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Le billet de Jean-Luc Triolo -12
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Le billet de Jean-Luc Triolo -12

En même temps que  l'intégrale de La porte du chaos de Louise Cooper, les éditions Bragelonne nous propose en ce mois de décembre 2010 la reprise d'une autre trilogie, celle de La septième épée de David Duncan, auteur déjà chez ce même éditeur de la série des Lames du roi. L'histoire commence avec Le guerrier de la Déesse, qui voit un certain Wallie, habitant tranquille de notre vingtième siècle, frappé par une soudaine encéphalite, se retrouver dans un univers parallèle dans la peau d’un héros barbare accompagné d’une magnifique esclave et d’un vieux prêtre qui radote à propos d’une improbable déesse.

Bien entendu notre homme a du mal à accepter la réalité de ce qui lui arrive, mais le prêtre insiste en lui assenant qu’il est désormais Shonsu, un épéiste hors pair pourvu d’une musculature à faire pâlir d’envie Arnold Schwarzenegger Dans l’histoire, l’âme de Shonshu serait morte, ainsi que le corps de Wallis dans notre monde et un petit demi-dieu nommé Courtebotte lui explique alors qu’il doit devenir le champion de la déesse, divinité ultime dans le monde strictement hiérarchisé où il a été envoyé, afin d’affronter un autre combattant du septième niveau. Gloire et fortune l’attendent s’il accepte d’endosser ce rôle. Pourtant Wallis/Shonsu, pas encore familiarisé à son identité d’emprunt, hésite. De quoi décider Courtebotte à employer des arguments beaucoup plus persuasifs. Et notre héros en herbe qui ne demandait rien se retrouve affublé d’une redoutable épée avec les partisans de la déesse à ses trousses. Bien entendu tout cela va déboucher sur des aventures mouvementées pleines d’humour et de péripéties. Une thématique du terrien transplanté dans un univers inconnu bien souvent utilisé dans la Fantasy (Jeffrey Lord en a fait son fond de commerce avec la série des Blade) avec de splendides réussites comme le cycle du Royaume magique à vendre de Terry Brooks, La tapisserie de Fionavar du canadien Guy Gavriel Kay, Les Terres des rêves de Brian Lumley, le John Carter de Burroughs catapulté sur Mars, ou le De peur que les ténèbres de Sprague de Camp dans le domaine de l’uchronie, et la liste serait bien longue… Mais ce qui caractérise le Wallis de Duncan c’est la rapidité avec laquelle il balaye ses légitimes questionnements pour se couler dans son nouveau personnage et jouir de certains avantages que la situation lui confère.

Le second opus Le voyage du Saphir nous ramène dans cet univers parallèle où Wallie le Terrien, en tant que Champion de la Déesse, doit se mesurer à de redoutables sorciers envahissant sans cesse de nouveaux territoires afin d'honorer leur exigeant Dieu de Feu.  Après un premier tome de mise en bouche où il avait pas mal de difficultés à s'adapter à sa nouvelle personnalité, Wallie doit à présent acquérir  un bon pied marin du fait de son embarquement sur le Saphir, un navire de commerce dont l'équipage l'a accueilli sans chaleur avec sa petite troupe. Le but de son périple fluvial :  accoster sur les berges des villes tombées sous la coupe des sorciers afin de découvrir leurs points faibles.

Cependant, quelques soient ses propres talents et ceux de ses compagnons d'arme, les épées et les prières des Mortels sont loin de rivaliser avec des sortilèges parrainés par des dieux qui ne se gènet pas pour intervenir, directement ou indirectement, dans le conflit. De cette équipée maritime, qui permet à l'auteur de mieux esquisser le monde qu'il a crée, Wallie retiendra que, pour échapper aux sortilèges des sorciers, il n'existe qu'un seul pouvoir capable de les sauver : l'Avènement de la Sagesse. Reste maintenant à le dénicher.

Le destin de l'épée, enfin, termine notre immersion dans cet univers magique où de maléfiques sorciers sont entrés en guerre contre le pouvoir de la Déesse, qui représente en fait le cour du fleuve autour duquel est bâti ce fascinant monde parallèles dont les habitants s’organisent en rigide système de castes basées sur des métiers distinctifs. Grâce à un développement embryonnaire de certaines armes à feu les sorciers avaient gagné la suprématie sur de nombreux champs de batailles et gouvernaient désormais treize cités du haut de leur tour solidement défendues. Or, Wallie, devenu un guerrier de la déesse à travers son implantation dans la peau de Shonshu ; colosse et brillant épéiste du septième rang, avait désormais pour mission de les vaincre et de les repousser dans les montagnes. Armé d’une de la légendaire épée du saphir de chioxin, il s’efforce dés lors de mener sa tache à bien et d’empêcher les sorciers de répandre sur ce monde des bribes de leur grand savoir technologique, en avance de plusieurs millénaires sur le reste de cette civilisation, et dont le développement trop hâtif risquerait de plonger cet univers dans le chaos et l’anarchie. Contre eux il a créé le "Ralliement" où l’on rejoint les meilleurs guerriers et libres épéistes de ce monde. Parmi eux Nnanji, un jeune homme dont il est devenu le mentor et qu’il est destiné à jouer bientôt un rôle prépondérant dans cette aventure épique. Sièges et batailles, tactiques et choix stratégiques élaborés, les opportunités de pactiser ou d’enfoncer le clou de la guerre vont s’entrecroiser dans la fin de cette trilogie où Wallie Smith devra accomplir son devoir envers la Déesse, tout en se demandant s’il n’est pas en train d’anéantir tous les espoirs de progrès de ce monde qu’il se voit contrait de confier entre le mains d’un être un peu trop sanguinaire à son goût. Une brillante variation sur le thème des héros transplantés dans des univers parallèles (comme le Thomas Covenant de Stephen Donaldson, lui aussi en proie à la maladie dans notre univers contemporain) qui, encore mieux que dans Les lames du Roi, démontre que Dave Duncan sait parfaitement construire un univers fictif reposant sur des bases originales rendues parfaitement cohérentes par l’irréprochable tenue de l’intrigue.

Le livre des contes de Ludwig Beichstein

Pour la seconde critique de ce billet nous nous attarderons sur le travail remarquable d'un grand éditeur de la littérature française, José Corti qui, avec sa collection du Domaine du Merveilleux, ne cesse de parcourir les territoires infinis de l'imaginaire. C'est de l'Allemagne que nous vient Le livre des contes de Ludwig Beichstein.

Si dans le domaine du merveilleux les contes Frères Grimm tiennent une place primordiale aux côté de ceux du français Perrault ou du danois Andersen, nous avons eu tendance à focaliser notre attention sur leur seul duo en ce qui concerne la production germanique. Bien que venant après eux, Ludwig Bechstein mérite cependant que l'on s'attarde sur son œuvre qui est ici, enfin, traduite pour la première fois en français. Né à Weimar en 1801, cet auteur occupa toute sa vie en emploi de bibliothécaire qui, tout en lui assurant un salaire régulier, lui permit de se consacrer à sa passion pour l'écriture. Des écrits qu'il tire en partie de la tradition orale de son pays, et en parti des écrits. Mais, contrairement au Grimm, il pris l'habitude de retravailler considérablement ces derniers, n'hésitant pas à les modifier, ce qui leur confère encore plus d'originalité. Les 107 contes réunis dans ce recueil recoupent rarement ceux de ces illustres prédécesseurs. Ils sont d'une grande variété de tons et de motifs. Légers, drôles ou sérieux, ils peuvent se montrer osés par rapport aux pudiques Grimm et présentent des personnages parfois bons, parfois méchants, qui s'invitent au sein de fascinants paysages soigneusement décrits. Corinne et Claude Lecouteux, qui sont à l'origine de l'élaboration de ce livre, et dont la réputation n'est plus à faire dans le domaine de l'imaginaire, ont apporté un soin particulier dans l'annotation de chacun des contes, dont les origines précises sont données, tout ceci accompagné de riches annexes (Préface de 1853, table de concordance, index des motifs). Ils nous offrent ainsi un véritable enchantement, réparant ainsi une injustice due à l'hégémonie des Grimm et ajoutent ainsi une nouvelle perle rare au catalogue de la Bibliothèque du Merveilleux qui, à travers ce livre, n'a jamais aussi bien porté son nom.

Miséricorde !

Enfin nous terminerons par un ouvrage paru aux éditions Eclipse, Miséricorde , premier volet de La trilogie des Dragons du tandem Jaida Jones et Danielle Bennett. Dans l'univers de Techno Fantasy qu'elles ont imaginées, les dragons sont des créatures mécaniques, façonné dans des métaux, précieux ou non et à qui on a insufflé une âme. Ce sont eux qui choisissent leurs pilotes, un peu comme dans des histoires telles que Dinotopia, la série Téméraire de Naomi Novik, voire le récent Avatar. Quoiqu'il en soit le couple monture-cavalier est diablement efficace, au point de permettre au Volstove de remporter enfin la guerre séculaire contre leur ennemi héréditaire, le pays voisin du Ke-Han. Cependant, un malencontreux grain de sable dans ce rouage bien huilé vient compromettre cette victoire annoncée. En effet Rook le meilleur des 14 pilotes de cette fameuse escadrille Draco, n'a guère fait preuve de diplomatie en couchant avec la femme de l'ambassadeur d'un pays ami, l'Arlemagne et, de surcroit, en l'a traitant de catin. Pour rattraper son manquement aux bonnes manières et sauver le royaume du désastre trois personnages fort différents vont devoir s'unir à lui: Royston le margrave, un magicien banni à la campagne pour avoir couché avec le prince d'un pays proche ; Hal, un jeune campagnard solitaire et friand de lecture, qui s'est rapproché de Roysont dans son exil rural ; et Thom, jeune universitaire plutôt timide catapulté au sein de l'escadrille Draco pour comprendre le comportement de ses membres, mais surtout, envoyé spécial de L'Esar, le roi de Volstove, qui l'a chargé de réparer les dégats causés par la conduite irresponsable de Rook.

Le récit va s'articuler autour de ces quatre personnages dont l'histoire nous est retracée au cours de quatre chapitres. Nous en saurons ainsi un peu plus sur ces merveilles de mécanique et de magie que sont les dragons, des femelles uniquement, et en particulier la fameuse Miséricorde, aussi imprévisible que Rook, son cavalier, mais également sur cet univers un peu uchronique, étant donné les multiples allusions à des régions de notre propre monde. Un monde également très machiste, bien qu'inventé par deux femmes, puisque les quatre héros sont des hommes et que les seuls personnages féminins de premier plan sont les... dragons, Des femmes qui n'ont cependant pas hésité à traiter le thème de l'homosexualité masculine, et qui ont mis pas mal d'humour à travers les pages de ce récit mêlant astucieusement magie et technologie. Enfin, un livre mis en valeur par une splendide couverture de Kekai Kotaki, dont on peut suivre le passionnant making off en se rendant sur le blog des éditions Eclipse jamais avares d'information sur leurs publications. Un entrée en bouche en attendant le second tome de cette trilogie, qui s'intitulera : Magie des ombres.

Jean-Luc Triolo

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