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Le Souffle du temps

Robert Holdstock ( Auteur), Laurent Calluaud (Traducteur), Aurélien Police (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/08/2008  -  livre
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Le Souffle du temps

Le lectorat français connaît surtout de Robert Holdstock ses récentes productions dans le domaine de la fantasy : ses deux cycles de La Forêt de Mythagos et du Codex de Merlin, écrits dans les années 90, ont en effet tout deux été gratifiés du Grand Prix de l'Imaginaire. Il n'empêche que Robert Holdstock est avant tout un auteur aux multiples facettes, et aux pseudonymes variés. Depuis la fin des années 60, il a produit de nombreux romans de fantasy (Maîtresse du chaos, L'Araignée d'émeraude, etc...) mais aussi de fantastique et de science-fiction, ainsi que de nombreuses novélisations réalistes (dont La Forêt d'émeraude récemment repris chez Mnémos). Il a dirigé une Encyclopédie de la science-fiction parue en 1980 et d'autres productions encyclopédiques inédites en France. Il a également acquis une très sérieuse réputation outre-Manche en tant que novéliste et la collection Lunes d'Encre a déjà réuni une fraction majeure de cette oeuvre dans le recueil Dans la vallée des statues et autres récits. La même collection nous propose pour la première fois en langue française Le Souffle du temps, traduction d'un roman de science-fiction paru en 1981, mais dont le charme est parfaitement intemporel...

"Ils ne se pressaient pas mais ils étaient curieux de savoir ce que le temps avait rejeté sur les rivages de leur monde."

Le culte de la chance est une des règles les plus communément adoptées par les rifteurs de Vanderzande. Sur ce monde inhospitalier, chacun défie le destin à grands renforts de cynisme ou d'amulettes censées le protéger du vent. Car le vent de Vanderzande, qui court dans la profonde vallée du rift, ce vent a une particularité : il servirait de véhicule temporel. C'est en tout cas l'interprétation la plus souvent admise à ses rafales qui font disparaître des pans entiers de paysage pour les remplacer par des structures inédites, venues d'un passé ou d'un futur incertains.

Quand on est rifteur, c'est-à-dire une sorte de pillard des artefacts dispensés par les vents du temps, on prend donc très au sérieux les concepts de prudence ou de chance. Du point de vue de la prudence, Léo Faulcon est plutôt bien doté ; c'est sans doute cette caractéristique même qui l'a maintenu en vie, lui l'humain expatrié sur Vanderzande pour suivre celle qu'il aime : Léa Tanoway. A eux deux, ils forment une équipe aguerrie de rifteurs qu'est récemment venu renforcer le jeune Kris Dojaan. Or, le nouveau venu semble disposer d'un capital chance hors du commun. Lors de sa première mission, il permet la découverte de ce qui ressemble à un vaisseau d'outretemps, égaré pour quelques heures seulement dans le présent. Mais contrairement à ses coéquipiers, Dojaan ne semble pas là pour faire fructifier son compte en banque: il est à la recherche de son frère, un frère que les vents du temps lui ont ravi. Son innocence, sa hargne intactes s'émousseront-elles au contact de cette planète qui change tous ceux qui l'habitent? Et Léo qui connaissait si bien ce frère se résoudra-t-il à en parler à Kris, quitte à anéantir son souvenir ?

"... nous voyons des énigmes, nous voyons des choses qui nous enflamment parce qu'elles sont mystérieuses."

J'ai un avis plutôt mitigé sur ce roman. En fait, si le fond m'a pleinement conquis, je suis un peu resté en retrait de l'histoire, légèrement rebuté par la forme. Les interminables discussions entre les personnages, les développements sur leurs états d'âme respectifs confèrent au récit un caractère assez laborieux. Ce trait est d'autant plus pénible qu'une bonne part du récit repose sur la répétition des souvenirs ou des sentiments, marquée par de légères inflexions infligées par l'évolution, au gré des pages, du caractère de Léo Faulcon. On se sent parfois terrassé par la lourdeur du propos.

Et on le regrette, car le propos en lui-même est d'envergure : rapport au temps, fatalité, vanité de l'existence, projection de nos peurs pour matérialiser l'inconnu, quête inconsciente du mystère et de l'étrange pour se sentir vivant... Il y a dans ce roman quelque chose de cette attente et de cette terreur face à la vie (la vie qui passe et qui s'effondre à trop la laisser filer) qui animent Le Désert des Tartares de Dino Buzzati. Dès les années 1980, Holdstock abordait des thèmes qui allaient devenir centraux dans son oeuvre, notamment notre rapport au mythe et à la réalité, notre besoin si irrationnel de tout rationnaliser, précipitant ainsi la fin de nos rêves. Tous ces thèmes fondamentaux sont explorés ici, fouillés, intriqués avec les rafales du vent du temps (même si le dénouement n'est sans doute pas à la hauteur du roman). Rien que pour cela, Le Souffle du temps vaut plus que le détour.

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