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Le monocle de Georges - décembre 2015
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Le monocle de Georges - décembre 2015

Le poète et les fous, (1929), Gilbert Keith Chesterton, traduit par Catherine Delavallade, L'Arbre Vengeur édition 2011, Le Livre de Poche 2015.
 
Ceux qui ont lu Un nommé Jeudi le confirmeront, les œuvres aussi originales et profondes que farfelues de G.K. Chesterton restent aussi inclassables qu'inénarrables… Parfois même terriblement prophétique, comme son Auberge Volante.
 
Les enquêtes du poète Gabriel Gale ne font pas exception. Pour la délectation littéraire et intellectuelle du lecteur, par un plaisir plus profond que l'on ne croit à leur lecture si magnétique.
 
Magnétique par leur principe, par la construction du recueil, par la dynamique même de chaque histoire. Le lecteur frôle constamment le Fantastique tant l'absurde ne prend sens qu'à l'épilogue de chaque nouvelle. Elles le font avancer vers la révélation essentielle de la dernière, qu'il ne soupçonne pas.
 
Si, au fur et à mesure de la lecture, la suite de ces enquêtes détraquées peut paraître décousue, comme perles enfilées sans fil, Gabriel Gale lui sait où il va dans son élégance décalée.
 
 
Peintre mineur et poète de l'ailleurs, Gale pense comme un fou. Ou plus exactement, il pense comme les fous... Funambule en équilibre périlleux entre la réalité et la folie pour résoudre de bien étranges affaires.
 
Mais est-il lui même vraiment sain d'esprit ?
 
Le téléspectateur averti y verra un précurseur littéraire et poétique de l'Inspecteur Colombo. Un afficionados de Carlos Castaneda m'a prouvé un jour que ce détective lunaire était l'incarnation policière du parfait sorcier toltèque. Colombo passait son temps à « rêver » la résolution de ses enquêtes...
 
Il y a de cette étoffe dont sont faits les rêves, avec toujours des frémissements de tempête, dans ce recueil qui dépiste la folie au travers d'une écriture toute en circonlocutions détaillées. Elles rappellent le Club du suicide de Stevenson.
 
Il est aussi une préfiguration des « profilers », avant la lettre et l'image.
 
Avec une touche impressionniste et métaphysique, en plus.
 
Chesterton nous fait pénétrer dans les histoires telles qu'elles sont vues par les spectateurs prosaïques. Les détails terre à terre, cruels et sans concession quant à la mentalité et aux mœurs des personnages, ne manquent pas. La folie y est abrupte et meurtrière. Pourtant, derrière cette peinture figurative, la vérité n'émerge que par le regard biaisé d'un observateur en vers et contre tout, sauf le point de vue intérieur.
 
Et si finalement, la lucidité extrasensorielle de Gale sur la démence en provoquait les effets ?
Toujours est-il que, même parvenu à ses fins déraisonnables, Gale continue de hanter le lecteur bien après le point final...
 
Comme s'il vous avez démasqué, aussi.
 
Georges FOVEAU
 

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