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Le roi n'embrasse pas

Joann Sfar ( Auteur), Brigitte Findakly (Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/10/2009  -  bd
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Le roi n'embrasse pas

L'actualité de Joann Sfar est plutôt chargée. Quelques mois après la sortie du premier tome de cette nouvelle série, L'Ancien temps, chez Gallimard, il enchaîne avec le tome 3 de Socrate le demi-chien, avec Christophe Blain au dessin, chez Dargaud. Et en parallèle, sort sur les écrans de cinéma son premier film, Gainsbourg, vie héroïque, une biographie onirique de l'homme à la tête de choux.

L'Ancien temps est une série de fantasy qui se rapproche, dans la production de l'auteur, de la série Donjon : un esprit décalé, mêlant humour et émotion, avec une inventivité débridée.

La vraie fausse quête de la sourcière

Dans un monde de fantasy pré moyenâgeuse, Nadège est une jeune sourcière. La sourcellerie est une discipline mêlant magie, art et philosophie autour de l'élément eau, comme symbole du cours des choses avec lequel il convient de rester en harmonie. Le grand-père de Nadège (le narrateur) lui a enseigné tout ce qu'il connaît et tente de faire de même avec Cassian, un jeune sourcier peu talentueux amoureux de Nadège.

Mais Nadège s'ennuie et décide de quitter la forêt pour se rendre en ville. Pour ne pas froisser Cassian, pour qui elle ne ressent que de l'amitié, elle et son grand-père racontent au jeune homme qu'elle doit mener une quête pour libérer les anciens dieux de l'influence du dieu unique, de plus en plus prégnante. De fait, les villes sont dirigées par des papes qui traquent les anciennes croyances.

Cassian, pris au jeu, se met en tête de retrouver Nadège pour l'aider et la protéger. Son maître lui confie alors un serpent de sourcier, arme redoutable aussi bien pour ses ennemis que pour lui-même.

Une BD de fantasy ludique et foisonnante d'idées

Dans Le roi n'embrasse pas, on retrouve le ton ludique, léger de Sfar qu'on lui connaît avec, par exemple, Donjon. Il manie un humour à la fois jovial et cruel, dans une BD bourrée d'idées, tant au niveau de l'histoire que des personnages. C'est d'ailleurs la grande force de cet album : parvenir en très peu de pages à poser des personnages aux traits de caractères bien déterminés, portant chacun une part d'ambiguïté. On sent ici toute l'expérience de Sfar pour dépeindre en peu de temps et avec réussite une galerie de protagonistes variée et cohérente. Il s'amuse à créer des tandems improbables, jouant sur leur opposition pour les tourner en dérision et dédramatiser les situations. Dès lors, ses personnages acquièrent une vie propre, autonome : ils font ce qui leur plaît, prennent souvent le contrepied de ce que l'on attend d'eux, n'écoutent pas les conseils des autres. On a même parfois l'impression que Sfar se laisse guider par eux.

L'Ancien temps est aussi pour l'auteur l'occasion de présenter une certaine vision de l'expansion du christianisme, aux dépens des autres croyances. Cette expansion serait la cause de la disparition du merveilleux, de la magie, des êtres fantastiques. Par exemple, les arbres, autrefois mobiles, décident de ne plus bouger, croyant avoir offensé le dieu unique. Celui-ci est représenté comme un cyclope qui ne se fait entendre que de ceux qui croient en lui, et qui a du mal à imposer sa présence – une présence liée au besoin des hommes d'échapper à un monde cruel et incompréhensible.

Mais malgré ce côté critique vis à vis des religions monothéistes, le mot d'ordre de cette série reste l'amusement. Cet amusement, cette énergie, se retrouve dans le dessin, chaleureux, spontané, fin. Sfar utilise parfaitement les cadres et joue avec les contraintes de la BD : il dessine de petits personnages dans les coins, s'amuse avec la structure des cases dont il s'affranchit parfois. On sent à travers son trait tout son enthousiasme.

Un enthousiasme qui gagne inévitablement le lecteur et fait de L'Ancien temps une BD à lire pour passer un excellent moment. Comme toujours avec Sfar.

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