Pour cette livraison de novembre, nous débuterons par la Fantasy pour la jeunesse avec une publication des éditions Bayard qui vaut le détours, tant par la riche présentation livre en lui-même, que par son contenu, je veux parler de La résistance, le premier tome de la trilogie d’Idhun de la romancière espagnole, Laura Gallego Garcia. Le jour où est survenu la conjonction astrale des trois soleils et des trois lunes le puissant nécromancien Ashran a pris le pouvoir sur le monde d’Idhun permettant à ses alliés, les Sheks, de redoutables serpents ailés, de revenir de l’exil où ils avaient été confinés. Dés lors ceux-ci s’acharnent à exterminer leurs ennemis héréditaires, les dragons, en même temps qu’est décimé le peuple des licornes, seules capables de canaliser la magie et de former ainsi de nouveaux magiciens. Deux représentants de ces races persécutées ont cependant réussi à s’échapper : Lunnaris, la dernière licorne et Yandrak, le dernier des dragons. Ces animaux fabuleux ont été dissimulés dans un univers parallèle, la Terre, où Ashran a envoyé Kirtash, son propre fils, afin de les trouver et de les détruire. Telle est la fascinante histoire que Jack, un jeune adolescent de 13 ans dont les parents ont été tués par Elrion, un magicien au service de Kirtash, apprend après avoir été sauvé par la Résistance. Celle-ci est incarnée par Aslan, un prince idhunien en exil, et par Shail, le magicien, désormais réfugiés à Limbahd, un intermonde plongé dans une nuit perpétuelle hors d’atteinte de Kirtash, qui possède une sphère, l’Ame, que les occupants de Limbhad évoquent afin d’effectuer des voyages interdimensionnels vers des destinations choisies à l’avance. Là, Jack, qui possède d’étranges facultés pyrotechniques, rencontre la jeune Victoria, mise à l’abri comme lui par la Résistance, et dotée de fascinants pouvoirs de guérisseuse. Patiemment initié au maniement de l’épée par Aslan, Jack va désormais participer à la tache commune : tenter de retrouver Lunnaris et le Yandrak. Pour cela il leur faut d’abord mettre la main sur Ayshel, le bâton magique qui permettra la réalisation de la prophétie annonçant le retour des magiciens sur Idhun. Mais Kirtash, qui continue d’éliminer les rares idhuniens qui sont parvenus à se cacher sur Terre, est également à sa recherche. Or, personne ne peut résister à son mortel regard hypnotique fruit de sa nature d’hybride voulue par sa père, qui l’a croisé encore bébé avec un Shek à peine sorti de l’œuf, faisant de lui un être mi-serpent et mi-homme. Pris dans une embuscade les membres de la Résistance sont désormais bien mal en point. Shail est tué en voulant défendre Victoria, qui est en vérité Lunnaris, la dernière licorne, et Aslan est transformé en loup-garou par les démoniaques expériences d’Elrion.
Quittant pour un temps l’abri de Limbhad, Jack et Victoria décide de retourner sur Terre où ils mènent pendant prés de deux ans leur propre existence avant que Jack, secrètement amoureux de Lunnaris, la rejoigne chez sa grand-mère d’adoption, qui est loin d’être la vieille femme bien tranquille qu’elle laisse paraître. Dés lors un étrange trio va se composer entre Jack, Victoria et Kirtash, devenu un chanteur de rock au milliers de fans, qui est lui aussi tombé amoureux de la jeune fille. Est-ce un double jeu que mène le fils d’Ashran ? Victoria voudrait se persuader du contraire. Le nécomancien, de son côté, ne voit pas d’un très bon œil cette passion qui dévore son fils. Il fera dés lors appel à Gerde, une fée qui a trahi son peuple et fait allégeance aux Sheks, pour tenter d’éliminer Victoria, tout en soumettant son propre fils à la torture. Mais, quand, à sont tour, Jack découvrira sa véritable nature et que de redoutables ennemis qu’il croyait disparu feront leur réapparition, Ashran aura cette fois bien du mal, en dépit de ses immenses pouvoirs, à parvenir à ses fins et la Résistance, que l’on croyait éradiquée pourra renaître de ses cendres afin de repartir à la conquête d’Idhun. La traduction du premier volume d’une trilogie qui a connus un immense succès en Espagne et qui est aujourd’hui l’œuvre la plus aboutie de Laura Gallego Garcia que le public français a pu découvrir grâce à la parution dans la collection Baâm des éditions J’Ai Lu de certains de ses ouvrages comme la série des Chroniques de la Tour et les romans L’impératrice des Ethérés et Deux cierges pour le diable. Elle s’inscrit ici dans une thématique familière à l’héroic fantasy pour la jeunesse décrivant des héros dotés de pouvoirs dont il n’ont eux-mêmes pas conscience lancés dans une quête initiatique fertile en danger afin de des maîtriser (on peut penser par exemple au récent Lombres de China Mieville publié chez Le Diable Vauvert).
Toutefois Laure Gallego Garcia a su éviter l’écueil du manichéisme souvent reproché à ce type d’histoire en créant un personnage de Kirstach/Christian bien moins sombre que le laisse entendre les premières pages du livre. Certains lecteurs friands de péripéties pourront reprocher à l’auteur un côté quelque fois fleur bleu (celui que l’on retrouve parfois dans les ouvrages de la série Twlight de Stéphanie Meyer aux vampires un peu trop édulcorés pour les fans des films de la Hammer), mais ce livre s’adresse avant tout à un public d’adolescents qui pourront parfaitement se retrouver dans le trio amoureux ambigu formé par Victoria, Jack et Kirtash, tout aussi bien que par l’utilisation de ces derniers d’outils de la modernité tels qu’Internet, les déplacement en métro, la pratique du taekwondo, ou la ferveur pour le musique rock, qui leur permettront de parfaitement s’identifier aux héros de cette trilogie. A noter encore la remarquable présentation du roman par les éditions Bayard, qui offrent à leur lecteur un gros volume cartonné de plus de 500 pages à la jaquette finement illustrée que nous devons à Alfonso Ruano et Pablo Ruanez représentant l’affrontement entre les trois races mythiques des dragons, des licornes et des serpents ailés. De même que, sur le site des éditions Bayard, une vidéo de présentation de ce premier tome, ainsi qu’une vidéo contenant une interview de Laura Gallego Garcia et de ses fans. Enfin le site consacré à la série, www.idhuh.fr, propose de son côté un jeu concours pour continuer à s’immerger dans l’atmosphère envoûtante de ce livre qui fera sûrement date dans la production de la Fantasy jeunesse de cette année 2010.

Dans le second volume analysé dans ce billet, nous quittons les rivages ibériques pour une promenade au sein de notre bon vieux terroir sur les traces d’un conteur comme on en fait plus, qui nous propose sa Grande bible des fées aux éditions du Pré aux Clercs. On ne présente plus Edouard Brasey aux amateurs de littérature de l’imaginaire, car désormais il fait partie intégrante du paysage français centré sur le domaine du merveilleux. Que ce soit à travers ces quelques 70 ouvrages consacrés au genre, dont de nombreux chez Le Pré-aux-Clercs (La petite encyclopédie du merveilleux, L’encyclopédie du légendaire, Le traité de vampirologie, etc…) ou sa remarquable trilogie de La malédiction de l’anneau chez Belfond qui revisite l’univers de la tétralogie wagnérienne, il enchante depuis de nombreuses années les lectures des passionnés de fantasy et de légendes. Aujourd’hui il revient avec un somptueux ouvrage centré sur les fées, ces créatures merveilleuse, d’apparence féminine, dotées de pouvoirs surnaturels et pouvant exaucer les vœux des mortels dont elles assurent la protection. Ne voulant pas se borner à décliner un simple catalogue de leurs multiples représentations, Edouard Brasey à voulu nous aider à pénétrer dans l’intimité de leur peuple afin de mieux en discerner les fascinantes facettes de leur univers plus complexe qu’il ne le paraît de prime abord. Pour se faire, il a structuré cette grande bible en six livres. Le premier, Le Livre des Origines, se décompose en cinq chapitres : 1.La naissance des fées, avec définitions, origine des fées et différentes espèces – 2.La communauté des fées, qui nous entraîne dans La petite société des fées (leurs rapports avec les hommes, les maisons des fées, les bains des fées, etc…), qui nous convie à La table des fées (Nourriture et cuisine, repas des fées, ustensiles des fées, etc…), et nous invite à La danse des fées (Danse des korrigans, Cercles des fées, etc…) – 3.La géographie des fées, dépeignant les îles enchantées, Avalon, les forêts magiques, les terres d’Irlande et les grottes des fées – 4.Les reines (lois et constitution politique), nous parlant de la monarchie féerique, de la cour d’Oberon et Titania, des châteaux de Mélusine, etc… - 5.Les croyances (théologie), évoquant la mortalité ou l’immortalité des fées, l’âme des fées, les Banshees et les Dames Blanches.
Le second livre, Les Livres historiques. Chroniques et légendes explore quatre approche du peuple féerique : 1.Les fées marraines, où l’on parle des Changelins et des enfants-fées – 2.Les fées amoureuses, qui présente la Fée courtoise, les Tabous féeriques comme Lanval et Guingamor – 3.Les fées de la nature et des éléments, avec Les maîtresses des éléments, les Fées des fleurs, les Dryades et hamadryades, les Fées des eaux minérales, les Esprits des racines, Les arbres à fées, l’herbe à fées et l’herbe d’or – 5.Les fées animales, consacré aux métamorphoses animales, à la Blanche Biche et aux Selkies ou fées-phoques. Le troisième livre, intitulé Les Livres poétiques, se décline en trois compositions : 1.Les calendriers magiques des fées, comportant toutes les dates cruciales liées à leurs apparitions, équinoxe, solstice, tableau de la saison claire et de la saisons sombre, etc… - 2.Les fées du zodiaque, partant du Bélier jusqu’à la fée des Poissons en égrainant tous les autres signes de l’horoscope – 3.Les invocations, fabuleuse compilation de toutes sortes de Rituels (rituel du Printemps, du culte des reines et des fées d’Avalon, d’Halloween…), de Cultes (des Centaures, des sirènes, des elfes et des sylphes, des dragons et des nains, des licornes et du soleil…), d’Invocations (des végétaux, des capes d’invisibilité, à la porte en cercle de feu…), de Bénédictions (des arbres pour les dryades, des baguettes magiques…) de Formules (pour utiliser sa baguette ou son miroir magique), d’incantations (à l’ouverture du Premier Grimoire), de Baptême (pour les fées du Grand Chêne), d’Onction (pour les baguettes magiques et les balais du culte de Samain).
Le quatrième livre, baptisé Le Livre des prophétesses, nous invite à faire la connaissance des Petites fées de Cottingley, des Fées et des Devas dans les jardins de Findhorn et nous propose d’enrichissantes Conversations avec le Dieu Pan. Le cinquième livre se présente comme Le Nouveau Testament des fées et se découpe en cinq grands paragraphes : 1.La genèse des fées – 2.L’évangile selon Titania, consacré à Titania et Obéron, la reine et le roi des fées – 3.L’évangile selon Mélusine, centré sur la légende de Mélusine et Raymondin – 4.L’évangile selon Viviane, qui nous rapproche de l’enchanteur Merlin – 5.L’évangile selon Morgane, qui s’étend sur la figure emblématique du roi Arthur. Enfin, le cinquième et dernier livre, L’Apocalypse des fées, explore la face sombre de ces créatures enchantées avec Les fées fatales, la fée Carabosse, le Regard des fées, les Sortilèges des fées et la Belle Dame sans Merci. Un épilogue sur Les dernières fées et une Bibliographie terminent ce luxueux ouvrage présenté sous une couverture cartonnée et dorée, dont l’intérieur, paré de nombre uses enluminures, à la manière des anciens manuscrits, bénéficie de l’apport des nombreuses illustrations couleurs et souvent pleine page du trio Sandrine Gestin, Amandine Labarre et David Thiérrée, trois dessinateurs talentueux des mondes féeriques, qui permettent ainsi aux lecteurs de mieux s’approprier de la substance des textes en la transcrivant en flots d’images évocatrices complétant avec bonheur les descriptions détaillées fournies par un Edouard Brasey à la plume de rêve qui trempe perpétuellement dans l’encrier du merveilleux.

Enfin je reviendrai sur un petit recueil paru en mars 2010, Youssef et le palais des chagrisn. Contes d’Arabie Saoudite, de Lamia Bashen, qui permet de mettre en lumière la collection La Légende des Mondes des éditions de l’Harmattan . Un recueil de contes populaires saoudiens ("Le sultan de la poule", Les pommes magiques", "Le coq et le collier de perles", "Le destin de Khassa", "Les souris de Makki", "Youssef et le palais des chagrins") qui nous transporte dans un monde étrange et merveilleux où la magie de l'amour métamorphose les gens et les choses souvent en contraste avec les contes de Mille et une Nuits composé d’une chaîne de violences et d’amours coupables et néfastes. Un ouvrage qui a nécessité une dizaine d’années de recherches et d’entrevues avec les femmes saoudiennes et qui s’inscrit dans la politique de préservation de la culture de la Hedjaz, la région ouest de l’Arabie Saoudite entreprise par Lamia Baeshen. Des contes rassemblant les croyances, les communes et les rituels des communautés de ce cette région, renforçant les liens qui les unissaient et bannissant la monotonie de la vie quotidienne durant des centaines d’années. Un livre qui s’inscrit dans une collection, La légende des mondes, contenant déjà pas mal de titres susceptibles d’intéresser les lecteurs de notre domaine regroupant des contes issus des quatre continents et, en particulier, d’Afrique, d’Asie et d’Europe Centrale. A noter que l’on peut trouver une critique de ce titre sur le site www.lapresse.tn