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La Ville qui parle au ciel

Langue d'origine : Italien
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/2006  -  bd
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La Ville qui parle au ciel

Saverio Tenuta est né en 1969 à Rome. Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Rome et d’une école de BD, dans laquelle il enseigne aujourd’hui, Tenuta débute sa carrière dans la pub et comme graveur d’art. Après de diverses collaborations avec des éditeurs italiens et américains à partir de 1996, il publie sa première nouvelle graphique, Cold Graze, risvegli di ghiaccio (Réveils de glace), écrit par Otto Gabos. En 2003, une série de peintures lui vaut plusieurs invitations dans le magazine Heavy Metal.

En 2003, dans une interview pour SFMag , Tenuta disait : « Tous les personnes que je connais me suggèrent de publier en France... Faites attention, je suis en train d’y penser sérieusement ! ». Voilà qui est chose faite avec La Légende des nuées écarlates, qui semble même être sa première série de BD en tant que scénariste et dessinateur.

Quand les légendes prennent vie

Dans un Japon féodal où les légendes prennent vie, la cité de la shogunaï Ryin Fujiwara est prisonnière des glaces qui ne cessent de progresser. De plus, les loups izunas de la forêt, sorte d’animaux-démons, multiplient leurs attaques. Alors qu’elle allait être capturée par la garde de la shogunaï, Meiki, jeune artiste de théâtre de marionnettes bunraku, est sauvée par Raido, un ronin amnésique obsédé par les voix emplissant son esprit, que seule Meiki semble pouvoir apaiser. Qui est Raido ? Pourquoi les loups le craignent-ils ? Quel est son lien avec Meiki et pourquoi celle-ci est-elle recherchée par la shogunaï ? Et que sont les nuées écarlates ?

Une véritable œuvre d’art

Que les allergiques aux superlatifs pardonnent ce qui va suivre mais il est impossible de les éviter. Tenuta est un artiste de génie. Chaque planche est une œuvre d’art d’une beauté époustouflante au point que, lorsqu’on ouvre l’album, il est impossible d’en commencer la lecture tout de suite tant le regard est capturé par la magnificence des dessins. Que ce soit dans les décors, les visages, les vêtements, les corps, Tenuta fait preuve d’une précision remarquable et retranscrit à merveille les mouvements.

Ce trait fin et précis est rehaussé par une colorisation naturelle (aquarelle ?) d’une rare beauté. Notamment, l’utilisation du blanc (la neige, les loups - hallucinants -, les corps) et du rouge (le sang, les feuilles d’arbre, les vêtements) est extrêmement réussie et crée un contraste tranchant et somptueux qui installe des ambiances tour à tour guerrières, feutrées, naturelles… Sans oublier le bleu pâle et profond de la nuit. Les jeux de reflets sont magnifiques. Tenuta va même jusqu’à infiltrer des reflets rouges dans la chevelure de jais de Meiki, montrant le soin qu’il apporte au moindre détail de ses planches.

Le lettrage est également harmonieux et les paroles criées sont mises en gras. C’est un artifice simple mais très astucieux et très efficace.

Bref, La ville qui parle au ciel est un album graphiquement excellent. On peut passer des minutes entières à en admirer les planches, à se délecter de la grâce des dessins et de l’éclat des couleurs. Mais ce n’est pas la seule qualité de cette BD.

Un scénario captivant, plein de surprises et de promesses


« La vie, c’est comme un poème, elle ne se répète jamais mais elle recourt souvent à la rime ». Cette citation, métaphore de la vie de Raido dont les charnières présentent des similitudes mais n’ont jamais la même issue, est symbolique de l’imbrication entre l’intrigue de l’album et l’art. C’est ce qui fait tout le charme de cette histoire dont les grandes lignes sont relativement classiques. La BD est d’ailleurs découpée en trois actes, à l’image du spectacle de marionnettes de Meiki qui ouvre l’album, allégorie parfaite de héros prisonniers de leur destin et qui cherchent à en trancher les liens. Ce parallèle entre art et réalité, qui se manifeste également par la présence de la calligraphie et de la peinture, efface la frontière entre les légendes et le monde réel et nous plonge dans un état d’émerveillement que peu de BD aujourd’hui sont capables de procurer.

Si le fond de l’intrigue n’est pas d’une grande originalité (elle fait penser par certains côtés au Princesse Mononoke de Miyazaki), elle n’en est pas pour autant ennuyeuse et offre un grand nombre de surprises qui gardent l’intérêt du lecteur éveillé en permanence. Notamment, l’utilisation de flash back habilement distillés, dévoilant petit à petit le passé de Raido, réserve son lot de révélations opportunes. Les transitions entre les deux lignes de narration (passé et présent) sont très bien amenées et confèrent de la fluidité à la lecture, ainsi que de la cohérence.

Ce jeu de mystères est renforcé par les dessins et les dialogues : l’auteur parvient à retranscrire la noblesse des personnages et des lieux, les entourant d’une aura mythique particulièrement séduisante. Tout en restant dans des limites raisonnables de crédibilité : le combat au sabre entre deux samouraïs, par exemple, est d’une brièveté et d’une intensité parfaitement réaliste, rappelant le Zatoïchi de Takeshi Kitano.

A ne pas manquer !

La qualité des dessins et de l’histoire font de La ville qui parle au ciel une BD immanquable. Dans ce premier tome, les éléments et les personnages se mettent en place, le passé de Raido nous est petit à petit dévoilé et laisse entrevoir un nouveau pan de l’histoire qui promet d’être plus vaste. Une grande fresque se dessine, où les légendes se mêlent au réel, et où les hommes tentent d’outrepasser les lois de la nature pour se libérer de l’emprise de leur destin. On attend la suite de La Légende des nuées écarlates avec une impatience difficilement contenue.

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