Pierre Pevel est un écrivain français qui a commencé sa carrière comme scénariste sur le jeu de rôle Nightprowler. Utilisant principalement l’uchronie de fantasy dans ses romans, il recevra en 2002 le Grand Prix de l’Imaginaire pour son premier volet de Wielstadt : Les ombres de Wielstadt. En 2005, il recevra le Prix imaginales pour Les Enchantements d'Ambremer. Les lames du Cardinal, sa dernière trilogie, a été traduite dans 6 pays dont l’Angleterre.
« Et les bergers nous serons,
Pour toi, Seigneur, pour toi. »
An 1620. À l‘ère d’une guerre religieuse frappant le pays, le Dragon protecteur de la cité de Wielstadt se réveille, annonçant l’aube de sinistres méfaits. Alors que des forces obscures réintègrent le monde des vivants, le Chevalier Kantz, personnage mystérieux et redouté, chasseur de Démon et Exorciste, s’en revient dans sa cité.
« La puissance de ta main en nous est passé. »
Entre Sword and sorcery, et, uchronie de fantasy, Pierre Pevel nous conte une trilogie à l’univers bien bâti. Il nous décrit un univers médiéval prit dans les tourments d’une ère sombre, où combats théologiques se lient aux intrigues politiques. L’auteur s’inspire d’éléments réels issus de la théologie, qu’il insère au fil de ses romans et qui agrémentent les trames de ses trois volumes.
Ce genre de fantasy n’est pas sans s’en rappeler l’univers de Robert E. Howard dans son roman Solomon Kane. Les similitudes des personnages principaux sont d’ailleurs assez nombreuses pour que l’on se demande si Pierre Pevel n'a pas été inspiré par ces romans. Hommes Pieux, droits et austères, dévoués à faire régner leur justice divine quoi qu’il en coûte, bras armés du Divin, tous deux livrent un combat contre le Mal envahissant leur univers. Kantz le templier et Kane le puritain sont deux héros controversés car ils combattent ce qu’ils se reprochent eux-mêmes. Bien qu’il y ait une forte ressemblance dans le comportement des deux héros, ils diffèrent pour ce qui concerne de la magie. Dans l’univers de Solomon Kane, seul le mal possède la magie, alors que dans notre roman Kantz le détient et en fait même sa croix.
« Que nos pieds nous conduisent pour accomplir ta volonté.
Et que par la rivière soit emportée
La multitude des âmes que tu as rappelées. »
Dans Les Ombres de Wielstadt l’auteur nous emmène dans la froide cité où le chevalier Kantz s’en revient de croisade. Dès lors, ses dons sont sollicités et seront mis à dure épreuve dans cette cité qu’il redécouvre, et où le Mal est déjà de retour.
Dès les premières lignes, le lecteur est captivé par le panache de l’histoire.
Digne d’un Sherlock Holmes moyenâgeux, l’intrigue nous conduit dans les dédales d’une cité et de ses habitants remplissent de secret. Au fil du récit, l’atmosphère s’alourdit au rythme d’une enquête qui s’étoffe.
Dans ce premier tome, on perçoit toute la bassesse de l’homme désireux de pouvoir, la peur des savoirs dit occultes, inspirés par la religion. Non sans évoquer notre propre histoire de l’Inquisition, Les Ombres de Wielstadt nous montre une félonie humaine provoquant une vengeance presque légitime. L’horreur n’a d’égal que ce qu’elle engendre et c’est ce qui rend les actes commis, dans ce livre, controversés vis-à-vis du Bien et du Mal.
Seul bémol, une fin trop facile, comme si l’auteur voulait en finir rapidement avec sa création. Peut-être aurait-il été préférable de reconduire cet affront final à un autre volet …
Mais Pierre Pevel détourne notre regard sur un autre point, survolé plus tôt, dans les prémices de cette trilogie. Les Masques de Wielstadt, nous amène donc trois ans plus tard, dans les tourments de cette guerre religieuse faisant rage. Malgré lui, le chevalier Kantz est mêlé dans une nouvelle intrigue impliquant de sombre société secrète.
Moins fantaisiste que le tome précédent, on a du mal à retrouver ces ténèbres planant sur la cité. L’atmosphère pesante fait place à une intrigue politique plutôt décevante. L’auteur se perd dans une accumulation d’explications, comme celle de la création d’un cryptogramme, une biographie ou l’origine d’une prophétie, qui sont autant d’informations négligeables. L’histoire s’en trouve ralentit et met en retrait l'aspect fantasy.
De plus, peut-être par souci de ménager les lecteurs n’ayant pas lu le premier tome, l’auteur nous décrit à nouveau chaque personnage. Ce qui aurait pu passer pour du souci du détail devient ennuyeux, donnant une impression de déjà-vu. Cela donne à l’histoire une déplaisante sensation de tirer à la ligne bien trop souvent.
On s’aperçoit alors que même la trame souffre d’un manque d’idées. Je soulignerai pour illustrer mon propos, une scène où Kantz, accompagnant jusqu’à Wielstadt une femme mystérieuse, se voit en pleine nuit contraint de suivre sa Fée au milieu d’une plaine. Là réside une multitude d’autres fées qui font perdre à Kantz conscience. Bien entendu, au lendemain, la femme n’est plus là, emmenant avec elle les réponses aux questions que notre chevalier voulait lui poser. Cette scène, bien que sympathique, n’en demeure pas moins sans conséquence et intérêt pour le reste du récit. Elle n’est qu’un subterfuge de l’auteur, tombant à point nommé pour poursuivre l’intrigue.
Si Les Ombres de Wielstadt nous avait enjoué, Les Masques de Wielstadt déçoit par une atmosphère qui ne prend pas. Pourtant, même s’il laisse de côté une enquête qui s’annonçait passionnante, l’auteur place des éléments clefs pour la suite de la trilogie…
Dans Le Chevalier de Wielstadt, les complots reprennent au cœur d’une cité sous tension. Alors que les sociétés secrètes courent après le pouvoir, un meurtrier sanguinaire sévit.
Dans ce dernier tome, on renoue avec l'atmosphère sombre du premier. L’horreur qui manquait au deuxième volume revient sous les traits d’un terrible meurtrier volant le visage de ses victimes. Un simulacre de Jack L’éventreur qui fonctionne et nous replonge dans l’absconse Wielstadt.
L’auteur s’appuie sur des éléments historiques pour nous gratifier d’une histoire crédible. Mais dans cette obsession du détail, les références bibliques s’amassent en versets, Genèse et autres phrasés liturgiques, qui se révèlent lassants.
Le roman semble reposer entièrement sur ces recherches théologiques et l’intrigue, hésitante, pâtit de ce regain de religion jusqu’à la fin.
« In Nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti… »
Le choix scénaristique n’appartient qu’à l’auteur. Mais il est dommage de constater que cette magie noire opérant dans le premier tome, ne soit pas aussi présente dans ses suites.
Au fur et à mesure, l’auteur renferme son monde sur ce combat éternel du Bien contre le Mal, occultant son propre imaginaire qui nous avait conquis.
Bien que le Les Ombres de Wielstadt soit le tome les plu abouti scénaristiquement, il serait dommage de ne pas s’intéresser aux deux autres épisodes qu’offre cette intégrale de la trilogie.
Malgré une continuité peu satisfaisante, La Trilogie de Wielstadt est l’un de ces livres de Fantasy française qui vaut qu’on s’y attarde.
… « Amen.»