Mal connue en France, la science-fiction russe est un territoire qu’il est intéressant d’explorer car de nombreuses et belles découvertes sont encore certainement à y faire, et cette affirmation ne sera certainement pas démentie par le succès du Metro 2033 de Dmitry Glukhovsky. Duo incontournable de la science-fiction de l’ère Soviétique, les frères Arcadi et Boris Strougatski sont pourtant les seuls à être facilement disponibles, grâce aux fréquentes rééditions de leurs plus remarquables romans : Stalker ; Il est difficile d’être un dieu ; L’escargot sur la pente… Moins connu que les précédents, Le Petit mérite pourtant le détour…
Un Planet opera soviétique…
L’exploration d’une planète de type terrien se révèle parfois pleine de surprises, de dangers et d’expériences enrichissantes. Hélas pour les membres de l’équipe d’exploration du commandant Wanderkhouzé et toutes les équipes positionnées sur cette planète sélectionnée pour le projet Arche, ce n’est pas le cas. Sur ce monde désolé, il n’y a que des marécages grisâtres, une végétation rase et improductive, et des mers sur lesquelles dérivent les icebergs avec une telle nonchalance que même eux semblent s’ennuyer profondément. Quant à la faune, elle est inexistante et les tentatives des exobiologistes pour y introduire poissons et reptiles se sont pour l’instant soldées par des échecs. C’est Stas Popov, un cybernéticien participant à la construction d’une station météo à l’aide de ses trois robots, qui sentira le premier une présence étrange sur le chantier. De plus, des membres de l’équipe dont il fait partie découvrent l’épave d’un petit vaisseau où se trouvent les dépouilles du couple qui en constituait l’équipage. Bientôt, des voix se font entendre, des pleurs de bébé, une voix de femme qui souffre. Ces inquiétantes manifestations seraient-elles autre chose que des hallucinations ? Comment un enfant aurait-il pu survivre dans un environnement aussi stérile ? Et de quelle manière entrer en contact avec ce véritable « Mowgli cosmique » ?
Le Petit est grand…
Étrange roman, que Le Petit. C’est loin d’être le titre le plus connu des frères Strougatski, les chroniques que l’on trouve à son sujet sont trop rares pour s’en faire une idée et pourtant, pour ceux qui trouvent le courage de se lancer dans l’aventure, la lecture de ce Petit est autrement plus gratifiante que celle de certains prétendus classiques de la SF, mille fois repris pour d’incompréhensibles raisons. De savoureux détails nous rappellent que son écriture date de bien avant Glasnost et Perestroïka (les noms des personnages sont russes, ceux des robots sont américains), sur la fraternité égalitaire des membres de l’équipe on sent peser tout le poids d’une hiérarchie dont il faut se méfier, faite de Conseils et autres Commissions dont les attributions provoquent de brusques revirements de pouvoirs. Le projet Arche, pour lequel œuvrent les protagonistes, est lui aussi un monument à l’idéal d’amitié entre les peuples prônée par le régime Soviétique. Toutes les races du cosmos sont sœurs, qu’il s’agisse de la civilisation hautement développée des Terriens ou de celle, plus rudimentaire, d’extra-terrestres dont le déplacement forcé n’est organisé par la Terre que pour leur plus grand bien, en apparence. Mystère, aventure, un récit que l’on pourrait comparer à La Chose de John Campbell, Le Petit est un vrai bonheur de lecture et, pour une fois, c’est une archive dans laquelle il devrait bientôt être possible de s’y plonger puisqu’il semblerait qu’une réédition soit prévue chez Mnemos pour très bientôt…
