- le  
La truie et autres histoires secrètes
Commenter

La truie et autres histoires secrètes

La renommée et la prolixité de Jean Ray a quelque peu éclipsé en France les nombreux auteurs belges qui ont pourtant fait preuve de talent dans le domaine de la littérature fantastique. Thomas Owen en fut l’un des représentants les plus remarquables. Débutant avec le roman policier dans les années quarante, il publia un grand nombre de nouvelles d’épouvante jusque dans les années quatre-vingt-dix. Parmi ses recueils les plus intéressants et les plus connus, citons par exemple ce titre évocateur : La cave aux crapauds. Rééditées en quatre forts volumes par les éditions Lefranc, certaines de ses nouvelles ont été adaptées au cinéma, en courts ou longs métrages négligés par les cinéphiles depuis bien longtemps… Souhaitons qu’il n’en soit pas de même pour ses récits dont le style sobre révèle parfois de ces lignes surprenantes qui font naître un sourire de contentement ou un soupçon d'angoisse chez le lecteur.

Un répertoire des frayeurs ordinaires…


Fatigué par la conduite nocturne, un automobiliste décide de prendre un peu de repos dans un hôtel rural. Avec quelques habitués il y jouera à un jeu qui, s’il gagne, lui permettra de voir "La truie" ! Le recueil s’ouvre sur cette nouvelle des plus dérangeantes et donne le ton de celles qui vont suivre, où les femmes jouent un rôle particulièrement important. Parfois à la limite du surréalisme, ou pour le moins dans les marges bizarres du quotidien dans des textes pour lesquels "Les moments difficiles" constitue une bonne entrée en matière, Thomas Owen sait évoquer l’incompréhensible chaos de nos existences et la mort qui survient, tout aussi énigmatique et surprenante. Son approche est trouble, souvent réaliste sans être crue, onirique sans concessions aux illusions. Car tout cela pourrait bien s’être vraiment produit quelque part… De nouvelle en nouvelle, les espoirs naissent et se dissipent en conclusions glaçantes…

Un univers d’ombres mélancoliques.

Peu d’optimisme chez Owen, et même l’amitié a du mal à exister. Si les hommes font peur, les femmes ne sont évidemment pas en reste car il est des guetteuses qui observent les moindres gestes des narrateurs dans un but obscur. Avec un art consommé, l’auteur fait naître une peur insidieuse, qui s’étend et s’empare des esprits avec la déplaisante opiniâtreté d’une araignée tissant un piège bien gluant auquel il sera difficile d’échapper… Tant mieux, puisque c’est exactement ce que l’on s’attendait à trouver dans ce petit volume à la couverture lugubre… Et bien plus que la peur, c’est aussi le dégoût que Thomas Owen convoque lorsqu’il nous montre un homme aux prises avec une étrange et répugnante balle de fil ou quand il illustre les limites de la bonté et du dévouement. Avec lui, les morts revivent parfois, les contes de fées sont racontés par la Carabosse et la douceur voile à peine un fond de cruauté. Très différent de son célèbre compatriote Jean Ray, d’une poésie finalement plus triste que noire, les nouvelles de Thomas Owen méritent vraiment une redécouverte par les amateurs de littérature fantastique.

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?