David B. est un véritable touche à tout, avec des albums comme Pas de samba pour le capitaine tonnerre (1985), Le Nain jaune (1986) ou encore Le Haut mal (6 tomes). Scénariste et dessinateur, il apporte son univers si particulier en noir et blanc influencé par Tardi ou Pichard. Ses œuvres sont fortes et fantastiques. La métaphysique et le rêve sont une quête onirique que David B. mène sans relâche pour combattre ses propres cauchemars.

Emmanuel Guibert est né en 1964 à Paris. Après son bac de lettres, il se dirige vers de "longues études" (6 mois) aux Arts Déco de Paris. Son premier album, Brune, sorti chez  Albin Michel en 1992, lui ouvre les portes d'une nouvelle vague de dessinateurs qui veut renouveler la bande dessinée. Il signe avec Joann Sfar Les Olives vertes, récit bouleversant d'une jeune juive de Judée il y a 2000 ans. Sa rencontre avec David B. a abouti au Capitaine écarlate, sorti en 2000 et réédité par Dupuis cette année, dans sa version originale et une version augmentée de 16 pages (contenant entre autres la nouvelle originale de Marcel Schwob dont est inspirée la BD).

Piraterie dans le Paris 1900

Un masque d'or sur le visage, le Capitaine écarlate mène ses hommes dans une quête de l'absolu. Les pirates sont entrés dans Paris. Un magnifique trois mats glisse entre les façades "Haussmaniennes" du faubourg Saint-Germain. À son bord, l'équipage dévoué à son capitaine et à leur soif de liberté retrouvée font tonner le canon de proue.
Les condés et autres grippe-Jésus auront fort à faire. Même le commissaire Quart-d'Œil devra faire appel à tout son flaire pour combattre ces nouveaux bandits de grands flots. Seul un petit bibliothécaire de quartier va pouvoir approcher et comprendre ces marins au verbe haut et aux jambes de sang.

Pluie de crânes, pluie de mots où l'argot rencontre la poésie

Cet album de David B. et Guibert est un véritable voyage onirique, à la frontière si ténue entre le lever du jour et son coucher. Les deux artistes rendent un hommage très appuyé au poète Marcel Schwob (1867-1905). Toute la force des traits et l'imagination de David B. et Guibert se rencontrent pour donner à l'histoire ce ton si particulier. Le récit, très symbolique et chargé de surréalisme, porte le lecteur sur la vague apprivoisée qu'est la part du rêve et de l'aventure. Les péripéties de Marcel, bibliothécaire en mal d'émotions et d'amour, vont l'emmener sur les traces de sa belle et surtout des pirates. L'argot des marins, les couleurs et dessins ainsi que l'intrigue emportent très vite le lecteur dans ce Paris de la Belle Époque.

Le Capitaine écarlate est une œuvre très forte au charme désuet, celui de la littérature 1900, qui n'est pas sans rappeler Le Petit illustré. Les auteurs ont plongé leur plume dans l'encre de sang si fascinante pour nous donner cet album riche et poétique. À conseiller à tout amateur d'histoires oniriques où poésie rime avec jalousie.