A l'occasion de la sortie de son nouveau roman aux éditions Scrineo, Aurélie Wellenstein revient sur l'écriture de L’Epée, la famine et la peste.
Actusf : Votre dernier roman, L’Epée, la famine et la peste, vient de paraître aux éditions Scrineo. Comment celui-ci est-il né ?
Aurélie Wellenstein : Comme très souvent au début de mes processus créatifs, ma muse lupine m’a emmenée vers la figure du loup. J’avais envie de traiter le loup-garou sous l’angle médical. Le premier titre de ce roman était d’ailleurs « insania lupa » qu’on peut traduire par « la folie louvière ». Johannes Wyer, médecin vivant aux Pays-Bas, considérait la lycanthropie comme une maladie. Dans son ouvrage De Praestigiis daemonum, publié en 1563, il associe la lycanthropie à la mélancolie. Je me suis intéressée au décalage entre le mythe et la clinique. Plus encore, ce roman dénonce les représentations populaires qui peuvent déboucher sur des persécutions. J’ai lu au sujet des procès des loups-garous et sur leurs inquisiteurs.
Mais, plus tard, à la lecture d’un livre sur les épidémies et la fin du monde, je suis tombée sur le verset de la bible qui scande les terreurs qu’engendreront l’Epée, la Famine et la Peste. L’histoire a alors pris de l’ampleur, avec son trio de personnages : le vétéran, le loup et la sorcière.
Actusf : Comment avez-vous imaginé ce nouvel univers ? Est-il totalement imaginaire ou avez-vous puisé dans l’Histoire et le monde réel ?
Aurélie Wellenstein : Il emprunte aux codes de la fantasy médiévale. J’y convoque l’inquisition et les chasses aux sorcières, mais on est dans de la vraie fantasy et pas du tout dans de la fantasy historique. L’originalité de l’univers repose surtout sur les araignées : elles tissent leurs toiles dans l’esprit des hommes, engluant leurs pensées dans la mélancolie, les idées noires, la dépression... Il existe également d’autres races d’araignées, comme la Lycose de Tarente, qui par sa morsure, peut conférer des pouvoirs magiques à ses victimes. Ces vertus sont recherchées chez les hommes (nommés alors les Illuminés) et traquées chez les femmes (considérées alors comme des « Tarentas », des sorcières).
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’intrigue ?
Aurélie Wellenstein : C’est un récit polyphonique. On va suivre trois personnages, qui évoluent d’abord chacun de leur côté avant de se rejoindre en une alliance improbable.
Sulyvahn est un vétéran de l’inquisition. Il est hanté par son passé, sa propre violence. A son retour de mission, il découvre que sa femme et son fils sont morts dans un cocon tissé par les araignées. Il est sur le point de se suicider en sautant du haut d’une falaise, lorsque lui apparait un cerf extraordinaire : dans l’œil de l’animal, il voit son fils. Est-ce un Miracle ? Ou un Malédiction ? Qui a les clés de ce mystère : ses anciens camarades de l’inquisition ? ou les redoutables tarentas ?
Cillian est un jeune orphelin, abandonné jadis dans les bois. Lorsqu’il se coiffe un jour d’un heaume représentant une tête de loup, une voix menaçante commence à parler dans sa tête. La voix d’un loup ? On l’accuse de meurtre, il doit fuir, tout abandonner derrière lui, poursuivi et traqué comme une bête...
Erin enfin est victime d’une dénonciation calomnieuse. Pour se venger d’avoir été éconduit, un garçon l’accuse de tarentisme. L’inquisition s’empare d’elle pour la conduire dans ses donjons, dont personne ne ressort jamais...
Actusf : L’Epée, la famine et la peste est composé de deux tomes, ce qui change de vos précédents récits. Quel a-été votre processus d’écriture ? Par quoi commencez-vous ? Avez-vous fonctionné de la même manière que vos autres romans ?
Aurélie Wellenstein : A chaque nouveau roman, j’essaie de me lancer un défi, et j’ai eu envie de tenter la structure en diptyque. Le récit fonctionne autour d’un pivot central. C’est un texte exigeant qui va prendre le lecteur a contrepied. Je n’ai rien laissé au hasard. Le récit est très organique et tout doit s’équilibrer. C’est pourquoi le tome 1 et le tome 2 sont publiés de façon rapprochée : l’ensemble de l’histoire est écrit, afin de ne pas souffrir de dysfonctionnements. Dans l’idéal, je souhaiterais que le lecteur qui aura la patience et l’envie de relire le tome 1 après avoir terminé le tome 2 puisse découvrir les indices révélateurs que j’y ai glissés ! Tout est là, mais les clés n’entreront dans les serrures qu’à la toute fin.
Actusf : Avec ce nouveau roman, on retrouve votre rapport très fort au vivant et en particulier aux animaux. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Le loup, l’araignée et cerf, que représentent-ils ?
Aurélie Wellenstein : Alors non, car c’est un spoil ENORME. C’est une des clés du récit.
Actusf : Entre ombres et lumière… L’Epée, la famine et la peste est un récit sombre même si on peut espérer une lueur d’espoir à la fin. On y retrouve des thèmes comme la folie, le jugement et le rejet de ce qui est différent. Qu’aviez-vous envie d’aborder exactement dans ce roman ? Pourquoi ?
Aurélie Wellenstein : Comme je le disais tout à l’heure, j’ai eu envie de parler des représentations sociétales et des persécutions associées. Dans la vie, quand on colle une étiquette à quelqu’un, le risque est fort que la personne endosse le rôle qu’on veut lui voir jouer. L’étiquette colle si fort à la peau qu’on ne peut plus la retirer. Mes personnages sont à la recherche de leur identité propre au-delà de celle qu’on voudrait leur assigner. On va les accompagner, au-delà des apparences.
Actusf : Avez-vous eu des inspirations en particulier pour ce roman ?
Aurélie Wellenstein : J’ai découvert la « tarentelle. » Selon les croyances, c’était une danse permettant de guérir la folie engendrée par la piqûre d'une tarentule. Il fallait que la danse plaise à l'araignée qui avait mordu le malade pour que la thérapie soit efficace. J’ai beaucoup écouté la Tarenta de Ludovico Einaudi !
Actusf : Quels sont vos projets, vos envies pour la suite ? Avez-vous des dates de dédicaces ?
Aurélie Wellenstein : Je suis sur quatre romans et quatre BD. Je tisse mes histoires comme une araignée à huit pattes ! Ah, et j’ai une nouvelle chez ActuSF aussi ! Elle va sortir très prochainement dans l’anthologie des Utopiales.
Ce soir, mercredi 28 septembre : Rencontre à la librairie le Nuage vert à Paris, à 19H30 (75)
Samedi 1er octobre : Les Halliennales, dans le Nord (59)
Mercredi 5 octobre : Dédicace à la Dimension fantastique, à 17h30 (75)
Début novembre : les Utopiales (44)
Début décembre : Montreuil (93)