Le roi en jaune, Robert W. Chambers, Le Livre de Poche, traduction Christophe Thill

Très tardivement au début de ce mois de février, j’ai découvert la première saison de « True Detective »…
J’ai quasiment pliée les 8 épisodes en un we… Cette série m’a beaucoup touché pour plusieurs raisons sur lesquelles je reviendrai, peut-être, plus tard.
Donc étant avant tout un lecteur boulimique du Fantastique, je n’ai pas hésité à me ruer sur le recueil « Le Roi en jaune » qui fonde la mythologie de la série…
1° constatation : j’avais lu il y a au moins 30 ans, la version Marabout (je m’en suis souvenu à le lecture de « Le Masque »)…
2° constatation : cette deuxième lecture dans une nouvelle traduction impeccable m’a beaucoup plus marqué…
3° constatation : les quatre nouvelles associées au « Roi en jaune » sont en effet des chef-d’œuvres de l’horreur moderne, comme le soulignait Lovecraft…
4° constatation : ces histoires a priori dépareillées chargent la pièce interdite du « Roi en Jaune » d’une maudite fascination envoûtante qui suscite une curiosité morbide et quasi hypnotique chez le lecteur… qui n’a qu’une envie : lire cette fameuse pièce ou à défaut, décoder quels écrits pourraient se cacher sous ce titre !
5° constatation : si les nouvelles suivantes ne relèvent pas forcément du fantastique (en particulier les quatre dernières), elles sont très agréables à lire. La façon systématique dont Chambers dépeint, dans un Paris bohème, les couleurs et les odeurs des végétaux ou les oiseaux, rappelle effrontément ce « Nature writing » dans lequel s’enracine la Littérature américaine et qui a fait fleurir récemment des romanciers exceptionnel comme Jim Harrison ou Craig Johnson…
6° constatations : si Chambers peut paraître dans ces quatre dernières nouvelles comme un chantre de cet amour sirupeux qui marquera sa production romanesque, sa « rue du premier obus » n’a rien à envier à Léon Bloy ou à d’autres auteurs engagés ou enragés (le Simmons de « Drood »…) lorsqu’il s’agit de décrire l’horreur de la misère bien humaine au quotidien… A cet égard, cette nouvelle se vitriolise d’une lucidité féroce qui en fait une véritable perle de littérature cruelle.
7° constatation : Merci à Christophe Thill, pour cette nouvelle traduction qui sert toutes les nouvelles ; pour le dossier, court et intelligent, en particulier dans l’analyse de la série qui nous évite le fumeux pour apporter finalement… un peu plus de mystère.
J’ajouterai que cette lecture complète du recueil a fini de me réconcilier avec la fin de dernier épisode de la série. Très controversé quant à son « happy end » qui transforme le nihiliste écorché Rust Cohle en Odin optimiste à la lueur des étoiles, cet épisode ne correspond-il pas finalement à l’esprit des nouvelles de Chambers, lorsqu’il a exorcisé l’empreinte du Roi en jaune ?
Georges FOVEAU