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Le Calculeur

Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2007  -  livre
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Le Calculeur

Entré en SF et en Fantasy en 1986, Sean McMullen, dont les nouvelles ont été récompensées par de nombreux prix, est devenu l’un des meilleurs auteurs australiens de SF avec Greg Egan et Peter Nicholls. Il est l’auteur d’une dizaine de romans, dont L’Empire du Centurion, traduit également en français. Son prochain livre, Before The Storm, un voyage dans le temps en SF Jeunesse, paraîtra, en anglais, en juillet 2007

Son cycle du Grand-Hiver (Greatwinter) comprend trois tomes en anglais : Souls in The Great machine (1999), The Miocene Arrow (2000), Eyes of  The Calculor (2001). Le premier tome, Les Âmes dans la grande machine,  avait été publié initialement en deux titres : Voices in The Light et Mirror Sun Rising.  Cette dichotomie a été respectée en 2003, chez Robert Laffont, et le premier volume est devenu en français « Le Calculeur ». La suite sera prochainement rééditée sous le titre « Les Stratèges ».

Reflétant l’éclectisme de son auteur, Le Calculeur est un livre original, difficile à situer entre le steampunk, la science fantasy, l’uchronie ou le roman postapocalyptique. Il est fondé sur un paradigme insolite, prêtant à controverse : une société esclavagiste réduisant certains de ses membres à des composants électroniques – une société-ordinateur. 

Le pouvoir assisté par calculeur

Près de 2000 ans après la catastrophe du Grand Hiver, l’Australie du futur est divisée en plusieurs mayorats. Dans cet univers préindustriel, la communication lointaine repose sur des signaux lumineux codés par des téléphotes - pas tout à fait ceux de  Jules Verne, d’Edison ou de Dauvillier. L’énergie éolienne s’est largement développée et l’électricité, comme l’électronique, n’a pas fait son apparition. Malgré cela, une bibliothécaire en chef, Zarvora Cybéline,  a une grande intuition :  le Grand Hiver est de retour et seule la mise en place d’un calculeur peut permettre d’y faire face. En sa qualité de « Grand-livre », elle transforme secrètement plus d’un millier d’experts et de prisonniers en rouages d’une machine logique en réseau et, dans un monde où le duel est érigé en instrument de justice, s’empare  peu à peu du pouvoir, grâce à sa maîtrise de l’information et des armes à feu.  

Dans ce contexte,  c’est une jeune femme en fuite pour avoir trop pratiqué le duel, Lemorel Milderellen, qui nous sert de guide. Brillante mathématicienne et tout aussi douée pour le maniement du fusil à mèche, elle franchit, un à un, les échelons qui lui permettent de côtoyer le Grand-Livre. Elle découvre, peu à peu, en quoi la lune et le Japon (voilà qui nous ramène aux fantasmes australiens !) sont responsables du retour du Grand-Hiver et comment déjouer les pièges du passé. Ses aventures amoureuses, et celles de son amie Darien, vont également lui permettre de mieux comprendre pourquoi l’Appel, ce chant des sirènes qui prend périodiquement le contrôle des humains et les conduit, inconscients, vers le Sud, rythme la vie des mayorats.   

Mais les velléités guerrières des uns, les mouvements de troupe des autres menacent l’existence même du Calculeur, qui commence à susciter bien des convoitises et beaucoup d’inquiétude.

Au-delà du calculeur

Une fois passées les premières difficultés de compréhension du contexte et du vocabulaire, le roman se laisse lire agréablement. Le style est fluide, tourné vers l’action, la traduction fidèle. Machisme inversé ? Les personnages principaux, toutes des femmes, dirigent le mouvement. Elles sont partagées entre leur engagement total au service du Calculeur et leurs élans amoureux.  Les hommes sont des rouages ou, au mieux, des partenaires sexuels inconstants. Même s’il privilégie les yeux du pouvoir, l’auteur place ses angles de vue à différents niveaux de la société y compris au sein du Calculeur :  c’est ainsi qu’« Addition 17 », « Multiplication 8 », « Fonction 9 » parviennent à exprimer leur point de vue.  

D’un point de vue épistémologique, l’hypothèse de McMullen est intéressante, mais n’est pas toujours habilement exposée. Une société qui (pour des raisons qui seront révélées par la suite)  ne connaîtrait pas l’électricité pourrait-elle tirer profit de la logique computationnelle ?  

Si l’on remplace chaque composant élémentaire (addition, soustraction, mémorisation, etc.) par un cerveau humain, comme le laisse entendre parfois l’auteur, on s’enfonce dans le ridicule. L’énergie dépensée à faire communiquer ces cerveaux calculateurs et à synthétiser les tâches serait bien supérieure à l’énergie dépensée par un petit groupe d’humains pour réaliser le même travail.  En revanche, comme l’auteur le suggère également à d’autres moments,  des humains pourraient être utilisés pour réaliser des tâches intelligentes partielles avec une granularité autrement plus forte que pour un maillage de fonctions élémentaires et une granularité nettement plus fine que la simple division du travail intellectuel dans une organisation professionnelle. Nous serions alors, comme dans le monde de McMullen, dans une société coercitive, pour ne pas dire esclavagiste, où le rôle de l’humain au travail serait réduit à certaines fonctions mentales. Des mini-cerveaux sur patte en réseau. Ce type de problématique est étudiée par les spécialistes d’intelligence artificielle distribuée, mais dans une logique inverse : créer un macro-ordinateur à partir de composants « intelligents » et autonomes.  L’hypothèse McMullen est donc moins puérile qu’on ne pourrait le croire, au premier abord.

Dans la société de McMullen, l’humain est peu de choses. Il est irrésistiblement attiré, comme certains animaux, par l’Appel du sud.. Il s’organise en rouage. La lutte de pouvoir se résout par des combats à mort entre mâles (ici, plutôt de femelles). Les politiciens (les mayors) n’ont presque pas leur mot à dire face aux bibliothécaires (les scientifiques). Le Calculeur peut être vu comme une métaphore de la soumission et de la puissance d’une organisation (de type militaire) et on frémit alors à l’idée qu’il soit réservé à l’usage de quelques décideurs.  Il peut être vu également comme la prise du pouvoir sournoise du monde par les détenteurs du savoir (les scientifiques). Ce qui n’est pas plus rassurant.

Dans tous les cas, le Calculeur sauve l’humanité des erreurs du passé, au prix de la liberté des humains. Une leçon pour le monde de demain ?

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