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Date de parution : 10/05/2024
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La Vermine du lion

A la fin des années soixante, Francis Carsac était l'un des auteurs les plus appréciés des amateurs de space opera, avec des romans populaires de qualité, mêlant avec brio action et réflexion. Certains de ses récits,comme Ce monde est nôtre et Pour patrie l’espace, récemment réédités par les éditions de l’Arbre Vengeur, figurent parmi les textes les plus remarquables de la science-fiction française du siècle dernier. Il était alors peu fréquent qu’un scientifique de réputation internationale admette publiquement sa passion pour cette littérature alors trop souvent décriée, mais ce fut pourtant le cas de François Bordes, l’éminent chercheur en paléoanthropologie dont Francis Carsac était le pseudonyme. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si l’auteur se fait ici le chantre des peuples premiers et nous livre un roman dans lequel les traditions culturelles les plus étranges sont abordées sans parti-pris ni tabou, une attitude scientifique et digne d’éloges dont le lecteur devra s’imprégner s’il souhaite pénétrer sans risques dans la jungle de la planète Eldorado...

Dans la jungle, terrible jungle…

La vie est dure sur Eldorado, une planète riche en gisements de matières premières que le Bureau International des Métaux aimerait exploiter plus largement. Les Terriens y sont peu nombreux en raison d’une directive qui limite la présence coloniale sur les planètes abritant une population autochtone. Brouillée avec son père, le tout puissant patron de la BIM, Stella Henderson débarque à Port-Métal pour le compte du journal qui vient de l’embaucher afin d’y rassembler la matière de quelques articles. Guidée par Teraï Laprade, un prospecteur dont la réputation auprès des autochtones avoisine celle d’un demi-dieu, elle s'aventurera dans la jungle où elle affrontera de nombreux dangers, découvrira des tribus aux étranges coutumes et gagnera finalement Kintan, la capitale du vaste empire Keno, où les turbulences de la politique locale pourraient bien être liés aux ambitions pernicieuses du BIM…

De la science-fiction engagée…

La vermine du lion fait partie des bonnes surprises charriées par le courant de ces vieux Fleuves Noirs si souvent décriés par les contempteurs de la littérature populaire. Dans le cas de ce roman, et même si la forme est, comme on peut s’y attendre, un peu datée, le propos reste d’actualité. En 1967, dans un roman de gare, Francis Carsac nous faisait déjà prendre conscience des dangers écologiques de l’extractivisme, du fanatisme religieux, du poids groupes industriels sur les décisions politiques, et dénonçait l’exploitation des populations autochtones au profit des colonisateurs. Il est étrange de prendre conscience au fil des pages qu’il aura fallu un demi-siècle (au moins...) pour que ces préoccupations, alors largement occultées, prennent dans le débat public la place qu’elles y occupent aujourd’hui. Le roman de Francis Carsac n’a cependant rien d’un ennuyeux réquisitoire car l’aventure y figure au premier plan. En bien des aspects, La Vermine du lion reste proche des livres de Rider Haggard et d’Edgard Rice Burroughs, un récit palpitant où les péripéties se succèdent à un rythme soutenu. Comme Tarzan, Teraï Laprade est un surhomme dont le caractère violent le rend capable de survivre dans les conditions les plus difficiles grâce à l’instinct et la force brute dont il dispose, tout en faisant parfois preuve d’une sensibilité qui le rend attachant, comme en témoigne l’affection que lui portent les peuples indigènes de cet Eldorado extraterrestre. On peut aimer ou détester ses manières, mais ce barbare du futur ne laissera personne indifférent...

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