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Les chants de la Terre lointaine

Arthur Charles Clarke ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), France-Marie Watkins (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/12/2009  -  livre
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Les chants de la Terre lointaine

En ce début d'année 2010, les éditions Milady (Bragelonne) proposent une nouvelle édition du roman d'Arthur C. Clarke paru en 1986 aux Etats-Unis et en France et réédité successivement en 1987 et 1996. Issu d'une nouvelle publiée en 1957 (dans "The other side of the sky"), le roman reprend le thème de la conquête des premières étoiles avec escale et l'approfondit :  des colons de passage rendent visite à des descendants de colons pour un petit séjour de deux ans.

Ce roman fut plutôt décrié à sa sortie. On ne sentait plus le souffle inspiré de l'auteur de 2001 et de Rama. Les innovations technologiques autour desquels Clarke bâtit certains de ses romans sont ici des reprises (la poussée par énergie du vide, l'ascenseur spatial, le réservoir de glace). Il ne se passe pas grand-chose. Les personnages sont plutôt zen et l'unique conflit centrifuge est plutôt bien géré par la direction de la nouvelle colonie. L'escale est l'occasion de nouer des relations amicales. Tout se passe plutôt bien. Bref, ce n'est pas un roman qui marquera l'histoire de la SF.

Mais, comme le titre de l'ouvrage le suggère, ce qui fait le charme de cette histoire apaisée, c'est justement un mélange de sérénité et de nostalgie. L'humanité est à l'aube d'une nouvelle ère et elle s'abandonne une dernière fois au souvenir attristé de la Terre disparue. Elle goûte une dernière fois aux bienfaits d'une planète océanique et des charmes d'une vie provinciale avant d'être confrontée aux grands défis du nouveau millénaire (conquête de nouvelles planètes et concurrence écologique avec d'autres espèces).

Escale à Thalassa

Sur une plage de la planète Thalassa, Mirissa, Brant  et Kumar s'adonnent aux joies et servitudes de la pêche au filet, lorsque le grondement d'un vaisseau spatial se fait entendre dans le ciel. Brant et les autorités locales se rendent sur le lieu d'atterrissage pour découvrir l'arrivée de colons venus de la Terre, à l'aide d'un vaisseau-semeur d'un million de personnes en hibernation à bord. Avant l'irradiation du système solaire par les neutrinos solaires et la destruction de la Terre, un vaisseau colonisateur a pu quitter le berceau de l'humanité direction planète Sagan II à plusieurs années-lumière.

Le vaisseau Magellan doit faire escale sur Thalassa pour reconstituer son bouclier de glace  et son gigantesque réservoir d'eau destiné au Terraforming de Sagan II. Deux ans seront nécessaires et l'équipage éveillé du Magellan demande l'hospitalité sur une planète aquatique. L'espace est rare sur les quelques îles de la planète et son volcan actif Kraken, mais les habitants sont pacifiques, accueillants et intéressés par les informations et les nouvelles technologies en provenance de la Terre.

La vie est ailleurs

Le roman est découpé en une cinquantaine de petits chapitres avec titre regroupés en neuf parties. Certains de ces chapitres ayant une chute intéressante, le lecteur a un peu le sentiment de lire un recueil continu de nouvelles sur le séjour du vaisseau Magellan sur Thalassa. Arrivée sur la planète bleue, relations entre nouveaux colons et habitants, explosion du volcan, tentative de révolte pour rester sur place, découverte des forêts de la mer et des Scorps, espèces de grands homards préhistoriques intelligents, relations amoureuses et cérémonies d'adieu.

Arthur C. Clarke s'est résolument attaché à décrire l'adaptation de sociétés humaines à sa vocation de conquêtes. La Terre est encore un souvenir douloureux pour les colons du Magellan qui ont été réveillés à l'occasion de l'arrivée à Thalassa. C'est comme s'ils avaient quitté la Terre hier. Pour les Lassans, elle n'est plus qu'un héritage culturel perdu dans les bases de données gigantesques du Magellan et qui regorgent de secrets technologiques, de mythes historiques et de légendes. Les Lassans sont des sortes de Tahitiens étonnés de voir débarquer dans leurs îles paradisiaques un Samuel Willis ou un Bougainville en combinaison spatiale. C'est l'occasion d'une confrontation entre une société humaine encore terrienne et une communauté paisible qui s'est affranchie des querelles religieuses et d'une volonté maladive de soumettre la nature.

L'auteur met l'accent sur la nostalgie post-apocalyptique. Il ne cherche pas à creuser les pistes de rebondissement qu'il laisse à l'état de friche : on ne sait pratiquement rien du déficit en neutrinos des radiations solaires, les évocations (réussies) du départ sont distillées avec parcimonie. Tout finit bien pour les révoltés du Magellan et le capitaine Fletcher. Peu de développement sur les Scorps, ces crustacés intelligents qui pourraient menacer Thalassa. Pas de grand déchirement amoureux après l'idylle entre Loren, le nouveau colon, et Mirissa, une belle autochtone. Le volcan Krakan explose mais le raz-de-marée ne fait que secouer des bateaux (et  Loren). Bref, Arthur C. Clarke renonce à exploiter les ficelles du métier. Les plus indulgents diront qu'il n'a pas voulu tomber dans la facilité.

Et il est vrai que ces effleurements donnent une tonalité zen aux événements et aux personnages. Keep  cool. Les héros ne stressent pas. C'est tout juste s'ils sont perturbés par des effets temporels sympathiques (Loren a un enfant avec une femme en sommeil et un second avec Mirissa, qui devient du coup son premier enfant et qui meurt de vieillesse avant la naissance du premier). Tout peut être surmonté. Tout n'est qu'épiphénomène et rien ne pourra divertir l'humanité de sa quête vers de nouvelles Terres. Odyssey first.

Si ce n'est l'instant d'une larme ou d'un chant  en souvenir de la Terre.

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