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L’Archipel des Numinées, intégrale - Les secrets d'écriture de Charlotte Bousquet
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L’Archipel des Numinées, intégrale - Les secrets d'écriture de Charlotte Bousquet

Actusf : L’Archipel des Numinées, version intégrale vient d’être édité aux éditions Mnémos. Quelle a été l’idée à l’origine de ce cycle ?

"Lorsque j’ai terminé mon premier cycle de fantasy, Le Cœur d’Amarantha, j’ai eu envie de développer des romans dans l’un de mes royaumes préférés : La Pallée."

Charlotte Bousquet : Lorsque j’ai terminé mon premier cycle de fantasy, Le Cœur d’Amarantha, j’ai eu envie de développer des romans dans l’un de mes royaumes préférés : La Pallée. Ma collaboration avec Nestiveqnen s’étant arrêtée, mais l’envie persistant, j’ai commencé à développer un univers à partir de ce royaume… Dans mon esprit, les Numinées sont restées liées pendant très longtemps à Amarantha, et l’archipel était au départ celui des Incantiades, Peu à peu, ce nouvel univers s’est affranchi de son ancêtre – on peut les voir de façon complètement indépendante, ou considérer que le premier est l’antiquité du second… peu importe. Les seuls fils rouges existant – qui sont ceux qui relient de toute façon tous mes univers de fantasy, sont ceux de la menace du néant, quelle que soit sa forme.
Pour l’Archipel, j’ai puisé dans la renaissance italienne, mais aussi dans les jeux de rôles (ça, c’était aussi le cas pour Amarantha), et de façon plus personnelle, dans mes propres recherches sur la nature du mal – qu’est-ce qui pousse l’humain à se tourner du côté obscur de la Force (la peur, la haine, la colère, ok…) ? Jusqu’’où peut conduire la volonté de puissance ? Et l’amour ? Et la vengeance ? Que se passe-t-il quand je décide réellement de considérer l’autre comme un objet/ outil ? Et, qu’est-on prêt à sacrifier lorsqu’on agit par devoir, en vue du plus grand bien ? La plupart de ces questions sont posées dans le premier tome Arachnae. Les autres sont développées dans Cytheriae – bien plus intime, puisqu’il s’agit d’amour et de folie et Matricia, qui évoque la vengeance et encore la folie.

"Pour l’Archipel, j’ai puisé dans la renaissance italienne, mais aussi dans les jeux de rôles (mais ça, c’était aussi le cas pour Amarantha), et de façon plus personnelle, dans mes propres recherches sur la nature du mal [...]"

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Charlotte Bousquet : En fil rouge : le culte de Kebahil, dieu lié à la folie et à la corruption, renaît de ses cendres et tente de libérer de ses chaînes. À mesure que la divinité gagne en puissance, la corruption et le vide rongent l’Archipel et ses habitants : la peste cendreuse, qui transforme les vivants en espèces de goules, ravage Matricia – et d’autres îles. Les rescapés s’exilent dans d’autres principautés (à Cytheriae par exemple) et tentent d’y survivre. En parallèle, des femmes – et des hommes –, choisis par la Triple Déesse ou simplement… lucides (comme Angelo, capable de voir au-delà-du bien et du mal « à échelle humaine »)… décident de se dresser contre cette entité. C’est l’intrigue de fond – après, chaque roman se lit indépendamment.

Actusf : Dans la 1ère partie, Arachnae, alors que le prince Alessio et les Moires s’affrontent, Théodora, votre héroïne au caractère bien trempé, se retrouve à devoir faire équipe avec le sombre Capitaine Gracci. Pouvez-vous nous parler d’eux, de cet improbable duo qu’ils forment ?

Charlotte Bousquet : Théodora est une jeune femme surdouée, à qui l’on répète depuis son enfance qu’elle a été « choisie » par la Triple Déesse pour être son bras armé. C’est une fille complexe, effectivement très douée pour tuer, très efficace, mais émotionnellement immature, adolescente (en crise perpétuelle) dans son rapport aux autres. Tigran Gracci, lui, est un vétéran, solitaire, entièrement dévoué à son travail, animé par un profond sentiment de devoir et de loyauté envers la ville et ses habitants. Tigran est le seul qui voit Théo telle qu’elle est : une gamine incroyablement douée, grandie trop vite, terrorisée par ses pouvoirs et par la vie. Qu’on lui a choisie (et qu’elle s’impose, par peur de sortir du cadre). Théo éprouve pour Tigran des sentiments d’autant plus sincères qu’ils sont sans danger (de séduction, d’utilisation, etc.).

Actusf : Avez-vous du faire beaucoup de recherches pour créer votre univers ? Comment avez-vous travaillé ?

"Question recherches, en fait je me suis nourrie de mythes, de légendes et de philosophie pour écrire – et j’ai beaucoup puisé en moi-même, travaillant avec mes propres failles."

Charlotte Bousquet : J’ai commencé par créer la mythologie et les légendes de l’Archipel – il y a des Moires, prêtresses du destin, des lamias, stryges, etc. Il y a des ordres de magie, de vieilles histoires déformées par le temps, etc. Je me suis ensuite penchée sur l’aspect politique des villes : matriarcat despotique, matrilinéarité, etc. Ce qui m’intéressait, c’était cette volonté de puissance engoncée dans de vieilles traditions et contradictions, érigées certainement pour un grand bien au départ, et qui finissent par être altérées par la peur et le pouvoir. Ensuite, j’ai dessiné les îles, décidé de leur climat, etc. Question recherches, en fait je me suis nourrie de mythes, de légendes et de philosophie pour écrire – et j’ai beaucoup puisé en moi-même, travaillant avec mes propres failles.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier ? Littéraires, cinématographiques ?

Charlotte Bousquet : L’œuvre de Sade, celle de Machiavel. Des films comme La Courtisane, peut-être ? Mais non, pas vraiment… Des lectures comme les œuvres de Guy Gavriel Kay. Et des univers de jeu de rôles comme S7M, L5R ou Le Monde des ténèbres.

Actusf : Écrire de la littérature de l’imaginaire, vous permet-il d’aborder certains sujets qui vous tiennent à cœur ? De dénoncer certaines choses ? Car L’Archipel des Numinées comme Les masques d'Azr'Khila, Tome 1 : Shâhra, une autre de vos séries, dépeint un univers sombre et corrompu. Est-ce un reflet de notre monde ?

"L’Archipel interroge l’humain et ses failles – il a été publié en 2010, et ce qui est dit sur les réfugiés faisait écho, et fait toujours écho à l’horreur subie par les femmes, les hommes, les enfants que l’on emprisonne dans des centres de détention au lieu de les accueillir, que l’on laisse se noyer au lieu de secourir."

Charlotte Bousquet : Shâhra n’est pas sombre. Cramé par le soleil, brutal – mais c’est le pays des Bisounours à côté de l’Archipel ! Plus sérieusement : les genres de l’imaginaire se nourrissent du monde qui nous entoure, et la fantasy permet bien évidemment de questionner le réel à travers le prisme de la fiction. L’Archipel interroge l’humain et ses failles – il a été publié en 2010, et ce qui est dit sur les réfugiés faisait écho, et fait toujours écho à l’horreur subie par les femmes, les hommes, les enfants que l’on emprisonne dans des centres de détention au lieu de les accueillir, que l’on laisse se noyer au lieu de secourir. Il pose la question de l’autre, en tant que sujet ou objet : quand on considère l’autre comme un objet, on le laisse crever au milieu de la Méditerranée, on le tue, on le viole (peu importe l’âge) parce qu’il n’a aucune importance. Dans l’univers de Shâhra, la menace vient de l’Asag – et l’asag tue, tout ce qui est vivant, le transforme en cendres. Comme la pollution, l’agriculture intensive, l’industrie, détruisent et assèchent notre monde. Shâhra pose d’autres questions, encore mais plus intimes : ce sont des quêtes d’identité, d’humanité, des rapports à la vie, la mort et la métamorphose…

Actusf : Maintenant, quelques années plus tard, modifieriez-vous quelque chose à votre roman ou finalement tout est là et rien n’a changé ?

Charlotte Bousquet : C’est une trilogie (enfin, un cycle en devenir…) qui a été écrite il y a dix ans. Je l’ai entièrement retravaillée pour la publication de cette intégrale (et on y a ajouté des cartes, des nouvelles, de la poésie, un peu de théâtre). Mon écriture a énormément évolué : j’ai retravaillé le style, en particulier dans le premier tome.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Charlotte Bousquet : J’écris un roman intimiste, qui se passe entre la France et le Portugal. Un autre, plus bizarre. J’ai pas mal de projets en cours. Et d’ici la rentrée, je me mettrai à l’écriture du T2 de Shâhra.

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