Liberté éphémère
Les essais scientifiques mis au point afin de créer une humanité presque immortelle ont porté leurs fruits lors de la création d’une « première génération » réussie. Mais c’était sans compter un mal inconnu qui condamna les générations suivantes : les hommes mouraient à vingt-cinq ans, les femmes à vingt.
Rhine a seize ans. Enlevée par des Ramasseurs, elle est livrée au gouverneur domanial Linden, ainsi qu’avec deux futures sœurs épouses. Contraintes au mariage et prises au piège, elles doivent servir de génitrices afin que leurs enfants puissent être analysés par maître Vaughn, le père de Linden, à la recherche d’un antidote. Mais bien que Cecily, la plus jeune, semble ravie de la situation, Jenna est chargée de rancœur et Rhine y aperçoit une lueur d’espoir.
Mais contrairement à ce qu’elles croient, la menace vient des sous-sols et l’antidote pourrait cacher d’autres recherches obscures.
Inattendu
Ce livre a été une très belle surprise : au début, le résumé et le titre rappellent les romans pour adolescentes du moment - aux belles couvertures, mais répétitifs et sans intérêt -, or rien qu’en lisant la première page d’Ephémère, on se rend compte qu’il s’agit d’un tout autre genre. Ne vous fiez pas au résumé ; il respecte évidemment le sujet mais traduit mal l’atmosphère du livre.
Ephémère est assez sombre, grave et très franc. On n’hésite pas à montrer la dureté de ce que vivent les trois sœurs épouses, ni la souffrance de ce qu’elles peuvent endurer.
J’ai beaucoup apprécié les relations entre les trois jeunes filles, ainsi que leur personnalité. Elles passent de trois inconnues à trois épouses d’un même homme, contraintes de vivre ensemble, piégées, mais se serrent les coudes et deviennent peu à peu très proches. Les sentiments qu’elles éprouvent sont biens traduits, et bien qu’elles aient toutes les trois un caractère très différent, on s’attache à chacune d’entre elles. La complicité, les conflits, les secrets, le rejet ; tout ceci est équilibré, bien mené. On progresse facilement dans la lecture au rythme de l’évolution des personnages.
On a une vue assez globale sur l’ensemble du domaine grâce aux interactions entre les personnages, bien que l’on suive toujours Rhine. Elle-même a sa propre vision de la propriété, et ses propres jugements, mais il est intéressant d’avoir l’avis de son entourage.
Nous sommes nous aussi dans le flou et le doute, comme Rhine, la menace de maître Vaughn pesant constamment sans que l’on sache ce que l’on craint réellement de lui, de la plénitude de sa malveillance. Les autres épouses ont elles aussi eu affaire à lui, mais n’ont rien partagé concrètement à ce sujet, et comme est respectée une notion de réalisme, certains secrets ne sauront jamais.
En revanche - car il y a toujours quelques points « négatifs » -, je trouve évidemment le couple Gabriel/Rhine très prévisible, mais également le personnage de Gabriel assez plat. Leur couple est naïf, je ne vois pas trop son intérêt. Je trouve Gabriel stéréotypé et enfantin. Là où les sentiments sont bien transmis, le romantisme de leur couple ne touche pas.
Linden n’est pas du tout comme pouvait se l’imaginer Rhine au début. Il est assez enfantin lui aussi, manipulable, faible. Son caractère n’est pas gênant en soi, mais du coup, on a du mal à comprendre comment un être si inoffensif puisse passer d’une épouse à l’autre sans éprouver de remords. Il mène parfois des discussions vraiment naïves.
Rhine a tendance à se ressasser les mêmes objectifs – comme pour s’en convaincre elle-même -, mais sa gentillesse, qui ne serait qu’une façade, est parfois agaçante. Elle se perd elle-même dans ses mensonges et se laisse peu à peu amadouer par Linden, mais elle est parfois assez ambiguë, ce qui rend ses motivations plus difficiles à saisir.
Je n’aime pas la fin, que je trouve trop précipitée, sans explications. J’imagine également mal un deuxième tome, qui risquerait de gâcher le premier.
Mais entraîné dans l’histoire, on oublie facilement ce qui nous a agacé les pages précédentes. En somme, Ephémère est une agréable lecture (pas toujours si « agréable » car on s’identifie beaucoup aux personnages et à ce qu’ils ressentent, ce qui nous amène parfois à se sentir presque aussi mal à l’aise qu’eux). Je le conseille vivement – je suis sûre que certaines ne résisteraient même pas à la couverture.