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Le Silmarillion

J.R.R. Tolkien ( Auteur), Ted Nasmith (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2005  -  livre
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Le Silmarillion

Aborder Le Silmarillion, c'est avant tout faire preuve de respect pour la cosmogonie la plus fouillée, la plus brillante et sans doute la plus controversée de toute l'histoire contemporaine de la littérature britannique. Bible et aboutissement génial pour certains, fatras illisible et pompeux pour d'autres, les avis sont souvent tranchés dans le vif. Tentons de faire le point.

Riche !

Voyons d'abord le contenu, qui est plutôt riche. Il s'agit de l'histoire des Terres du Milieu, depuis la création du Monde jusqu'aux événements qui conduisent à la Guerre de l'Anneau. Vaste programme et gros bouquin, séparé en cinq parties distinctes :
- L'Ainulindalë : Ce terme - imprononçable sans entraînement - désigne le chant qu'entonna Eru, dieu unique de cet univers, afin de créer le Monde, Arda. Il fut en cela aidé par de très puissantes entités qui lui sont liées, les Ainur.
- Le Valaquenta : Où l'on se penche plus précisément sur les Ainur, de manière très poético féerique. Certains passages restent assez obscurs…
- Le Quenta Silmarillion : Pièce maîtresse du livre, il s'agit de la description du Premier Âge, où les Ainur modèlent ce monde vierge afin de préparer la venue des Elfes. Mais ce but ne convient pas à l'un d'eux, nommé Melkor, qui s'était déjà fait remarquer en ne chantant pas la même note que ses petits camarades lors de la création d'Arda. Solitaire et frustré, se radicalisant sous la pression des autres Ainur, il sera plus tard mieux connu sous son nom elfe : Morgoth. Son principal lieutenant est un certain Sauron… Son inimitié pour les Elfes - qui la lui rendent bien - va s'accentuer lors de la lutte qu'ils mèneront contre lui afin de récupérer les Silmarils, puissants artefacts magiques dont il les a privés.

Plusieurs autres races vont apparaître après les Elfes : Humains, Nains, Dragons… Rapidement, des alliances se nouent et des traîtrises se trament…
- L'Akallabeth : Le Deuxième Âge voit l'apogée puis la décadence du plus puissant royaume des Hommes, Numenôr. Le cœur des humains est en effet aisément corruptible, leur faible durée de vie les rendant envieux et impatients. Aveugles et sourds à la raison, ils courent à leur perte, habilement manipulés par les forces du Mal.
- Les Anneaux du Pouvoir et le Troisième Âge : Sauron, qui a pris du galon, apprend l'art de la forge auprès des Elfes et fabrique l'Anneau Unique, puis précipite le monde dans une guerre totale et sans merci. Il sera repoussé et presque détruit dans la plaine du Gorgoroth, au cœur du Mordor. L'Anneau Unique ne sera pas détruit à cause de la cupidité humaine, mais il sera perdu et tombera peu à peu dans l'oubli…

Autant l'avouer tout de suite : j'ai eu beaucoup de mal à lire ce monument, surtout la première fois. Il est très dense, parfois lent, et réclame une mémoire des noms presque surhumaine. Les fractures de style et de rythme sont fréquentes, certains détails sont longuement décrits alors que plusieurs histoires assez complexes restent vaguement esquissées…

Pourquoi un tel désordre ?

Pour comprendre l'aspect chaotique du livre il faut en connaître l'histoire. Elle commence vraisemblablement lors de l'été 1914, quand un étudiant de 22 ans nommé J.R.R. Tolkien tombe amoureux de la mer lors d'un séjour en Cornouailles. Philologue et médiéviste, il va composer un long poème qui pose les bases d'un univers original, aux sources des Terres du Milieu. En 1917, de retour du front de la Somme, il rédige de nombreux textes qui étoffent cet univers : personnages, décors ou batailles épiques. Il travaille également à la création de plusieurs langages, dont celui qui donnera le Sindarin - la langue des Elfes. Vers 1930, devenu père de famille et professeur d'anglais à Oxford, il commence à rédiger Bilbo le Hobbit, sans savoir qu'il s'embarque pour vingt-cinq ans d'écriture, jusqu'à l'édition finale du troisième volume du Seigneur des Anneaux, les deux formant une grande fresque qui clôt le Troisième Âge des Terres du Milieu.

Durant toutes ces années, il a retravaillé son ancien projet, baptisé Le Silmarillion, qui a gagné en profondeur pour donner aux aventures de Bilbo et Frodon cette dimension épique, mais n'a pas réellement avancé. Le temps passe, le courage aussi, d'autant que son éditeur ne croit pas en ce livre, sentant qu'il ne répond pas aux attentes du public…

La mort de Tolkien, en 1973, aurait dû mettre un terme à cette triste histoire. Mais son fils Christopher, héritier spirituel du maître (il l'avait aidé et soutenu sur Le Seigneur des Anneaux), reprend toutes ses notes, plusieurs milliers de feuillets plus ou moins classés, et décide de les rendre publiables. Commence alors un travail de titan. Aidé par sa connaissance intime des Terres du Milieu, il doit tout lire, tout trier, faire des choix cruciaux quand son père a écrit plusieurs versions d'une même histoire, retravailler des pans entiers de récit afin d'harmoniser ce poème en prose horriblement complexe et bourré de coups de théâtre… Plus de trois ans de labeur acharné seront nécessaires à la mise en forme de cette bible, finalement éditée en 1979.

Quel parcours !

Le fait est que ce livre, un peu difficile à lire, laisse à l'esprit ce souffle épique dont Tolkien a animé son univers. Je pense que chaque personne qui l'a lu garde en lui toute sa vie un petit bout de la mélancolie des Terres du Milieu. Alors courage, accrochez-vous et partez en voyage pour loin, très loin !

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