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La Porte perdue

Orson Scott Card ( Auteur), Jean-Daniel Brèque (Traducteur), Gess (Illustrateur de couverture)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 27/10/2011  -  livre
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La Porte perdue

Orson Scott Card n’est plus un auteur que l’on présente. Agé de 60 ans, ce célèbre écrivain américain est aussi un essayiste, un professeur d’écriture, un critique littéraire et un activiste politique. Ces romans les plus reconnus sont La Stratégie Ender et La Voix des morts, deux livres de sa série sur Ender, tous deux récompensés à un an d’intervalle à la fois par le prix Hugo et le prix Nebula, un évènement historique et inégalé à ce jour. Auteur prolifique, il est le créateur  de plus de trente romans, de très nombreuses nouvelles mais aussi de jeux vidéo. Son œuvre fut récompensée plusieurs fois par les prix Hugo, Nebula, Locus, Cosmos 2000, World Fantasy ou encore John Wood Campbell Memorial. Orson Scott Card débute maintenant une nouvelle série de romans intitulée Les mages de Westil dont La Porte perdue est le premier tome.

Un farceur de treize ans aux pouvoirs insoupçonnés

Les dieux vivent parmi nous. Ils sont en fait des mages venus d’un autre monde, Westil. Danny est un jeune garçon farceur de la famille North (celle des dieux nordiques) et est extrêmement doué en langues mais semble incapable de pratiquer la magie. Il découvre alors qu’il est en fait un porte-mage, un créateur de portes faisant fi des lois de l’espace-temps. Problème : les familles des dieux ont juré d’éliminer tous les porte-mages afin de préserver l’équilibre entre elles. Danny devra donc s’enfuir et développer ses pouvoirs par lui-même, aidé par des alliés inattendus, des mages existants hors du cadre des familles et vivants au milieu des hommes normaux, appelés somnifrères.


De l’autre côté, dans le monde de Westil, une jeune fille assiste médusée à la naissance d’un jeune homme à partir d’un arbre. Naissance ou renaissance, qui est donc ce garçon que l’on surnommera Boulette ?

 

Où est donc passée la magie incontestable d’Orson Scott Card ?

Les aficionados vous le diront, un nouveau livre d’Orson Scott Card est une date à noter dans les agendas, un plaisir immense à anticiper, bref, un évènement à ne surtout pas rater. La Porte perdue suscitait donc bien des attentes, mais si certains éléments nous rappelle les meilleurs textes de l’auteur, ce roman n’est à pas à la hauteur de ses plus grands succès. Il faut aussi noter la postface de l’auteur où celui-ci explique la création de cette nouvelle série et où les lecteurs pourront constater qu’Orson Scott Card se considère clairement comme un très grand et excellent auteur, sans humilité aucune.


Tout d'abord, nous retrouvons le talent d'Orson Scott Card pour créer des personnages atypiques et attachants. Les nombreux personnages mis en scène sont bien construits, plausibles et divers tels Eric, jeune vagabond voleur, Coque, la cuisinière du château ou Stone, chargé de retrouver les mages nés hors des familles. Nous retrouvons ainsi la magie de l’auteur dans son récit du monde de Westil, du mystérieux Boulette qui sommeillait au sein d’un arbre pendant plusieurs siècles avant de devenir gâte-sauce au château du roi puis protecteur officieux de la reine grâce à ses pouvoirs. Ces passages, subtils et merveilleux, sont les meilleurs moments du roman.


Le récit dévoile aussi l’histoire de Danny, jeune farceur qui se découvre des pouvoirs extraordinaires, doit fuir pour protéger sa vie et développer ses dons par lui-même. C’est malheureusement sur cette partie de l’histoire, qui prend quand même les trois quarts du livre, que la magie n’opère plus. Un jeune garçon qui devient un être aux pouvoirs exceptionnels et se doit non seulement de sauver sa propre vie mais aussi de maitriser ses capacités, n’est pas un thème original dans la fantasy actuelle. L’apprenti sorcier, Spiderman, Jumper, Teen Titans, etc., les exemples de personnes ‘normales’ devenues super-héros sont très nombreux dans les livres, les comics ou au cinéma.


Nous pourrions penser qu’Orson Scott Card utilise cette ornière facile pour mettre en valeur son système de magie original et inédit. En effet, dans cette nouvelle série, les anciens dieux des panthéons grecs ou nordiques (Zeus, Odin, etc.) seraient en réalité des mages très puissants venant d’un autre monde nommé Westil. La fermeture des portes entre les deux mondes il y a de cela plusieurs siècles auraient entrainé un déclin rapide de ces dieux, réunis en familles, qui survivraient dans notre monde en vivant à l’écart des humains normaux sans pouvoir, nommés somnifrères. L’idée au départ sympathique et ingénieuse nous pose toutefois des problèmes car la vision du monde que nous présente l'auteur est empreinte de ses influences mormonnes et nuit au récit.


Le plus grossier parallèle entre les mormons et ces descendants des dieux consiste dans le fait que les mages, vivant reclus à l'écart des humains normaux qu’ils méprisent fortement, ressemblent furieusement aux mormons qui refusent les contacts avec la société et se retirent dans leur communauté où leurs lois sont maitres. La comparaison n’est donc pas agréable pour les lecteurs, humains normaux, même si l’auteur tente d’en atténuer la portée au travers de son héros. En effet, Danny décrit cette communauté comme un espace clos peuplé de personnes assoiffées de pouvoirs dont il finira par s’enfuir pour sauver sa vie. Souvent arrogant et manipulateur, notre héros cherchera aussi à s’intégrer parmi les humains normaux que toute son éducation le pousse à considérer comme inférieurs.

Au final, la chute du roman, loin d’être inattendue, semble ouvrir la suite du récit vers un affrontement entre le Bien et le Mal des plus classiques, là encore d’inspiration religieuse et chrétienne.


Si Orson Scott Card, mormon engagé, nous avait habitué à faire des allusions plus ou moins prononcées à la religion chrétienne, il faut avouer que les ficelles sont ici un peu trop grosses pour être parfaitement intégrées au récit. Cet état de fait est bien dommage car il ternit l’histoire et laisse un sentiment mitigé sur le premier livre de la série Les mages de Westil. La Porte perdue est donc un livre sympathique mais pas du niveau de La Stratégie Ender, Alvin le Faiseur ou encore Les Maitres chanteurs, autres œuvres de l’auteur.

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