A l'occasion de la sortie de De Gueules, premier opus des romans tirés des Chroniques de la Lune Noire, Jeanne-A Debats revient sur l'écriture de ce récit aux éditions Leha.
Actusf : De Gueules, premier volet de la novellisation des Chroniques de la Lune Noire, vient de paraître aux éditions Leha. Est-ce votre premier travail de ce genre ?
Jeanne-A Debats : Pas tout à fait. Dans le sens où je me suis déjà glissée dans le travail d’un autre, de deux autres même, et dans un contexte collectif également. Chez les éditions Mnémos, dans la collection Ourobores dont c’est le modus operandi, en compagnie de 6 autres auteurs, j’ai écrit des histoires se déroulant dans l’univers de Jules Verne, Un An dans les airs, et celui de Jack Vance avec Tschaï, retour sur la planète de l’aventure. La différence résidant dans le fait que, bien que bordée par les règles des univers en questions, les histoires de ma plume était complètement de mon invention et celles de mes camarades. J’avais adoré jouer à ce jeu de fanfiction collectif.
Actusf : Qu’est-ce qui vous plaît dans ce texte ?
Jeanne-A Debats : La BD ou le roman ? Plus sérieusement, ce projet est parti d’une blague. François cherchait quelqu’un. Pour alimenter la conversation, j’ai dit quelque chose du genre « Ça doit pas être si difficile » (scoop : je me trompais un peu quand même - rires) , à quoi il m’a répondu « Ben, t’as qu’à essayer puisque t’es si maline ». Je résiste très rarement à un défi. J’ai écrit les deux premiers chapitres pour rire. Et ça c’est fait très naturellement à partir là.
Après, les Chroniques, ce n’est pas rien. C’est une série culte dans un univers qui a mon grand regret n’a jamais été vraiment le mien. Pas celui de la BD, celui du JDR. Dans les années 90, le monde du jeu de rôle était très masculin, et si j’ai tenté quelquefois d’y entrer, (pardon les gars hein ?) avec vos pizzas à peine décongelées, vos granolas (je me comprends) et vos vannes merdiques, vous m’avez un peu découragée. J’ai fait quelques parties de D&D, In Nomine Satanis/Magnas Veritas et Vampire : Mascarade, puis j’ai laissé tomber. Quelque part, les Chroniques, c’est LA PARTIE que je n’ai pas faite. C’est le premier point.
En outre, l’autrice de SF que je suis fondamentalement a toujours aimé AUSSI la fantasy. Et surtout la démesure, le style, le baroque qu’elle permet parfois. Dans les Chroniques, je trouve tout cela. Rien que de pouvoir coller des imparfaits du subjonctif partout me fait triper, sans parler des pampilles et de la joncaille. La SF, ma SF, exige souvent des styles plus sobres bien que je ne parvienne pas à me réfréner tout le temps.
Actusf : Comment avez-vous travaillé ? Aviez-vous carte blanche ?
Jeanne-A Debats : J’avais carte blanche dans les limites du scénario original et de l’univers. Mais je pouvais me servir dans l’intégralité du dudit univers. De Gueules suit grosso modo le canevas de la première série, mais puise des éléments dans la préquelle, dans les arcanes et même dans des passages encore inconnus confiés par François…
Actusf : Vous avez collaboré avec François Froideval pour mettre ce récit sous la forme d’un roman. Comment cela s’est-il passé ? Comment vous-êtes vous réparti le travail ?
Jeanne-A Debats : Cela s’est extrêmement bien passé. Nous avons très vite trouvé la méthode qui nous permettait d’avancer. Je posais des questions quand je ne comprenais pas un truc. Nous nous mettions d’accord (ou pas : parfois on a discuté comme des bull-terriers se disputant un rat (rires). Mais le plus souvent, on tombait sur la même idée.) sur certains points, des modifications de découpage, des scènes supplémentaires, parfois des pnj plus fouillés, des passages carrément originaux. J’écrivais un premier jet, François repassait dessus. Notamment en ce qui concerne les dialogues. Cela a vraiment été un travail à quatre mains et surtout deux têtes. Il n’y a pas UNE phrase dans De Gueules qui n’ait été validée, modifiée, voire écrite par François ET moi.
Actusf : Malgré le fait que cela soit une adaptation d’une œuvre existante, avez-vous pu créer quelque chose de nouveau, apposer votre style ?
Jeanne-A Debats : Je n’ai pas du tout cherché à apposer mon style. J’ai au contraire cherché à prêter ma voix, ma plume à François pour qu’il réalise ce qui avait été le projet de départ des Chroniques. Il avait écrit les premiers chapitres, jadis, puis une panne de PC les avait fait disparaître. Du coup, parce que c’est très difficile de réécrire ce qu’on a perdu, il en a fait une BD. La suite est de l’histoire maintenant.
Et pour moi, en fait, les Chroniques sont arrivées à un moment de ma vie où, après la mort de ma mère, j’étais sèche et triste, incapable d’un projet d’ampleur. Entrer dans l’univers des Chroniques m’a permis de renouer avec les bonheurs (si si, il y en a) de l’écriture sans que l’enjeu perso soit aussi prégnant que d’habitude. Du coup, je me suis fait énormément plaisir avec le style.
En revanche, je n’ai pas l’impression que nous soyons contentés d’adapter les Chroniques en se calquant stupidement dessus, François et moi avons raconté l’histoire autrement et c’est ce qui en fait l’intérêt et la nouveauté.
Actusf : Quelles sont les difficultés d’un tel exercice ?
Jeanne-A Debats : Et bien parfois, je ne comprenais pas l’idée de base, je ne comprenais même pas que je n’avais pas compris, donc je ne pouvais pas poser de question à François. Ça se dénouait à la relecture commune.
Actusf : Avez-vous d’autres projets à venir ? Des envies pour la suite ?
Jeanne-A Debats : Il y a au moins deux autres volumes des Chroniques à venir d’ici l’an prochain, ensuite, je finirai sans doute le roman que je dois à Leha (Aria Stellae, interrompu par la maladie puis la disparition de ma mère). Un projet de recueil de nouvelles de Navarre rampe dans les cartons et une adaptation BD d’une autre de mes nouvelles dans un univers différents devrait sortir en 2022.
Actusf : Où pourra-t-on vous rencontrer dans les semaines, mois à venir ?
Jeanne-A Debats : Aux Imaginales d’abord et aux Utopiales ensuite.