Le trio Nykko (scénario), Bannister (dessin) et Jaffré (couleurs) avait commencé une série chez Soleil en 2004, Félicité Bonaventure, qui fut aussitôt abandonnée. Il revient ici avec Le Passage, premier tome d’une série qui en comportera trois : Les Enfants d’ailleurs.
Cette série inaugure, avec Le Monde selon François et Gusgus, la nouvelle collection Punaise chez Dupuis, collection destinée aux enfants à partir de six ans. Son but est de proposer à ses lecteurs des BD comportant deux niveaux de lecture, l’un accessible dès six ans (l’enfant pourra comprendre le sens général de l’histoire sans en lire les textes) et l’autre qui se découvrira quelques années plus tard, quand l’enfant maîtrisera la lecture et sera capable de comprendre les textes et les détails du scénario.
Quel mystère renferme la maison du père Gab ?
Dans la petite ville de Perrec, Noé, Maxime et Théo assistent de loin à l’enterrement du père Gab, un mystérieux homme dont la maison a la réputation d’être hantée. Ils rencontrent Rebecca, petite fille adoptive du défunt, qui décide d’explorer la maison de son grand-père à l’insu de ses parents. Les trois garçons l’accompagnent et ce qu’ils y découvrent pourrait bien être un passage vers un autre monde…
Un excellent dosage
Dès les premières pages, on a le sentiment de lire une BD de grande qualité. Déjà, la couverture donne une irrésistible envie d’ouvrir l’album : un graphisme simple mais harmonieux, des couleurs chaudes et une maquette très réussie. Et ce n’est pas qu’une simple façade, puisque le plaisir visuel ne nous quittera plus. Les dessins sont riches, bien réalisés, joliment colorés avec des cadrages inventifs et dynamiques, tout en restant au niveau des lecteurs à qui ils sont destinés. Par exemple, l’expression des visages garde un côté ludique, parfois « cartoonesque », malgré le réalisme des décors et la profusion des détails. Les différentes ambiances sont parfaitement rendues, notamment grâce à une colorisation magnifique qui n’hésite pas à se faire sombre dans les endroits obscurs, forçant le lecteur à plisser les yeux comme s’il se trouvait sur les lieux. Avec une note spéciale pour les superbes lumières crépusculaires.
Mais les qualités du Passage ne s’arrêtent pas au dessin. Le scénario, bien que comportant des éléments plutôt banals (un décès mystérieux, une maison dite hantée), n’en est pas moins captivant, dosant habilement humour, angoisse et héroïsme, jouant avec ces caractéristiques comme aiment le faire les enfants lorsqu’ils s’inventent des aventures. L’histoire du Passage est intelligente, inventive et stimule l’imagination, et il n’y a aucun doute que les enfants s’y sentiront en terrain connu. D’ailleurs, ils s’identifieront facilement aux jeunes héros, les auteurs jouant sur leur côté rebelle (à cet âge-là, la curiosité l’emporte souvent sur le bon sens et les conseils des parents) sans toutefois idéaliser une telle attitude. Ce premier tome, au-delà d’une simple mise en situation, dévoile une bonne partie de l’histoire, et sa fin, très prometteuse et non édulcorée, laisse envisager autant de plaisir pour la lecture des deux tomes suivants.
Une BD qui atteint son but
Avec Le Passage, la collection Punaise ne pouvait pas mieux démarrer. La BD de Nykko et Bannister correspond parfaitement au cahier des charges de Dupuis, atteignant son but avec brio. On émettra malgré cela un léger doute quant à la cible des enfants de six ans, ces derniers risquent d’être un peu déstabilisés par la quantité de textes et l’ambiance un peu noire de certaines cases. Mais les jeunes de neuf ou dix ans trouveront là une BD qui leur convient tout à fait, avec une histoire passionnante, un langage dans l’air du temps et une dimension pédagogique qui n’est pas à négliger, offrant par exemple au lecteur un moyen de prendre du recul sur les conflits enfants/parents en pointant du doigt les dangers de l’insouciance.
Le Passage est une très grande réussite, et même adulte, on attend la suite avec impatience !
La chronique de 16h16 !