Il me semble que depuis quelques années le thème des îles flottant dans les cieux est devenu à la mode et joliment traité (cf la trilogie d’Ellie S. Green) : avec « Les Titans du Ciel », premier tome d’une nouvelle série intitulée « OutreNoir » (Editions Lumen), l’auteur américain Marc J. Gregson aborde le sujet sous un angle original puisque chacune de ces îles, souvent de grande taille, flotte grâce à un cœur d’une matière bien particulière.
Nous sommes dans un monde où toutes ces îles forment un royaume divisé en trois classes sociales, où chacun a sa position grâce à son mérite (ou son absence de mérite…) et peut s’élever en provoquant en duel son supérieur, l’arme de la noblesse comme du peuple étant la canne ! Conrad, fils de l’archiduc d’Holmstead, a tout perdu lorsque son oncle a tué son père pour s’emparer du titre et s’est retrouvé dans la misère avec sa mère. Lorsque celle-ci meure, lors d’une attaque de gorgantauns, les titans du ciel du titre, des monstres serpentiformes de plusieurs centaines de pieds de long, quasi invulnérables car étrangement recouverts d’écailles d’un acier presque indestructible, Conrad veut se venger de son oncle mais il va se retrouver, avec l’appui de celui-ci qui le fait chanter en lui promettant de lui rendre sa sœur s’il réussit, à participer au grand concours de la Méritocratie et y faire la preuve de sa valeur. Il va ainsi, non sans péril, rejoindre la guilde de la Chasse, celle qui protège les îles des monstres, avec un taux de mortalité particulièrement élevé. Et Conrad va ainsi découvrir que tout ce en quoi il croyait est peut-être faux, que l’éducation reçue de son père, « ne fait confiance à personne, jamais », n’est pas forcément la meilleure et que celle de sa mère, « fait confiance aux autres », n’est pas dénuée de valeur.
Roman d’apprentissage de la vie, de sa dureté et de ses faux semblants, de la découverte de l’amitié et de la traîtrise, ce roman aux nombreux rebondissements se laisse lire avec un immense plaisir : en effet, nous allons découvrir avec Conrad que les apparences sont souvent trompeuses, que les gens peuvent évoluer avec le temps – l’auteur fait vivre des personnages souvent attachants, parfois répugnants, mais tous bien campés et évoluant - et les circonstances. Nous aurons en même temps que lui des réponses à des questions que nous nous posons en lisant le roman (comment et pourquoi les îles flottent-elles ? comment certains animaux monstrueux comme les gorgantauns mais aussi les prowlons, des sortes de chats géants tueurs, et d’autres encore peuvent-ils avoir des écailles d’acier ? que cache la zone de l’OutreNoir, cette immense ceinture de nuages toxiques intraversable qui se trouve sous les îles ?).
De plus le roman contient, de manière subtile, des messages sur la tolérance et l’entraide, et constitue une critique sévère – à travers ce système de la Méritocratie – du système de valeurs américains selon lequel les meilleurs sont toujours récompensés et encourageant une compétition interpersonnelle menant à l’égoïsme, montrant les failles et les vices dudit système qui conduit à une sorte de ploutocratie. Et l’univers décrit, mélange de fantasy et de steampunk sans vapeur – j’ai adoré les vaisseaux volants -, est fascinant. Voilà un roman jeunesse/adolescent qui va contribuer à rendre la rentrée agréable, détente assurée !