Auteur déjà de deux romans qualifiés à leur sortie de "coup de poing", la nouvelle recrue du Diable Vauvert affiche un multilinguisme patronymique que n'expliquent pas ses origines toulousaines, mais qui fleure bon le polar old school. Et c'est presque ça. Mais si polar il y a bien, c'est plutôt du côté de Dantec qu'il va falloir guigner. C'est même là le problème.
Sur les bords de la Mer Morte
Tout commence en 70 de notre ère sur les bords de la Mer Morte avec un couple qui semble avoir pris une part plus qu'active dans la vie de Jésus. L'homme, Yehoshua, vient d'y finir la rédaction de ses "mémoires". Des rouleaux de peau qu'il a recouverts d'un araméen net et précis. Sous les yeux de Myriam, sa compagne, il les enterre dans une grotte oubliée, et avec elle, s'en va se perdre à tout jamais dans le désert de Judée.
Presque deux mille ans plus tard, c'est dans un laboratoire de Fairbanks, en Alaska que refont surface ces rouleaux. L'agent spécial Clyde Bowman, du FBI, attend enfin de pouvoir les consulter. Un mystérieux correspondant doit braver la tempête de glace qui fait rage au dehors pour les lui apporter. C'est sa part du marché. En contrepartie l'agent Bowman doit lui faire visiter les installations du projet Lazare. Un projet mis au point par deux prix Nobel de médecine et qui se propose de ressusciter les morts. Ce sera la dernière chose que Bowman et les deux médecins verront.
Cinq jours plus tard, Nathan Love, profiler free lance, est tiré de sa retraite de l'Oregon, par Lance Maxwell, numéro 2 du FBI en personne. Voilà trois ans que Love s'est retiré du monde dans un dénuement monastique. Des années passées à méditer, à pratiquer le zen et les arts martiaux afin de "purifier sa ligne de vie". Des années pour se purger du cauchemar de sa dernière mission qui avait coûté la vie à Melany, sa femme.
Si Lance Maxwell s'est de nouveau tourné vers lui avec l'espoir de le voir accepter le contrat, c'est que parmi les victimes du massacre de Fairbanks figure son ami, Clyde Bowman.
Polar hybride
Le dernier testament est l'un de ces polars hybrides qui donne parfois d'excellents résultats. Mais parfois aussi de plus mitigés. En l'occurrence, ici, ça commence comme un roman de David Morell, et ça continue comme un Dantec. Ce qui fait tout de même beaucoup de références trop voyantes en seulement trente pages. A la décharge de Philip Le Roy, il ne fait pas mystère de ses sources d'inspirations. Elles sont majoritairement cinématographiques. Il cite volontiers Hitchcock, Tarantino ou Kubrick, mais tait en revanche les plus ringues, qui sont pourtant les plus évidentes, comme Steven Seagal, avec qui Nathan Love entretient un cousinage troublant. Tout comme son modèle à catogan, Love pratique za-zen et la Voie de la tactique. Philip Le Roy passe tant de temps à nous décrire ce grand vide qui est censé habiter son héros qu'on finit par ne plus y voir qu'un catalogue de philosophies asiato-guerrières, viatique habituel des brutes qui veulent se donner un vernis de culture. Car Nathan Love est une brute. Ses prouesses nous sont décrites par le menu. Bastons, menaces physiques, massacres allègres et morts au tournant. Heureusement que ce gars s'appelle Amour et qu'on nous serine qu'il a choisi la voie du non-combat et du dépouillement.
Un dépouillement qu'au lieu de professer par la bouche de son héros, Philip Le Roy devrait appliquer plus assidûment à son style qui frôle parfois le pompier et a des relents de Gérard de Villiers. Comme lui, il a la métaphore lyrique. "Son corps, armure souple et tranquille qui masquait un esprit en ébullition…" c'est charmant, délicieusement seventies, mais ça n'a plus sa place dans un genre qui a depuis connu la plume d'un Ellroy.
Roman plus complexé que complexe, saupoudré de quelques considérations très café du commerce, histoire de lui donner une consistance sociale, Le Dernier Testament n'en reste pas moins d'une lecture agréablement distrayante. Par delà ses tics agaçants, Philip Le Roy a un vrai sens de l'action, à défaut d'avoir le sens du suspens. Il lui reste toutefois à s'émanciper de ses références, et à ne pas essayer d'être le Dantec de gauche. D'autant que lorsqu'on voit ce qu'est devenu celui de droite, je ne suis pas sûr d'avoir envie de retenter l'expérience, fût-ce dans l'autre sens.
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