Si l'on en croit Kurt Vonnegut Jr (1922 - 2007), il n'a jamais souhaité écrire de science-fiction, un genre littéraire pour lequel il n'avait aucun goût. Son intention était seulement d'écrire sur la vie en utilisant les machines, les distorsions temporelles, les planètes extra-terrestres... C'est donc bien malgré lui que bon nombre de ses romans ont été considérés comme des chefs d'œuvres de la science-fiction. Il suffit pourtant de parcourir Abattoir 5, Les sirènes de Titan ou Le pianiste déchaîné pour se convaincre que cette appartenance au genre est parfaitement justifiée. Le cri de l'engoulevent dans Manhattan désert est un roman post-apocalyptique dans lequel nous retrouvons ce style immédiatement identifiable, à la fois humoristique et désabusé, qui est la marque de fabrique de Kurt Vonnegut Jr et qui, dit-on, a donné naissance outre-Atlantique à un adjectif pour le qualifier : vonnegutsy. Rions.
Les mémoires d'un néandertaloïde
Kurt Vonnegut Jr annonce dans le prologue qu'il s'agit d'«Une histoire sur les villes à l'abandon et le cannibalisme spirituel et l'inceste et la solitude et l'absence d'amour et la mort et le reste.» Après un prologue autobiographique, le roman prend la forme d'une autre autobiographie, celle du narrateur, un néandertaloïde de deux mètres et accessoirement dernier Président des Etats-Unis d'Amérique. Il vit dans ce qui reste de l'Empire State Building, après les terribles épidémies de peste albanaise et de mort verte qui ont décimé la population. La pesanteur fait également partie des causes de la destruction de la civilisation nord-américaine car elle subit des fluctuations qui, dans le pire des cas, provoquent l'effondrement des constructions et plaque les humains au sol ou au contraire, lorsqu'elle devient moindre, est responsable d'une érection permanente chez la totalité des mâles encore vivants. Ces irrégularités sont censées être causées par les chinois, devenus microscopiques grâce à une technologie secrète afin de lutter contre les conséquences de la surpopulation. La majeure partie du récit est centrée sur les relations entre le narrateur et sa sœur jumelle qui, lorsqu'ils sont séparés, sont stupides alors que leur QI devient celui d'un génie dès qu'ils se trouvent en contact physique l'un avec l'autre. C'est drôle.
Plus jamais seul
Slapsticks or lonesome no more, le titre original, nous donne plus de pistes pour explorer le contenu du livre que son titre français dont la longueur évoque davantage les films comiques hexagonaux des années soixante-dix qu'un roman de science-fiction marginal. Ainsi que l'annonce l'auteur dans son prologue, la solitude est en effet un de thèmes qu'il aborde par l'entremise du programme novateur que le héros met en place afin de lutter contre celle-ci. Comme dans la plupart de ses livres, c'est un message humaniste et profondément antimilitariste que Kurt Vonnegut Jr nous délivre. Faut-il répéter une fois de plus qu'il fut, lors de la seconde guerre mondiale, témoin du bombardement de Dresde, qui fit plus de victimes que celui d'Hiroshima ?
Le livre est, comme souvent chez Vonnegut, structuré en courts chapitres, eux-mêmes divisés en paragraphes bien distincts, comme autant d'aphorismes que l'on pourrait presque lire indépendamment, à moins qu'il ne s'agisse en réalité d'un recueil de blagues... Cette technique donne à l'ensemble de l'œuvre de Vonnegut un aspect fractal à la base duquel se trouverait la phrase, puis le paragraphe/maxime, ensuite le livre et enfin la somme de ses romans, souvent courts. Il reconnait d'ailleurs, toujours dans le prologue, avoir cherché à donner un unité artistique à son œuvre en imaginant qu'il la composait pour un unique interlocuteur, sa sœur décédée.
Sur un ton à la légèreté temprérée par l'amertume, Vonnegut ponctue certains paragraphes de courts commentaires, ce qui est une des particularités de sa manière. Il nous fait ainsi prendre conscience de l'aspect dérisoire de l'existence en nous invitant à rire en dépit de la nature plus que tragique de certains évènements. Marrant. L'auteur illustre ainsi brillamment la belle maxime de Jean de la Bruyère : «Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.»
Nous pouvons sana hésiter considérer Le cri de l'engoulevent dans Manhattan désert comme un échantillon représentatif de l'œuvre de Kurt Vonnegut Jr et les amateurs y trouveront sans aucun doute leur compte, même s'il ne figure pas parmi ses plus grandes réussites. Pour une initiation plus évidement science-fictive, la lecture des ouvrages mentionnés dans l'introduction semble néanmoins plus appropriée.
C'est la vie.
PS : Le livre fut librement adapté au cinéma en 1982 sous le titre de Slapstick of another kind avec dans l'un des rôles principaux l'inénarrable Marty Feldman (souvenez-vous : Igor dans Frankenstein junior de Mel Brooks.)
Les mémoires d'un néandertaloïde
Kurt Vonnegut Jr annonce dans le prologue qu'il s'agit d'«Une histoire sur les villes à l'abandon et le cannibalisme spirituel et l'inceste et la solitude et l'absence d'amour et la mort et le reste.» Après un prologue autobiographique, le roman prend la forme d'une autre autobiographie, celle du narrateur, un néandertaloïde de deux mètres et accessoirement dernier Président des Etats-Unis d'Amérique. Il vit dans ce qui reste de l'Empire State Building, après les terribles épidémies de peste albanaise et de mort verte qui ont décimé la population. La pesanteur fait également partie des causes de la destruction de la civilisation nord-américaine car elle subit des fluctuations qui, dans le pire des cas, provoquent l'effondrement des constructions et plaque les humains au sol ou au contraire, lorsqu'elle devient moindre, est responsable d'une érection permanente chez la totalité des mâles encore vivants. Ces irrégularités sont censées être causées par les chinois, devenus microscopiques grâce à une technologie secrète afin de lutter contre les conséquences de la surpopulation. La majeure partie du récit est centrée sur les relations entre le narrateur et sa sœur jumelle qui, lorsqu'ils sont séparés, sont stupides alors que leur QI devient celui d'un génie dès qu'ils se trouvent en contact physique l'un avec l'autre. C'est drôle.
Plus jamais seul
Slapsticks or lonesome no more, le titre original, nous donne plus de pistes pour explorer le contenu du livre que son titre français dont la longueur évoque davantage les films comiques hexagonaux des années soixante-dix qu'un roman de science-fiction marginal. Ainsi que l'annonce l'auteur dans son prologue, la solitude est en effet un de thèmes qu'il aborde par l'entremise du programme novateur que le héros met en place afin de lutter contre celle-ci. Comme dans la plupart de ses livres, c'est un message humaniste et profondément antimilitariste que Kurt Vonnegut Jr nous délivre. Faut-il répéter une fois de plus qu'il fut, lors de la seconde guerre mondiale, témoin du bombardement de Dresde, qui fit plus de victimes que celui d'Hiroshima ?
Le livre est, comme souvent chez Vonnegut, structuré en courts chapitres, eux-mêmes divisés en paragraphes bien distincts, comme autant d'aphorismes que l'on pourrait presque lire indépendamment, à moins qu'il ne s'agisse en réalité d'un recueil de blagues... Cette technique donne à l'ensemble de l'œuvre de Vonnegut un aspect fractal à la base duquel se trouverait la phrase, puis le paragraphe/maxime, ensuite le livre et enfin la somme de ses romans, souvent courts. Il reconnait d'ailleurs, toujours dans le prologue, avoir cherché à donner un unité artistique à son œuvre en imaginant qu'il la composait pour un unique interlocuteur, sa sœur décédée.
Sur un ton à la légèreté temprérée par l'amertume, Vonnegut ponctue certains paragraphes de courts commentaires, ce qui est une des particularités de sa manière. Il nous fait ainsi prendre conscience de l'aspect dérisoire de l'existence en nous invitant à rire en dépit de la nature plus que tragique de certains évènements. Marrant. L'auteur illustre ainsi brillamment la belle maxime de Jean de la Bruyère : «Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.»
Nous pouvons sana hésiter considérer Le cri de l'engoulevent dans Manhattan désert comme un échantillon représentatif de l'œuvre de Kurt Vonnegut Jr et les amateurs y trouveront sans aucun doute leur compte, même s'il ne figure pas parmi ses plus grandes réussites. Pour une initiation plus évidement science-fictive, la lecture des ouvrages mentionnés dans l'introduction semble néanmoins plus appropriée.
C'est la vie.
PS : Le livre fut librement adapté au cinéma en 1982 sous le titre de Slapstick of another kind avec dans l'un des rôles principaux l'inénarrable Marty Feldman (souvenez-vous : Igor dans Frankenstein junior de Mel Brooks.)