John Wyndham fait partie de ces auteurs britanniques dont les livres ont marqué la science-fiction. Les Chrysalides, une belle histoire de mutants, Le jour des Triffides, un récit d’invasion végétale dont plusieurs films ont déjà été tirés, ou encore le fameux Village des damnés, sont autant de titres qui ont acquis auprès des amateurs le statut de Grands Classiques. Le péril vient de la mer en est un autre, un de ces romans qui constituent le modèle des visions apocalyptiques modernes.
La fin de l’humanité : répétition générale en costume !
Depuis leur demeure en Cornouailles, un couple de journalistes anglais contemple les icebergs qui dérivent sur la Manche et viennent parfois s’échouer sur les plages. Mike et Phyllis décident d’écrire le récit des terribles évènements qui ont bouleversé le vingtième siècle et failli mettre un point final à l’histoire de l’humanité. Tout a commencé avec ces globes incandescents venus de l’espace et qui se sont abîmés dans les failles océaniques les plus profondes, des semaines durant. Puis les premiers naufrages ont commencé à rendre la mer impraticable… Les nations du monde se sont regardées d’un œil encore plus soupçonneux qu’à l’accoutumée, les missions scientifiques organisées pour mettre fin au doute se sont soldées par de cuisants échecs et sans états d'âme, les militaires prennent les choses en main en immergeant quelques bombes atomiques sur les grands fonds afin d’éliminer cette menace dont ils ne savent absolument rien… L’humanité applaudit, puis constate les dégâts et l’inutilité de ces solutions guerrières lorsque la situation évolue brutalement, révélant un péril encore plus terrible…
On ne se lassera donc jamais de l’apocalypse ?
Constater qu’un roman paru en 1953 puisse refléter certaines de nos préoccupations contemporaines est toujours un peu déstabilisant. John Wyndham parvient à merveille à exploiter cette intemporalité des angoisses d’une humanité consciente de sa mortalité en tant qu’espèce et en tire un livre remarquable. Comment ne pas s’identifier avec les différents protagonistes qui, face à la menace, commencent par douter, puis accusent le voisin et ne finissent par accepter l’inéluctable que lorsqu’il est trop tard ? Le point fort du roman réside dans la crédibilité des réactions de ses personnages, individuellement ou collectivement. Le couple formé par le narrateur et son épouse est particulièrement réussi, aussi attachant que réaliste, et apporte une constante touche d’humour, bienvenue au sein des évènements dramatiques formant la trame de ce récit apocalyptique.
Avec une histoire bien rythmée, qui fait tour à tour frémir ou sourire, Le péril vient de la mer constituerait une réédition de choix dans une hypothétique collection consacrée à la science-fiction d’inspiration écologique. Depuis longtemps, les auteurs de notre domaine de prédilection ont en effet abordé des sujets aussi contemporains que le changement climatique et ses conséquences, les espèces invasives, les effets négatifs des pesticides… Avec un roman de la qualité de celui de John Wyndham, et une traduction plus littérale du très lovecraftien titre original (The Kraiken wakes), ce serait le succès assuré !