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Le Trois-mâts errant
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Le Trois-mâts errant

Si le nom de Jarl Priel est inconnu des amateurs de fantastique, il est cependant loin d'être oublié en Bretagne puisqu'il y est considéré à juste titre comme l'un des auteurs ayant manié l'idiome breton armoricain avec le plus de bonheur. Charles Tremel de son véritable nom eut une vie plutôt agitée : marin durant ses années de jeunesse, il deviendra ensuite précepteur dans la Russie tsariste, reviendra en France en 1914 avec les troupes russes en tant que traducteur, partira avec elles en Algérie et, après bien des aventures,  finira par échouer à Paris où il fréquentera assidûment les milieux du théâtre et deviendra secrétaire de Charles Dullin. Jarl Priel fut également le traducteur français de nombreux ouvrages de Gogol, Nabokov et Erasme. Après quelques textes en français, parus au Mercure de France, et une pièce de théâtre (Les inconvénients de la vertu), il publiera en 1931 Le Trois-mâts errant, qu'il traduira plus tard en breton sous le titre An teirgwern Pembroke
lorsqu'il se décidera enfin, à l'âge de cinquante sept ans, à écrire mémoires et pièces de théâtre dans sa langue maternelle. Ce roman, régulièrement repris en breton (la dernière édition date de 2002) est cependant devenu rarissime dans sa version originale.
Embarquez pour le vaisseau de l'Enfer

À la fin d'un repas, un groupe de notables des environs de Landreger se laisse entraîner à faire tourner les tables dans le but d'invoquer les esprits défunts. Au cours de cette séance, ils entreront en contact avec un jeune matelot, mort dix-sept ans plus tôt à bord du Pembroke, un trois-mâts gallois. Après avoir enquêté et découvert des preuves de l'existence du navire, découvert errant sur l'Atlantique sans personne à bord, les notables décident de conduire une série de séances de spiritisme au cours desquelles ils entreront en contact avec les différents membres de l'équipage qui dévoileront progressivement la sinistre histoire du vaisseau fantôme. Sur le Pembroke, où la mort et la folie s'emparent peu à peu des hommes, rôde le spectre de Teddy Jepherson, un marin noyé lors d'une précédente escale à New-York...

Spiritisme, marine à voile et fantastique

L'un des points forts de cette histoire de vaisseau fantôme au demeurant plutôt classique réside dans le tableau réaliste qu'elle dépeint de la vie à bord d'un trois-mâts à la fin du dix-neuvième siècle. L'ambiance évoque bien souvent celle de certains romans de Jack London ( Le Loup des mers, Les Mutinés de l'Elseneur) car, comme ce dernier, l'auteur fut familier de cet univers maritime. Les multiples points de vue apportés par les interventions successives de l'esprit des marins du Pembroke nous donnent un aperçu très convaincant de l'organisation, des rapports hiérarchiques et humains lors d'un voyage au long cours. Ce procédé narratif peut sembler laborieux et artificiel mais il fonctionne néanmoins fort bien, grâce au talent de conteur de Jarl Priel et probablement aussi en raison de son expérience théâtrale qui lui permet de définir avec habileté et en quelques traits le caractère des différents protagonistes, et de maintenir efficacement le suspense jusqu'aux derniers chapitres..

Ce réalisme contraste avec l'aspect irrationnel des séances de spiritisme, une pratique dont l'auteur fut un fervent adepte. Parmi les notables se trouve bien entendu un sceptique et sa présence donnera lieu à quelques réflexions sur la foi nécessaire à ce type d'entreprises, sans pour autant sombrer dans un prosélytisme intempestif.

Le Trois-mâts errant , malgré l'oubli dans lequel est tombé sa version française, reste un livre très plaisant et réjouira certainement les amateurs de romans d'aventures maritimes et fantastiques qui parviendront à mettre la main dessus.

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