Dur de croire que le premier roman du Gallois Jasper Fforde , L’affaire Jane Eyre a essuyé soixante-seize refus avant d’être publié. Les suivants, issus de la même série — Délivrez-moi ! , Le Puits des Histoires Perdues et Sauvez Hamlet ! ont eu moins de mal à parvenir jusqu’à nous.
Le Début de la fin (First among Sequels) est le cinquième et dernier tome à ce jour. Il sera suivi de One of our Thursdays is missing, prévu pour 2010 en anglais.
Le Début de la fin : une aventure de Thursday Next
Thursday Next n’a plus aucun lien avec les détectives littéraires des OpSpecs et n’est même plus membre de la Jurifiction. Elle travaille chez Moquettes Zénith et passe ses journées à poser des revêtements de sols. C’est du moins ce qu’elle raconte à Landen, son époux, pour qu’il ne se fasse pas trop de souci. Car dans le monde des livres comme dans le monde réel, rien ne va plus. On a collé à Thursday son insupportable personnage de roman comme stagiaire à la Jurifiction. Friday, quatorze ans désormais, s’englue dans la nonchalance crasseuse de l’adolescence plutôt que d’entamer la carrière qui s’ouvre à lui au sein de la Chronogarde. Or, de ce choix doivent dépendre le maintien du Cours Standard de l’Histoire et le salut de la planète. Les gens lisent de moins en moins, ce qui crée des inquiétudes dans la fiction. Quand Thursday apprend que Goliath, la firme à qui elle doit nombre de mésaventures, se lance dans la construction de l’Austen Rover, un car de tourisme pour explorer le monde des livres, elle sait que c’est reparti pour un nouveau tome de péripéties.
Fiction et réalité
Comme dans les volumes précédents, on effectue, à la suite de l’héroïne de nombreux va et vient entre la fiction et la réalité. On plonge dans des décors où les personnages répètent leurs rôles en attendant le lecteur, on ouvre des livres si rarement lus que les acteurs se sont reconvertis et on assiste à la restauration d’une œuvre un peu usée. Mais on va plus loin cette fois, lorsque Thursday rencontre Thursday, puis Thursday et que l’une d’entre elles, entreprend d’agir dans le Monde Extérieur. Cette mise en abyme, vertigineuse, tient pourtant si bien, du début à la fin du roman qu'elle éclaire jusqu’au point de vue du lecteur que nous sommes. Jasper Fforde joue, plus cruellement encore qu'auparavant avec nos perceptions, créant des retournements de situations spectaculaires, propres à faire douter de la réalité même.
Le voyage dans le temps : la dimension quantique
Avec la Chronogarde et ses problèmes de Cours Standard de l’histoire, on était habitué à voir Fforde manier le paradoxe temporel. Comme tout auteur manipulant des concepts de cette délicatesse, il nous a donné plus d’une fois l’occasion d’être perplexe : comment un enfant peut-il être en vie si on père est éradiqué avant sa naissance ? Comment connaît-on le récit d’un problème dans l’histoire, s’il a été réparé, donc complètement effacé ?
Dans Le Début de la fin, on comprend mieux. Le temps n’est pas simple et linéaire comme on le croit. Il n'est même pas formé de boucles. Il s'offre la complexité des phénomènes quantiques. Des futurs existent et n’existent pas, tout à la fois. C’est ainsi que Friday, président de la Chronogarde, peut venir du futur, pour expliquer qu’il ne devrait pas pouvoir le faire et que la possibilité qu’il n’existe pas est un futur tout aussi valable. Dur à suivre ? Dans le texte, heureusement, on est conduit tout en douceur, par un auteur bienveillant qui retombe toujours sur ses pattes.
Jasper Fforde en grande forme.
Avec Le Début de la fin, on découvre un très bon tome de la série consacrée à Thursday Next. Plus fort que dans Sauvez Hamlet!, Fforde pousse l’exploration du Monde des Livres et traite en passant des problèmes que peuvent connaître les écrivains : manque d’inspiration, difficulté d’écrire sur soi, rapport au texte livré au public, etc.
Il aborde également, sans se départir d’un humour omniprésent (avec peut-être quelques saillies de trop), le sens de la lecture et sa perte de vitesse relative comme média culturel.
Culture, encore : on y retrouve des allusions plus ou moins explicites aux grandes œuvres de la littérature anglaise. Après Charlotte Brontë, Shakespeare, Charles Dickens, Lewis Caroll, c’est Jane Austen, et en particulier son Pride and Prejudice qui va héberger une partie de l’intrigue du Début de la fin.
Cerise sur le gâteau, grâce aux rappels discrets semés çà et là, on se rend compte qu’il n’est nul besoin d’avoir lu ou de relire les précédents épisodes. Mais ce serait dommage de s’en priver, non ?
Le Début de la fin (First among Sequels) est le cinquième et dernier tome à ce jour. Il sera suivi de One of our Thursdays is missing, prévu pour 2010 en anglais.
Le Début de la fin : une aventure de Thursday Next
Thursday Next n’a plus aucun lien avec les détectives littéraires des OpSpecs et n’est même plus membre de la Jurifiction. Elle travaille chez Moquettes Zénith et passe ses journées à poser des revêtements de sols. C’est du moins ce qu’elle raconte à Landen, son époux, pour qu’il ne se fasse pas trop de souci. Car dans le monde des livres comme dans le monde réel, rien ne va plus. On a collé à Thursday son insupportable personnage de roman comme stagiaire à la Jurifiction. Friday, quatorze ans désormais, s’englue dans la nonchalance crasseuse de l’adolescence plutôt que d’entamer la carrière qui s’ouvre à lui au sein de la Chronogarde. Or, de ce choix doivent dépendre le maintien du Cours Standard de l’Histoire et le salut de la planète. Les gens lisent de moins en moins, ce qui crée des inquiétudes dans la fiction. Quand Thursday apprend que Goliath, la firme à qui elle doit nombre de mésaventures, se lance dans la construction de l’Austen Rover, un car de tourisme pour explorer le monde des livres, elle sait que c’est reparti pour un nouveau tome de péripéties.
Fiction et réalité
Comme dans les volumes précédents, on effectue, à la suite de l’héroïne de nombreux va et vient entre la fiction et la réalité. On plonge dans des décors où les personnages répètent leurs rôles en attendant le lecteur, on ouvre des livres si rarement lus que les acteurs se sont reconvertis et on assiste à la restauration d’une œuvre un peu usée. Mais on va plus loin cette fois, lorsque Thursday rencontre Thursday, puis Thursday et que l’une d’entre elles, entreprend d’agir dans le Monde Extérieur. Cette mise en abyme, vertigineuse, tient pourtant si bien, du début à la fin du roman qu'elle éclaire jusqu’au point de vue du lecteur que nous sommes. Jasper Fforde joue, plus cruellement encore qu'auparavant avec nos perceptions, créant des retournements de situations spectaculaires, propres à faire douter de la réalité même.
Le voyage dans le temps : la dimension quantique
Avec la Chronogarde et ses problèmes de Cours Standard de l’histoire, on était habitué à voir Fforde manier le paradoxe temporel. Comme tout auteur manipulant des concepts de cette délicatesse, il nous a donné plus d’une fois l’occasion d’être perplexe : comment un enfant peut-il être en vie si on père est éradiqué avant sa naissance ? Comment connaît-on le récit d’un problème dans l’histoire, s’il a été réparé, donc complètement effacé ?
Dans Le Début de la fin, on comprend mieux. Le temps n’est pas simple et linéaire comme on le croit. Il n'est même pas formé de boucles. Il s'offre la complexité des phénomènes quantiques. Des futurs existent et n’existent pas, tout à la fois. C’est ainsi que Friday, président de la Chronogarde, peut venir du futur, pour expliquer qu’il ne devrait pas pouvoir le faire et que la possibilité qu’il n’existe pas est un futur tout aussi valable. Dur à suivre ? Dans le texte, heureusement, on est conduit tout en douceur, par un auteur bienveillant qui retombe toujours sur ses pattes.
Jasper Fforde en grande forme.
Avec Le Début de la fin, on découvre un très bon tome de la série consacrée à Thursday Next. Plus fort que dans Sauvez Hamlet!, Fforde pousse l’exploration du Monde des Livres et traite en passant des problèmes que peuvent connaître les écrivains : manque d’inspiration, difficulté d’écrire sur soi, rapport au texte livré au public, etc.
Il aborde également, sans se départir d’un humour omniprésent (avec peut-être quelques saillies de trop), le sens de la lecture et sa perte de vitesse relative comme média culturel.
Culture, encore : on y retrouve des allusions plus ou moins explicites aux grandes œuvres de la littérature anglaise. Après Charlotte Brontë, Shakespeare, Charles Dickens, Lewis Caroll, c’est Jane Austen, et en particulier son Pride and Prejudice qui va héberger une partie de l’intrigue du Début de la fin.
Cerise sur le gâteau, grâce aux rappels discrets semés çà et là, on se rend compte qu’il n’est nul besoin d’avoir lu ou de relire les précédents épisodes. Mais ce serait dommage de s’en priver, non ?