- le  

La Saison de la Coulœuvre 2

Serge Lehman (Scénariste), Jean-Marie Michaud (Dessinateur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2009  -  bd
voir l'oeuvre
Commenter

La Saison de la Coulœuvre 2

Avant de marquer les esprits dans le domaine de la bande dessinée (La Saison de la Coulœuvre 1 et Thomas Lestrange en 2007) Serge Lehman était avant tout connu pour être l'un des derniers piliers de la mythique collection Fleuve Noir Anticipation (Wonderland, F.A.U.S.T.) et pour ses nouvelles à l'Atalante (Le Livre des ombres) ou plus récemment chez Denoël Lunes d'Encre (Le Haut-lieu). Plus tôt, il a aussi été vendeur à la librairie spécialisée Album et animé une émission consacrée à la bande dessinée. Et ce n'est pas terminé, puisqu'outre un troisième tome à venir pour La Saison de la Couloeuvre, on attend pour les prochains mois La Brigade chimérique, série en collaboration avec Fabrice Colin et le dessinateur Gess, toujours à l'Atalante.

Diplômé des Arts Décoratifs en 1990, Jean-Marie Michaud publie ses premières bandes dessinées chez Dargaud en 1992 (Le Pays miroir, De Profundis). Plus récemment, il publie chez Glénat une série de fantasy, La Dernière Fée du pays d'Arvor. Parallèlement à la bande dessinée, il illustre également des romans et des documentaires pour enfant.

Cent mille cent secondes chrono

Dans un futur étrange et éloigné, les hommes traversent la galaxie grâce à des toboggans, couloirs spatiaux qui relient entre eux les mondes lointains. Au cœur du réseau se trouve l'intersection 55, l'une des plus importantes, un monde froid et fonctionnel régi par la règle des cent mille cent secondes. Après les incidents survenus dans le premier tome, on retrouve l'intersection 55 qui panse ses plaies. Mais que s'est-il passé exactement ? Panne du réseau ? Révolte de la tribu Mohai ? Retour d'une divinité oubliée ? Dans un désordre digne des plus grandes administrations, tout le personnel de l'intersection et ses hôtes de marque s'activent pour mener l'enquête. La réponse se trouve-t-elle tout en bas, dans le secteur des Mystères, le monde premier des Mohais, source même de la vie ? Il faut faire vite, car la Coulœuvre arrive...

Euphorie physique localisée

On attendait avec impatience la suite de La Saison de la Coulœuvre, et on n'est pas déçu. Serge Lehman réussit une nouvelle fois le pari de nous plonger dans ce monde étrange et peu compréhensible à première vue, de nous passionner pour son histoire. Il faudra bien entendu relire le premier tome pour se remettre en mémoire les tenants et les aboutissants de l'intrigue, les rôles et relations de chacun des nombreux personnages, les us et les coutumes de l'intersection 55, etc. Et on pourra ensuite relire à nouveau les deux premiers tomes, puisque ce nouvel opus apporte de nombreux éclaircissements sur des points restés obscurs dans le premier.

Ce qui frappe d'entrée de jeu, c'est la densité de l'album. Puisqu'ils ne peuvent évidemment pas remplir les cases de textes, les auteurs doivent recourir à toutes sortes d'astuces pour raconter une histoire complexe à différents niveaux de lecture. De nombreuses clés pour saisir tous les détails de l'intrigue sont à chercher dans les détails de l'image, dans le non-dit et c'est au lecteur de lire entre les lignes et de mener sa propre enquête. Ici, le format de la bande dessinée trouve tout son sens, puisque l'intrigue de La Saison de la Coulœuvre est clairement de celles qu'il n'aurait pas été possible de raconter autrement.

Lehman et Michaud nous livrent une fois de plus un album essentiel, dense, truffé de détails, dans lequel rien n'est laissé au hasard et qui ne comporte aucune case superflue. Ils peuplent ainsi l'intersection 55 d'extraterrestres étranges, mais évitent l'effet "Cantina" en les dotant chacun d'une histoire et de caractéristiques précises, à l'image du médiateur Jarmil, insectoïde géant qui n'est qu'un prolongement de sa conscience-reine, ou le dormeur Kahuna, chenille velue qui s'enroule autour des humains pour, précisément, passer son temps à dormir.

La vraie vie est une chose qui s-s-suinte

Graphiquement, on retrouve l'intelligence du premier tome dans l'utilisation de divers procédés graphiques originaux, comme les jeux sur la couleur, qui ne sont jamais des gadgets, mais toujours des moyens de raconter l'histoire. Ainsi une séquence longue de quatre pages présente toujours le même point de vue et le même décor, comme une scène de théâtre, dont les personnages entrent et sortent, et dans laquelle il faut suivre plusieurs dialogues à la fois. Un peu plus loin, c'est un historique sur la création de l'intersection 55 qui aurait pu sembler long et verbeux mais qui, présenté comme une mise en abîme mêlant malicieusement le livre religieux et le feuilleton space opera façon pulp, en devient dynamique et très amusant.

Une nouvelle fois, le seul reproche que l'on pourra faire à Lehman et Michaud est leur rythme de travail. Comme toute série qui n'est pas dès le début pensée comme un feuilleton, celle-ci se délaye quelque peu avec les années, à un rythme proportionnel au temps séparant chaque tome. La Saison de la Coulœuvre est une œuvre qui gagnera à être relue – voire à être simplement découverte – une fois que la trilogie complète sera disponible, tant sa complexité incite aux allers-retours et aux relectures. Bien que la qualité et l'originalité soient toujours au rendez-vous, un an et demi après la parution du premier tome, l'effet de surprise n'est plus là, et sans qu'on soit déçu, on ne ressent pas au sortir de ce second tome l'émotion qu'avait suscitée le premier. La frustration de ne pas connaître le fin mot de l'histoire est, quant à elle, toujours bien présente.

La Saison de la Coulœuvre n'en reste pas moins l'une des séries de science-fiction les plus novatrices et les plus intéressantes du moment. C'est peu de dire qu'on attend le troisième et dernier tome, ainsi que tout ce dont ses deux auteurs voudront bien nous abreuver à l'avenir, avec une grande impatience.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?