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Le rayon zen

Manchu (Illustrateur de couverture), William Desmond (Traducteur), Barrington John Bayley ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/10/1991  -  livre
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Le rayon zen

S'il ne fallait retenir que deux faits culturels majeurs liés au Swinging London des années soixante, nul doute qu'aux côtés de l'explosion du phénomène Mod figurerait la new wave représentée par des auteurs tels que Brian Aldiss, J.G. Ballard ou encore Thomas Disch dans les pages du magazine New worlds que dirigeait alors Michael Moorcock. Barrington John Bayley fit également partie du mouvement, sans toutefois approcher le succès de ses confrères sus-cités en dépit d'une nomination pour le Philip K. Dick Award en 1983. Il a cependant bénéficié d'une reconnaissance relative au Japon où il a remporté trois fois le prix Seiun du meilleur roman étranger, attribué par la Convention japonaise annuelle de science-fiction, notamment avec l'un de ses meilleurs romans, Le rayon zen.
 
Une île du docteur Moreau à l'échelle cosmique
 
A la tête de l'Armada dix, l'une des dernières flottes spatiales d'un empire galactique sur le déclin, l'Amiral Archier est collecteur d'un impôt très particulier : il est chargé de prélever une partie des artistes et intellectuels vivant sur les planètes qui se trouvent sous leur contrôle. Dans cette société décadente, les humains sont peu nombreux et s'adonnent aux formes les plus extrêmes du sybaritisme. Faisant preuve d'un incontestable bon sens, ils ont abandonné la plupart des tâches ingrates aux robots et aux animaux à l'intellect génétiquement augmenté qui constituent le gros de la population. L'Oracle, un ordinateur surpuissant, mentionne cependant l'existence d'une arme redoutable qui pourrait bien causer la fin de l'Empire. S'agirait-il de cet étrange pistolet de bois, semblable à un jouet et dont s'est emparé Boudeur, une créature résultant du mélange des gènes de tous les primates supérieurs, homme compris ? Et quel rôle peut bien jouer Ikematsu, le moine guerrier aux pouvoirs extraordinaires ? L'Amiral Archier finira par le découvrir après bien des aventures, dont une bataille spatiale et quelques phénomènes étranges.
 
Le porc a-t-il la nature du Bouddha ?
 
L'Empire déclinant du Diadème dans lequel se déroulent les aventures de l'Amiral Archier évoque assez irrésistiblement la Culture de Iain Banks, ou encore l'univers de John Varley, mais s'en distingue par la présence d'animaux génétiquement « améliorés » et d'humains dans le génome desquels on a introduit une parcelle d'animalité. Bien que l'esprit des animaux reste cependant limité dans les domaines relatifs à l'autotranscendance, ils semblent bien plus fiables et sérieux que tous ces humains débauchés qui ne pensent qu'à s'amuser. Le cas des robots, dont certains semblent au moins aussi intelligents que leurs maîtres humains, semblerait même démontrer que plus l'intellect se développe, plus la tentation de la paresse devient forte. Une autre explication existe cependant : la cause de l'intelligence de l'espèce humaine pourrait bien résider dans sa pratique assidue de l'oisiveté...
 
En dépit de son titre, la part du zen dans le roman est en apparence un peu mince mais contribue néanmoins à la toile de fond du récit, dans lequel il est possible de distinguer quelques éléments qui se rattachent à diverses traditions contemplatives orientales. Le personnage d'Ikematsu provoque bien sûr une réminiscence des fameux moines guerriers du temple de Shaolin, à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'un yamabushi japonais. On peut également y retrouver une version gore de l'histoire du boucher de Tchouang Tseu ou encore, mais est-ce volontaire, la parabole bouddhiste de l'esprit comparé à un singe qui s'agite sans cesse sous l'emprise des émotions, comme les animaux du romans ou les humains lorsque leur part animale les pousse à vivre dans l'illusion d'une fête permanente, ou Boudeur lorsqu'il active son arme de bois.
 
Le rayon zen fait partie de ces livres touffus, dans lesquels les idées grouillent et se télescopent à un rythme débridé. Il y aurait bien matière à une dizaine de volumes et la concentration des thèmes donne le sentiment d'être plongé au cœur d'un véritable feu d'artifice d'idées toutes aussi excitantes les unes que les autres. Ce serait presque une référence incontournable s'il ne s'embourbait parfois dans de longues explications sur la physique, que le lecteur rétif peut cependant lire en diagonale puisqu'elles endorment même les personnages du roman... L'auteur reconnaît bien volontiers son manque de compétences en mathématiques, ce qui ne l'empêche pas de prendre plaisir à élaborer des théories complexes afin d'y inscrire l'univers de ses romans. Le rayon zen demeure un livre très intéressant qui, en dépit de quelques défauts, pourrait bien provoquer un satori chez ses lecteurs.

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