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Les Continents perdus

Michael Bishop ( Auteur), Thomas Day (Anthologiste), Walter Jon Williams ( Auteur), Jean-Daniel Brèque (Traducteur), Sparth (Illustrateur de couverture), Ken MacLeod ( Auteur), Lucius Shepard ( Auteur), Geoff Ryman ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/08/2005  -  livre
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Les Continents perdus

Thomas Day c'est l'auteur qui aime agacer. Et qui parfois y arrive tellement bien. C'est aussi un homme d'engagement, et celui qu'il réserve à la littérature est entier. Comme le bonhomme. Opinion nette et précise et une honnêteté intellectuelle qui redonnerait presque foi en l'humanité. Ça c'est côté pile. Côté face, on retrouve Gilles Dumay, l'impeccable directeur de la collection Lunes d'Encre chez Denoël. Celui-là même qui dit que la SF est morte. Lui, son truc, c'est de publier de bons livres. Le nôtre étant d'en lire, fatalement le terrain était propice à une rencontre.

Anthologie donc, réunie par Thomas Day, et publiée par Gilles Dumay, Les Continents perdus est un petit exercice schizophrénique qui se propose de rassembler cinq novellae autour du thème du voyage. Vieille scie de l'Imaginaire, mais qu'on peut toujours faire sonner sur des airs inédits.

Cinq longues nouvelles, et cinq destinations comme se plaît à le rappeler Thomas Day dans son avant-propos.


La première de ces échappées dans l'irréel, puisque c'est de cela dont il s'agit, s'axe autour du triangle formé par les Shelley et Byron. Une uchronie signée par un Walter Jon Williams assez peu en jambes, en l'occurrence très porté sur l'expérimentation personnelle, et qui distille une très romantique langueur qui frôle parfois l'ennui. Tirkiluk de Ian R. MacLeod, nous emmène ensuite quelque part entre Lovecraft et John Campbell l'écrivain, avec sa Bête d'un autre monde. Un traitement sous forme de journal d'un funeste séjour polaire, et qui laisse une dispensable impression de déjà lu.

Il en va tout autrement avec l'étonnante nouvelle de Michael Bishop, Apartheid, Supercordes et Mordecai Thubana. Cet OVNI, écrit en 1988 alors que Nelson Mandela croupissait encore dans sa prison du Cap, n'a pourtant rien perdu de sa justesse de ton. Alors qu'étrangement Thomas Day avait choisi d'ouvrir son recueil consacré au voyage par deux textes étonnamment statiques, le mouvement s'imprime enfin avec le récit de ce périple improbable qui va conduire un yuppie afrikaner à la frontière de l'impossible. Noirs des townships, coupables innocents et bouchers assermentés qui se cachent dans les replis incertains des dimensions de Planck, un cocktail funambulesque dont Bishop tire le meilleur parti pour faire naître une histoire improbable mais intelligemment jubilatoire.

Tout comme le fait Lucius Shepard. Le Train noir, lauréate du Theodore Sturgeon Award 2003, jongle avec les vieux mythes américains. Remettant au goût du jour ces fraternités de vagabonds du rail qui traversaient l'Amérique de la Grande Crise, Shepard dresse, en creux, un portrait assez peu reluisant de son pays. Poussant au bout de jeu l'idée même du voyage, qu'il ramène à sa fonction inévitablement initiatique, il peuple son texte d'une foule attachante de paumés, ratés, pédés, camés et autres loquedus ordinairement invisibles, tous en quête d'une rédemption trop facilement offerte. Plus qu'habile c'est brillant, même dans ses outrances, car d'une incroyable évidence. C'est la nouvelle qui, pour un peu, pourrait justifier à elle seule l'achat des Continents Perdus.

Ce qui serait faire un sort un peu trop hâtif au Pays invaincu, Histoire d'une vie, de Geoff Ryman. Ecrivain volontiers cryptique, rigoureusement inconnu sous nos cieux, dont le présent texte qualifié par Day "d'étrange" et "déconcertant", lui valu tout de même un British Science Fiction Award et un World Fantasy Award. Et c'est vrai, Le Pays invaincu, Histoire d'une vie est une magnifique nouvelle. C'est aussi une histoire bien trop personnelle pour échapper à un ressenti qui se doit de l'être tout autant. Ainsi, c'est typiquement le genre d'expérimentation qui me laisse froid. Parce que pleine d'une émotion trop apprêtée. Parce qu'aussi, derrière cette fausse naïveté, on devine une mécanique bien trop précise pour laisser place à l'imperfection qui donne la vie. Parce qu'enfin ça me laisse sur une impression de somptuosité cheap que je trouve hors propos. Mais, je comprends aussi tout à fait ce que Thomas Day a pu y voir, et ce que les membres des jurys des divers prix dont elle fût – à juste titre sans doute – lauréate, y ont vu aussi. Quoiqu'il en soit elle conclut à merveille cette anthologie que l'éditeur a préféré confier à l'auteur. Certainement non sans raison.

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