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Les Chroniques retrofutures d'Arthur Morgan et Etienne Barillier : Desirina Boskovich
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Les Chroniques retrofutures d'Arthur Morgan et Etienne Barillier : Desirina Boskovich

Steampunk User Manual, aussi connu sous le nom de Steampunk Bible 2, est sur le point de conquérir l’Europe. Vos deux enquêteurs ont rencontré Desirina Baskovich, co-auteure, de l’ouvrage afin de prendre le pouls du steampunk mondial.
 
LCRAMEB : Pourrais-tu présenter The Steampunk User's Manual ?
Desirina Boskovich :  Je vais citer le texte de la quatrième de couverture. 
The Steampunk User's Manual  "offre une approche pratique tout en étant une source d’inspiration pour tout lecteur désirant trouver sa voie dans le steampunk.  Regroupant des chapitres sur l’art, la mode, l’architecture, la création manuelle, la musique, les performances ou encore la littérature, The Steampunk User’s Manual est un guide conceptuel pour motiver et émerveiller autant l’amateur du dimanche que le bidouilleur le plus acharné. L’ouvrage comporte notamment des tutoriels accessibles à tous pour encourager votre fibre créatrice." 
 
The Steampunk User Manual
 
LCRAMEB : Quelle est la différence entre cet ouvrage et la Bible Steampunk ?
Desirina Boskovich :  La Bible Steampunk, publiée en 2010 (2013 chez Bragelonne pour la France - NdT), offre une introduction au mouvement Steampunk de l'époque, explorant les grandes thématiques populaires que sont l'écriture, le cinéma, la musique, la performance, la mode et le costume, mais aussi l'art et le design. C'est un superbe ouvrage regroupant une très belle iconographie. 
 
En continuant sur cette lancée, The Steampunk User's Manual aborde les évolutions de ces dernières années, avec une nouvelle fois, beaucoup de photographies et un superbe artwork. Mais, nous l'avons aussi conçu comme un guide pour les lecteurs qui désirent appliquer l'esthétique Steampunk à leur approche créative. Le livre inclut donc beaucoup de conseils de la part de créateurs professionnels et de talentueux membres de la communauté. Tout cela accompagné de tutoriels pas à pas à essayer à la maison pour tous les vaporistes ingénieux. 
C'est à la fois un beau livre d'art et un guide de création manuelle.
 
LCRAMEB : Comment en es-tu venue au Steampunk puis à ce projet ?
Desirina Boskovich :  Au début, je pense que je me suis intéressée au Steampunk par le biais de la musique. Ce que je trouve fascinant dans la musique Steampunk est la façon dont beaucoup de musiciens utilisent les paroles de leurs chansons, et, plus fréquemment, tout le concept derrière leur groupe, pour créer un monde incroyablement immersif, une vraie réalité alternative. Ces groupes sont engagés dans un processus de storytelling très créatif à travers leur musiques, leurs paroles, les couvertures de leurs albums, l’univers fictionnel décliné sur leur site internet, et même leurs costumes quand ils sont sur scène. 
 
Prenez, par exemple, The Lisps' Futurity, une comédie musicale Steampunk à l’époque de la Guerre Civile dont j’ai parlé pour le Magazine Lightspeed (l’article a été complété pour The Steampunk User's Manual). Ou H.U.M.A.N.W.I.N.E., dont je parle dans The Steampunk Bible, à l’époque, une grande partie de leur musique était basée sur un monde fantastique et surréaliste, une sorte d’allégorie sur notre vie à l’époque d’un capitalisme à son dernier stade avant la mort. Les prestations scéniques de plusieurs groupes populaires étaient, quant à elles, centrées sur des performances autour du thème des pirates ; et puis, il y avait aussi les Clockwork Dolls, dont le dernier album à une approche plus sérieuse basée sur la génération issue de la Deuxième Guerre mondiale. En tant qu’écrivain, je trouve ça fascinant de voir les techniques narratives utilisée dans la musique. 
 
Quant à ma participation à The Steampunk User's Manual... J’ai contribué à quelques projets de Jeff VanderMeer auparavant, notamment La Bible Steampunk, Wonderbook et Weird Fiction Review, tout en exerçant le poste d’assistant d’édition pour Cheeky Frawg Books, la maison d’édition indépendante de Jeff et Ann VanderMeer (It Came From the North, mon anthologie de littérature fantastique finlandaise, est sortie chez Cheeky Frawg en 2013.) Alors quand Jeff m’a demandé de co-signer cet ouvrage, j’ai accepté avec joie. Comme je suis écrivain freelance et chef de projet à temps plein, j’ai pu vraiment me plonger dans ce livre et y donner tout mon temps. Ce fut un superbe projet, et je suis très heureuse d’avoir pu y participer. 
 
 
LCRAMEB : La question difficile : pour toi, c'est quoi le Steampunk ?
Desirina Boskovich :  On me pose souvent cette question depuis peu. Principalement car certaines de mes connaissances ont appris que je sortais un livre sur le sujet. Ma réponse sur le vif est qu'il s'agit d'un sous-genre de la science-fiction qui implante une technologie futuriste dans un décor victorien, au XIXe siècle. Si j'ai encore leur attention après ça, je cite Jules Verne et Wild Wild West avec Will Smith.
 
Mais bien sûr, ma réponse complète est beaucoup plus compliquée. Pour ma part, je penche vers une interprétation assez large car j’aime pouvoir englober un maximum dans ma définition. Donc, pour moi, le Steampunk rassemble tout ce qui est un tant soit peu anachronique mélangé à n’importe qu’elle forme de futur avec bonne couche d’esthétique et de sensibilité issues du XIXe siècle. Cette vision recouvre donc aussi des histoires qui peuvent se passer dans un futur lointain, du moment qu’il y ait quelque chose issu de la Révolution Industrielle. Et peu importe qu’il y ait de la vapeur ou non.
 
LCRAMEB : Comme vois-tu le Steampunk évoluer dans le monde entier ? À quoi ressemblera-t-il dans quelques années ? 
Desirina Boskovich :  Je pense que la partie cruciale est cet aspect “dans le monde entier”. Nous assistons sans aucun doute à une globalisation, une internalisation et une multiculturalisation du Steampunk. Des personnes, un peu partout, trouvent de nouvelles façons d’inventer ou de réinventer l'esthétique rétrofuturiste selon leurs propres coutumes locales ou leurs histoires régionales.  Il en résulte un foisonnement et des mutations fascinantes. Mais je pense aussi que le Steampunk est de moins en moins victorien. Et, si ce processus continue, dans quelques années, l’énergie du mouvement nous aura peut-être mené vers quelque chose que nous ne considérons pas aujourd’hui comme du Steampunk, vers une sorte de somme de toutes les niches et de tous les sous-genres engendrés par le Steampunk originel. 
Le pire qui pourrait arriver au Steampunk serait qu’il se fossilise et que la communauté devienne blasée. 
 
LCRAMEB : En quoi le Steampunk d’aujourd’hui est-il différent d’il y a quelques années ?
Desirina Boskovich :  Tout d’abord, le steampunk s’est spécialisé. Il y a maintenant des sous-domaines que personne ne connaissait il y a encore quelques années : le Clockpunk, le Dieselpunk (qui devient un genre à part entière), le Decopunk, l’Atompunk, le Raygun Gothic. Je ne suis pas sûre de pouvoir former un mot avec le suffixe -punk pour ça mais il y a même un sous-genre Art Nouveau rétrofuturiste. 
 
Comme je l’ai dis un peu plus haut, le Steampunk s’est très largement internationalisé. Dans The Steampunk User's Manual il est question d’anthologies comme Steampunk World (REF) et Steampunk Revolution (REF), chacune présentant largement des oeuvres du monde entier ou encore comme l’anthologie Czech Plnou Parou. Il y a aussi ton ouvrage Le Guide Steampunk, avec Étienne Barillier. Il y a la superbe et si bizarre couverture de l’anthologie, Mothership: Tales from Afrofuturism and Beyond, par John Jenning. Mais aussi Suna Dasi qui apporte dans ses contes et costumes son héritage complexe mêlant ses racines indiennes, caraibéennes et néerlandaises pour créer une vision unique de la Révolution Industrielle. Il y a également la rencontre entre la création artistique biopunk et le cosplay steampunk d’un autre français, Maurice Grunbaum. Nous avons inclus les oeuvres rétrofuturistes de l’artiste serbe Ivica Stevanovic et de son homologue polonais Tomasz Maronski, mais nous parlons aussi des productions théâtrales de la compagnie Tidsrum. Il y a cet incroyable bar à Capetown, en Afrique du Sud. Je pourrais continuer comme ça pendant des heures… Ce que je veux dire, c’est que le Steampunk est bien plus que son image strictement victorienne et que des œuvres incroyables naissent un peu partout dans le monde mêlant des références historiques et culturelles très variées.
 
Mothership: Tales from Afrofuturism and Beyond
 
LCRAMEB : Pour de nombreuses personnes, le Steampunk n'est ni plus ni moins qu'un refuge rétro qui leur permet de porter de jolis costume le Week-end. Penses-tu que le Steampunk soit un mouvement culturel ?
Desirina Boskovich : Oui, je pense que le Steampunk est un mouvement culturel. En particulier parce qu'il se frotte à d'autres composantes d'une lame de fond plus importante. Il est connecté au mouvement des Makers, aux réflexions environnementalistes, aux hispters et à leur passion pour la création manuelle, le DIY et le retour à l'essentiel. Aux États-Unis, un grand nombre d'hommes et de femmes de mon âge (des jeunes trentenaires) retournent dans les zones rurales ou incorporent dans leur vie urbaine certains aspects liés à la tradition de cette vie rurale : apprendre à coudre ou à construire ses meubles, planter un jardin et faire pousser des plantes sur les toits des ensembles urbains, maîtriser l'art de l'apiculture et de la préservation des abeilles, apprendre l'élevage de poulets ou même de chèvres en ville. Le Steampunk n'est donc peut-être qu'un petit aspect d'un mouvement de fond pour une jeunesse qui plonge dans le passé pour redécouvrir des connaissances, des ressources voire même peut-être des clés pour naviguer dans un futur qui est de plus en plus incertain et effrayant.
 
LCRAMEB : Oui mais penses-tu que le Steampunk s’oriente plutôt vers le culturel ou vers l’amusement ?
Desirina Boskovich :  Je ne suis pas sûre à 100% de ce que tu veux dire mais je pense que tu veux m’amener sur le terrain du clivage entre l’aspect frivole et l’aspect intellectuel du Steampunk. Dans ce cas, je pense que le Steampunk “s’élève culturellement”, car de plus en plus d’artistes et de créateurs commencent à comprendre le potentiel du Steampunk en tant que forme artistique socialement pertinente. Même si le Steampunk peut être pour certains juste un moyen de se costumer avec des habits sympas et de créer de fascinants objets customisés, le Steampunk peut aussi être un outil pour effectuer une critique sociale et politique. Je pense que les auteurs sérieux, les artistes et les activistes sont en train de faire l’expérience de son utilisation dans ce sens. 
 
LCRAMEB : Le Steampunk a investi tous les champs de la création artistique sauf un. D'après-toi, pourquoi Hollywood n'en a pas encore fait un long métrage ?
Desirina Boskovich : Je ne suis pas très sûre mais pour être honnête, je ne trouve pas l'attitude d'Hollywood très intelligente. La plupart des producteurs ne semble pas très motivée à faire autre chose que ce qui a déjà été fait des centaines de fois. De mon point de vue, les firmes hollywoodiennes ne font que tourner encore et encore le même film et se plaignent ensuite que le public ne soit plus aussi intéressé par le cinéma comme autrefois. Peut-être que la réponse à la question et que simplement personne n'a jamais réussi à faire un long-métrage Steampunk avant.
 
LCRAMEB : Un dernier mot pour les vaporistes français ?
Desirina Boskovich : Ce que je vois provenant de la communauté française est vraiment magnifique. (Ne parlons même pas de La Cité des Enfants Perdus qui est probablement le meilleur des rares films Steampunk). Je pense que les vaporistes français apportent quelque chose de vraiment unique sur la scène internationale et j’espère qu’ils vont continuer !
 
The Steampunk User Manual est disponible en Europe depuis le 27 octobre.
 
 
 

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