Felix Delep est né en 1993. Diplômé de l'école Emile Cohl, il signe avec la série Le Château des Animaux sa toute première bande dessinée en tant que dessinateur. Dans cette série il fait ainsi ses preuves en tant que dessinateur animalier de talent et coloriste (en compagnie de Jessica Bodard) au moins tout aussi brillant. Felix Delep est également scénariste, influencé notamment par les cartoons de Tex Avery.
Xavier Dorison est né en 1872 à Paris. Scénariste et coloriste, après un diplôme en école de commerce il se lance dans la bande dessinée avec la série Le Troisième Testament (1997) avec Alex Alice chez Glénat. Depuis 2009, il enseigne le scénario à l'École Émile Cohl (Lyon) et chez Gallimard dans le cadre des Ateliers de la NRF. Il intervient également comme script doctor sur de nombreux films. Parmi ses autres collaborations, nous pouvons citer la série Sanctuaire (2001) avec Christophe Bec chez les Humanoïdes Associés, ou encore W.E.S.T. (2003) chez Dargaud avec Fabien Nury au scénario et Christian Rossi au dessin. Ou encore son intervention en tant que scénariste de la reprise de la série Thorgal (Le Lombard 2016), bien qu'avortée aux côtés de Grzegorz Rosiński.
Une réécriture innovante
Dans un château où les hommes sont partis, les animaux ont repris le flambeau. Poules, chèvres ânes et moutons s'épuisent pourtant à la tâche pour le président Silvio, ce taureau qui règne par la terreur avec sa cruelle milice de chiens. Tout doit être partagé pour le bien de la communauté, dit-on. Mais dans cette dictature s'amorce pourtant le souffle d'une révolte initiée par Miss B. et Marguerite. Mais seront-ils capables d'aller jusqu'au bout ?
Une réussite
Dans le monde de la bande-dessinée, les scénarios pullulent d'adaptations d'ouvrages connus, et à en juger par les nombreuses publications récentes de 1984 d'Orwell, on peut s'imaginer que Le Château des Animaux collera ainsi au plus près du scénario. Et bien non. Même s'il serait facile de se tromper et de parler de la Ferme quand on veut évoquer Le Château (déjà entendu, cela provoque une joyeuse scène de quiproquo qui toutefois se termine bien, puisqu'on parle de la même chose). Xavier Dorison prend le pari d'affirmer son influence orwellienne en s'en détachant habilement pour s'adonner à un scénario nettement plus inventif.
Là où La Ferme des Animaux évoquait la mise en place d'une dictature, le Château des Animaux parle lui au contraire, de l'élaboration d'une révolution incarnée par Miss Bengalore alias Miss B. une chatte, la seule au château. Elle est veuve, mais aussi mère avant tout et surtout, une personnalité courageuse au caractère bien trempé.
Le premier tome de cette série nous permet de nous familiariser avec tous les personnages et la situation. La cruauté et la violence omniprésente au sein du château (et absolument pas édulcorée, autant vous le prévenir). La magie dans cette série c'est sa capacité à nous attacher aux protagonistes, et à faire travailler notre esprit critique via les dialogues de Dorison incarné via la figure d'Azélar-Vieux-Gris. Felix Delep dépeint tellement bien ses personnages, qu'on y trouve à la fois toute leur animalité dans leurs postures, mais également leur humanisation dans leurs attitudes. Ce premier tome est prenant, bouleversant. C'est une bande dessinée qui ne se lit pas à la va-vite tant elle est dense, profitez de chaque image, chaque situation, chaque dialogue a son importance. Une révolte ne se fait pas à la va-vite, elle demande une certaine préparation, et surtout aussi, doit savoir se relever de ses échecs.
En bref, avec Miss Bengalore, Felix Delep et Xavier Dorison nous gratifient d'un très très bon tome d'introduction et d'un bel hommage à l'œuvre originale d'Orwell.