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La Prêtresse esclave, le nouveau roman de Victor Fleury
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La Prêtresse esclave, le nouveau roman de Victor Fleury

Actusf : La Prêtresse Esclave est paru dernièrement aux éditions Bragelonne. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

"À une époque où les médias et les réseaux sociaux encouragent une vision en noir et blanc de notre société, et édulcorent les passions qui nous déchirent de l’intérieur, je voulais présenter une situation dans laquelle il ne serait pas facile de distribuer les bons et les mauvais points."

Victor Fleury : Deux envies sont à l’origine de cette histoire.
Commençons par la plus « ludique ». Je voulais explorer un monde antique, mythologique, un monde ancien écrasé par les croyances mystiques, où la vie quotidienne se déroule dans l’ombre de dieux inquiétants, avides d’adoration et de sacrifices. La religion est un aspect primordial dans la conception du Pays-Des-Deux-Fleuves, car elle fonde l’organisation de la société et les relations entre les personnages. Cependant, je désirais que les dieux soit trop lointains pour que les mortels puissent les cerner de façon certaine. De grands cultes leur rendent hommage, mais les croyants n’ont aucune assurance que la version de la divinité qui leur est présentée est la bonne.
Une autre envie, tout à fait déconnectée de la précédente, était de parler de la complexité des relations humaines, et plus précisément des relations amoureuses. À une époque où les médias et les réseaux sociaux encouragent une vision en noir et blanc de notre société, et édulcorent les passions qui nous déchirent de l’intérieur, je voulais présenter une situation dans laquelle il ne serait pas facile de distribuer les bons et les mauvais points. Mon héroïne (ou anti-héroïne ?) a connu une existence dure, mais elle n’est pas qu’une victime. Elle a sa part de responsabilité dans ce qui lui arrive, et je laisse le lecteur libre de l’aimer, de la plaindre ou de la détester.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur celui-ci ?

Victor Fleury : Sur le roman ? La difficulté est justement de vous en dire quelque chose, car l’intrigue repose sur les mystères. Vous pouvez bien sûr lire la quatrième de couverture, mais au-delà, sachez que ce sont les secrets qui fondent l’histoire.
Le ton est donné dès l’ouverture, sous forme de flash-back. Vous verrez l’espace d’un bref instant Nisaba enfant, puis adulte, des années plus tard. Ce qui s’est passé dans l’entre-deux vous échappe, et ne comptez pas sur l’héroïne pour vous donner tout de suite les clés de sa vie. Nisaba ment, dissimule, elle ne se présente même pas à vous sous son vrai nom.
Mais elle n’est pas la seule à vous cacher des informations. Parmi les esclaves, les militaires et les fanatiques religieux qui forment la petite cour de l’Infant Akurgal, chacun a ses objectifs, tous plus ou moins inavouables. Le bon vieil adage selon lequel la connaissance du secret de quelqu’un vous donne pouvoir sur lui est ici une vérité. Les personnages cherchent à se dévoiler les uns les autres dans un incessant ballet d’hypocrisies.
En définitive, Nisaba doit protéger son maître contre deux types de danger : les dangers extérieurs, inhérents à la croisade dans laquelle ils se sont embarqués (peuples « barbares », monstres mythologiques, contrées exotiques…), et aussi les dangers intérieurs, qui surgiront de leur entourage.

Actusf : Nisaba, votre héroïne, est une prêtresse esclave embarquée dans une drôle d’aventure. Comment avez-vous créé ce personnage ? A-t-il suivi la route que vous lui aviez tracé ou vous a-t-il surpris ?

"Nisaba me fait peur autant qu’elle me fascine, car elle représente ce qu’une personne peut devenir en allant jusqu’au bout de sa logique, sans compromis."

Victor Fleury : Nisaba me fait peur autant qu’elle me fascine, car elle représente ce qu’une personne peut devenir en allant jusqu’au bout de sa logique, sans compromis. Elle est courageuse ; les choix qu’elle a fait lui ont coûté et lui coûtent encore, mais le courage n’est pas tout. Encore faut-il le diriger dans la bonne direction.
Je n’ose pas employer le terme d’héroïne, car je pense que Nisaba elle-même ne se définirait pas comme telle, ni moi non plus, d’ailleurs. Ce personnage est nourri de mes propres expériences, de celles de mes proches et de celles d’amis ou d’autres connaissances.
J’ai évolué durant quelques années dans le monde de l’humanitaire, qui est un univers assez particulier. Soumises à une pression continuelle et confrontées à toutes sortes d’horreurs, les personnes qui travaillent dans ce milieu reproduisent à une échelle bien plus violente ce que l’on peut observer dans le reste de la société : affrontement dans un cadre professionnel, relations amoureuses brèves et passionnelles, interactions chaotiques… C’est l’une de mes sources d’inspiration.
Pour ce qui est du chemin suivi par Nisaba, je ne suis pas surpris car je sais où je la mène. En revanche, sa transformation ne me laisse pas indifférent. En écrivant son histoire, j’ai souvent le cœur lourd.

Actusf : Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos du lien entre Enléides et oblates ?

Victor Fleury : Avec plaisir, mais là encore, je ne pourrai pas tout dévoiler sous peine de ternir l’expérience de lecture.
Les Rois-Prêtres qui gouvernent l’empire d’Ubuk depuis des siècles sont issus de la famille des Enlêides, et se présentent comme les descendants directs du dieu Enlê, entité lointaine, solaire, aérienne et vaguement bienveillante.
Les membres de cette famille ont la capacité de se lier par leur magie sacrée à des esclaves, avec lesquels ils partagent un sens ou une caractéristique. Par exemple, la Reine-Prêtresse Kutha possède une oblate de vue (elle voit ce qu’elle voit, et inversement). L’Infant Akurgal a un oblat de mémoire (ses souvenirs sont les siens, et inversement) et un oblat de puissance (qui entraîne perpétuellement son corps afin que son maître reste musclé et svelte malgré ses excès).
L’héroïne est un cas particulier puisqu’elle est l’oblate de peau de l’Infant. Tout ce que celui-ci ressent physiquement, elle le ressent aussi, et inversement (douleur et plaisir compris). La relation qui existe (et a existé) entre Nisaba et Akurgal est directement lié à cet étrange pouvoir, dont l’origine est l’un des secrets que le lecteur devra découvrir.

Actusf : Vous écrivez régulièrement des textes relevant de l’imaginaire. Cela semble vous tenir à cœur. Pourquoi ? Est-il plus facile d'exprimer des idées ou d'envoyer un message ?

Victor Fleury : L’imaginaire est une trousse à outils bien pratique. Les ingrédients hors du commun peuvent tantôt se mettre au service d’un spectacle de pur divertissement, tantôt apparaître comme des métaphores, pour souligner des éléments qui, utilisés de façon terre à terre, auraient été grotesques ou bien vulgaires. L’imaginaire, c’est la poésie d’une histoire.
Souvent, ces deux emplois de l’extraordinaire se font de façon simultanée. Dans La Prêtresse Esclave, les monstres gardiens des sanctuaires sont tout à la fois un ravissement pour l’amateur d’aventure et la marque du poids de la religion dans ce monde. Quant à la magie sacrée qui lie l’Infant Akurgal et ses esclaves, elle est bien sûr le reflet de leurs relations en plus d’être un élément de pure intrigue.

"L’imaginaire est une trousse à outils bien pratique. Les ingrédients hors du commun peuvent tantôt se mettre au service d’un spectacle de pur divertissement, tantôt apparaître comme des métaphores, pour souligner des éléments qui, utilisés de façon terre à terre, auraient été grotesques ou bien vulgaires. L’imaginaire, c’est la poésie d’une histoire."

Actusf : Vous avez quitté l’univers du steampunk pour celui de la fantasy. Avez-vous une préférence pour l’un des deux ?

Victor Fleury : Non, je reviendrai à mon univers voltapunk et je ne compte pas lâcher la fantasy. Par ailleurs, j’ai d’autres genres à explorer, de multiples projets (touchant à la science-fiction, au roman historique, au polar, et autres…).
En réalité, l’étiquette est moins mon affaire que celle des éditeurs, des critiques et des libraires. Le plus important est d’avoir une bonne histoire à raconter. Je choisis ensuite le cadre qui me paraît le plus approprié.

Actusf : Quelles ont été vos inspirations / influences lors de l’écriture de ce roman ?

"Pour autant, La Prêtresse Esclave n’est pas du tout un livre d’Histoire. Il se déroule dans un monde imaginaire. Les noms des personnages et des lieux sont des déformations de mots mésopotamiens ou même des inventions."

Victor Fleury : J’ai déjà abordé la question des personnages et de leurs relations, inspirés d’expériences personnelles ou d’événements auxquels j’ai pu assister. Je vous propose donc de nous attarder sur le monde de la Croisade Éternelle.
Je voulais utiliser le cadre d’une Mésopotamie antique fantasmée car trois éléments marquants de cette civilisation m’intéressaient :
D’abord, sa géopolitique. Contrairement au royaume d’Égypte, les cités-états mésopotamienne n’ont cessé de s’affronter. La ville est le centre du pouvoir, elle contrôle les terres agricoles qui l’entourent pour subvenir à ses besoins. Dans le monde de la Prêtresse Esclave, le milieu urbain est rassurant, c’est l’endroit de la « civilisation ». En revanche, dès que vous sortez à l’extérieur des murailles, le danger peut survenir. Plus vous vous éloignez de la cité, et plus le territoire échappe à sa protection, même pour un personnage puissant comme l’Infant.
De plus, lorsqu’une cité fait la conquête d’une autre, elle ne peut jamais tout à fait la soumettre. Le pouvoir local conserva nécessairement une part d’autonomie, en raison des distances entre ces poches de « civilisation » antagonistes. C’est donc un cadre idéal pour des intrigues de pouvoir.
Ensuite, c’est une époque où la religion a une importance extrême, écrasante même. Les Rois-Prêtres sont les maîtres religieux et séculiers de la cité, un pouvoir à la nature double qui offre des contraintes originales pour imaginer des luttes d’influence.
Même au niveau de l’homme de la rue ou de l’esclave, la religion codifie la hiérarchie et les interactions sociales. Cette étrangeté est extrêmement stimulante d’un point de vue créatif et participe à l’originalité de l’univers.
Enfin, les premières civilisations ont cela d’intéressant que leur passé se confond avec le mythe. Avant elles, rien n’existe à leurs yeux si ce n’est la légende, prise pour argent comptant. L’Histoire en tant que telle n’a pas encore été inventée, les dieux et les héros tels que Gilgamesh sont aussi crédibles pour les Mésopotamiens que les aspects triviaux de leur existence.
Afin de conserver une certaine cohérence dans l’univers du Pays-Des-Deux-Fleuves, je me suis servi du livre La Mésopotamie – De Gilgamesh à Artaban, superbe ouvrage de Bertrand Lafont, Aline Tenu, Francis Joannès et Philippe Clancier, paru dans la collection Mondes Anciens aux éditions Belin sous la direction de Joël Cornette. Ses photos et illustrations magnifiques m’ont permis de m’immerger dans ce passé lointain et de trouver les réponses à plusieurs questions pratiques concernant la vie à l’âge du bronze (informations concernant l’habillement, l’art, l’architecture, l’agriculture, etc.).
Pour autant, La Prêtresse Esclave n’est pas du tout un livre d’Histoire. Il se déroule dans un monde imaginaire. Les noms des personnages et des lieux sont des déformations de mots mésopotamiens ou même des inventions. Le décor est présenté de façon extrêmement simple, sans entraver le cours de la narration. Enfin, lorsque des éléments historiques ne me convenaient pas, je les ai changés.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Victor Fleury : Je peaufine le tome 2 de la Croisade Éternelle (qui devrait sortir d’ici quelques mois) et je commence à écrire le troisième tome.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Victor Fleury : Vous avez de la chance, mon site internet est à jour ! (ce qui n’est pas toujours le cas…) Je vous propose de vous reporter à l’onglet « Actualités » de celui-ci afin de voir la liste des dédicaces et des interventions en festivals qui sont à mon programme : www.fleuryvictor.fr

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