Oui, hein ! Vous aussi vous trouvez que ça fait un peu relevage de compteur cette suite à retardement. Cette suite "tant attendue", comme on essaie de nous le faire croire en quatrième de couverture. Mais même là, le credo manque un peu de conviction. Qui donc s'était plaint de cette non-fin ouverte, dans la grande tradition d'Edgar Allan Poe ? Quel besoin de ressusciter, quelques 30 années plus tard, Rosemary et son rejeton ?
Et c'est presque de résurrection qu'il va s'agir. Le livre s'ouvre le 9 novembre 1999, sur la mort tragique, tout autant que subite, de Stanley Shand, dentiste à la retraite, et surtout dernier survivant du cercle satanique que présidait jadis, Roman Castevet. C'est lui qui en échange de promesses de succès avait convaincu Guy Woodhouse, le mari de Rosemary, de lui "prêter" sa femme, le temps que Satan lui-même l'engrossât.
Qu'est-il donc advenu de la mère porteuse de l'antéchrist durant ces 33 longues années ? Hé bien pas grand-chose à vrai dire, car pour soustraire son fils Andy à sa désastreuse influence christique, la congrégation des Castevet l'a plongée dans un profond coma dans le courant de l'année 1972. Un sortilège qui ne se briserait qu'à la mort du dernier des officiants. Et c'est à l'instant même où le Dr Shand s'intercalait ridiculement entre un mur et le pare-choc d'un taxi lancé à pleine vitesse, que la belle enfant s'éveillait enfin. Nullement reconnaissante aux sorciers de lui avoir épargné le rock progressif, le disco et le cinéma des années Reagan, Rosemary recouvre très vite ses esprits et s'alarme par avance de ce que les Castevet ont pu faire endurer à son bon petit diable.
Il est vrai que les choses ont bien changé en 27 ans, et pour commencer, qui est donc ce fameux Andy que tout le monde semble idolâtrer, au point que de ne pas arborer le petit insigne I Love Andy risque de vous faire passer pour un dangereux associal ? Serait-ce SON Andy ? Quoi ! Mais alors... le fils de Satan, un nouveau messie ? Et si c'est ça, mais alors, Dieu me tripote... l'Humanité court à sa perte ? D'autant, que si la douce Rosie ne se plante pas dans les dates, son grand garçon aurait dans les 33 ans maintenant. Un âge où il vous arrive souvent des bricoles, du moins quand vous êtes messie.
Ainsi s'embarque-t-on au côté de la cocotte pour une traversée de l'Apocalypse à la rame. En exergue de son roman Ira Levin nous livre une citation de Billy Graham, prédicateur protestant superstar des années 60 : le ton est donné ! Tout entier Le Fils de Rosemary baigne dans une mièvre bondieuserie mâtinée d'humanisme à deux francs six sous. Même s'il est servi par une bien meilleure traduction que Un Bébé pour Rosemary, qui fait disparaître la platitude agaçante de la prose, on suit mollement cette intrigue cousue de fil blanc. Vous ne retrouverez bien entendu pas ici, le kitsch touchant qui sous-tendait le premier tome. En revanche, Ira Levin, qui est maintenant un vieux monsieur, se fait du monde dans lequel il vit, une idée bien naïve. Les miracles de la technique se bornent pour lui à une Mag-Lite et un ascenseur grande vitesse. Cela donne d'emblée à cette suite convenue une couleur sépia, déjà surannée. En tout dernier ressort, la fin quelque peu inattendue pourra éventuellement vous surprendre, mais elle ne suffira pas à sauver l'ensemble du naufrage. Un peu désœuvré, on tournera les pages du Fils de Rosemary dans l'attente de ce que l'on aura deviné dès le début, sans pouvoir s'empêcher de se dire : "Tout de même ! Quelle conne cette Rosemary !"
La chronique de 16h16 !