il faudrait certainement regarder du côté de chez Cliff…
Le robot, les extraterrestres et la pin-up…
La violence des conflits économiques et l’épuisement des ressources naturelles sur Terre ont amené une partie de l’humanité à fuir au-delà du Système solaire. Un des vaisseaux affrétés pour l’exode fait escale sur une planète qui pourrait malheureusement se révéler être un cul-de-sac spatial. Horton Carter, l’un des membres de l’équipage, sort de son sommeil cryogénique et fera la connaissance du seul être intelligent de ce monde, un inquiétant saurien extraterrestre arrivé par un passage trans-spatial à sens unique. C’est lui qui parlera à Horton de l’humain dont le crâne orne le linteau d’une maison dans une ville déserte qu’habitaient les autochtones, disparus sans laisser d’indices sur les causes de leur déclin. Aux dires du crocodile à tentacules, l’humain s’appelait Shakespeare et pratiquait une drôle de magie : souvent, il regardait des feuilles de papier sur lesquelles de petits signes noirs lui parlaient. Il appelait ça un livre… Alors que Horton bivouaque autour d’un feu de camp en bavardant avec Nicodème, le robot de l’expédition, une très séduisante jeune femme émerge du tunnel trans-spatial… Quant à Navire, le vaisseau intelligent, il attend le moment de repartir vers les étoiles…
Pour affronter l’éternité, faites confiance à Shakespeare…
Une jolie fille uniquement vêtue d’un short jaune et d’une paire de bottes de cow-boy, un robot un peu grognon, un extraterrestre qui ressemble à un tigre crocodilien pourvu de tentacules et qui dévore de la viande crue, tous les ingrédients d’un récit distrayant et correspondant aux exigences des amateurs de littérature pulp sont réunis. Seulement, il s’agit d’un roman de Clifford Simak, alors âgé de plus de soixante-dix ans, ce qui incite à voir l’ensemble depuis une autre perspective et lui découvrir une autre profondeur... L’heure de Dieu, cette épiphanie à la fois terrible et merveilleuse qui se produit à intervalles plus ou moins réguliers, colore La Planète de Shakespeare de mélancolie et pose d‘importantes questions métaphysiques. Ce moment pendant lequel les personnages prennent conscience de la richesse du chaos qui gouverne l’univers serait-il pour Simak une manière de transmettre l’expérience personnelle d’un vieux sage sur la vie lorsqu’elle approche de son crépuscule ? Errer seul dans l’espace et le temps, avec pour seul viatique les œuvres complètes de Shakespeare résumerait alors le drame et la beauté de l’existence humaine. Avec le sens poétique dont il fait souvent preuve, l’auteur démontre que la science-fiction, avec ses extraterrestres et ses mondes étranges, a donné une nouvelle dimension au concept d’infini, l’a ouvert et agrandi en le rendant accessible à l’imagination de ses lecteurs. C’est pour cette raison, avec bien d’autres, que le nom de Clifford Simak continuera longtemps à voguer sur le torrent des siècles...
Le robot, les extraterrestres et la pin-up…
La violence des conflits économiques et l’épuisement des ressources naturelles sur Terre ont amené une partie de l’humanité à fuir au-delà du Système solaire. Un des vaisseaux affrétés pour l’exode fait escale sur une planète qui pourrait malheureusement se révéler être un cul-de-sac spatial. Horton Carter, l’un des membres de l’équipage, sort de son sommeil cryogénique et fera la connaissance du seul être intelligent de ce monde, un inquiétant saurien extraterrestre arrivé par un passage trans-spatial à sens unique. C’est lui qui parlera à Horton de l’humain dont le crâne orne le linteau d’une maison dans une ville déserte qu’habitaient les autochtones, disparus sans laisser d’indices sur les causes de leur déclin. Aux dires du crocodile à tentacules, l’humain s’appelait Shakespeare et pratiquait une drôle de magie : souvent, il regardait des feuilles de papier sur lesquelles de petits signes noirs lui parlaient. Il appelait ça un livre… Alors que Horton bivouaque autour d’un feu de camp en bavardant avec Nicodème, le robot de l’expédition, une très séduisante jeune femme émerge du tunnel trans-spatial… Quant à Navire, le vaisseau intelligent, il attend le moment de repartir vers les étoiles…
Pour affronter l’éternité, faites confiance à Shakespeare…
Une jolie fille uniquement vêtue d’un short jaune et d’une paire de bottes de cow-boy, un robot un peu grognon, un extraterrestre qui ressemble à un tigre crocodilien pourvu de tentacules et qui dévore de la viande crue, tous les ingrédients d’un récit distrayant et correspondant aux exigences des amateurs de littérature pulp sont réunis. Seulement, il s’agit d’un roman de Clifford Simak, alors âgé de plus de soixante-dix ans, ce qui incite à voir l’ensemble depuis une autre perspective et lui découvrir une autre profondeur... L’heure de Dieu, cette épiphanie à la fois terrible et merveilleuse qui se produit à intervalles plus ou moins réguliers, colore La Planète de Shakespeare de mélancolie et pose d‘importantes questions métaphysiques. Ce moment pendant lequel les personnages prennent conscience de la richesse du chaos qui gouverne l’univers serait-il pour Simak une manière de transmettre l’expérience personnelle d’un vieux sage sur la vie lorsqu’elle approche de son crépuscule ? Errer seul dans l’espace et le temps, avec pour seul viatique les œuvres complètes de Shakespeare résumerait alors le drame et la beauté de l’existence humaine. Avec le sens poétique dont il fait souvent preuve, l’auteur démontre que la science-fiction, avec ses extraterrestres et ses mondes étranges, a donné une nouvelle dimension au concept d’infini, l’a ouvert et agrandi en le rendant accessible à l’imagination de ses lecteurs. C’est pour cette raison, avec bien d’autres, que le nom de Clifford Simak continuera longtemps à voguer sur le torrent des siècles...