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Les Conjurés de Florence

Paul J. McAuley ( Auteur), Gil Formosa (Illustrateur de couverture), Olivier Deparis (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/11/2004  -  livre
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Les Conjurés de Florence

Le temps est à l’uchronie. Tandis que la science-fiction semble marquer le pas face aux productions de fantasy, sans aucun doute plus… «accessibles», l’uchronie apparaît comme un refuge (conscient ou inconscient) pour certains auteurs de SF qui propulsent leurs problématiques dans des univers temporellement incongrus. Mais bien avant les récents Roma Aeterna de Silverberg ou Ilium de Simmons, Paul J. McAuley nous gratifiait dès 1994 d’un polar uchonique frôlant le fantastique dans une Florence réinventée. Une Florence ciselée de métal et de vapeur, dans un monde modelé par la réalisation des idées les plus saugrenues d’un Léonard de Vinci établi en grand Ingénieur. Un monde à la croisée des chemins : propulsé à l’aube de révolution industrielle en pleine renaissance artistique, et toujours empreint d’une forme de magie païenne. Le steampunk transposé au seizième siècle en somme.
Les éditions Folio SF, toujours aussi réactives, ont eu la bonne idée de rééditer Les Conjurés de Florence, en l’augmentant au passage de La Tentation du Dr. Stein, une nouvelle située dans le même univers décalé.

Pasquale et Machiavel à la recherche du meurtrier de Raphael

La cité de Florence est prise d’une grande agitation à l’approche de la visite du Pape. Dépêché depuis Rome la rivale, Raphaël son émissaire, apparaît comme une provocation à la guilde des peintres de Florence qui se réclame de l’influence de Michel-Ange. Car le prestige de Michel-Ange semble aller déclinant, tout comme le génie de Léonard de Vinci, le grand ingénieur qui a offert à Florence, quelques décennies plus tôt, son influence marquée par le sceau du progrès et du génie militaire. Ces querelles d’artistes seraient-elles suffisantes pour pousser au meurtre? C’est la conclusion la plus évidente à laquelle parviennent les autorités quand on découvre tour à tour le cadavre d’un des disciples de Raphaël, puis Raphaël lui-même, à l’aube de la Saint-Luc.
Mais les apparences sont bien trompeuses. Et il faudra l’acuité du regard de Pasquale le peintre apprenti et l’expérience et la ruse de Machiavel pour dénouer les fils d’une conspiration qui mène jusqu’aux plus hautes autorités de la vieille Europe et qui pourrait précipiter la chute de toute l’Italie.

«Il y a deux mondes : celui des choses et celui de leur nom, où réside leur essence»

Ce roman n’est pas la plus grande réussite de McAuley. Toujours aussi imaginatif et apte aux synthèses exotiques, il se positionnait au milieu des années 90 dans le peloton de tête de ceux qui allaient faire exploser le steampunk. Pour autant, le rythme des Conjurés de Florence en fait un roman à la lecture assez pénible. Le découpage en trois parties de McAuley dénote d’ailleurs une grosse hétérogénéité. Tandis que l’on s’éprend de la vie de Pasquale et de l’intrigue meurtrière dans La Saint-Luc, Sur la terre comme au ciel nous entraîne dans un enchaînement tempétueux de complots, d’enlèvements et de tortures qui étouffent proprement l’intérêt du roman. Même un retour à une certaine sérénité dans La mesure interrompue ne parvient pas à sauver le roman de cet emballement qui noie le lecteur sous une avalanche de rebondissements à la limite du supportable. Un peu comme si tout le complot des X-Files devait tenir en deux épisodes.
Pour autant, le style de McAuley est toujours aussi impeccable et foisonnant. Le détail apporté aux pratiques picturales de la renaissance contribue largement à épaissir l’univers qu’il bâtit sous nos yeux, confinant parfois à un exposé digne de l’encyclopédie Universalis. La complexification géopolitique héritée de l’influence de Florence fait également partie des grandes réussites du récit : on imagine les bouleversements liés à l’échec de la colonisation espagnole en Amérique, et l’on se prend à imaginer une Amérique indienne libre de corps et de pensée, pétrie de magie et riche de sa différence. Enfin, l’enquête policière menée de concert par Machiavel et Pasquale est plutôt jubilatoire, et l’on regrette là encore qu’elle soit asphyxiée par le milieu du roman.
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