Victoria, reine et tueuse de démons d'A. E. Moorat
Les éditions Eclipse ont fait une apparition en force depuis novembre avec de nombreux titres publiés. Parmi ceux-ci j'ai noté A. E. Moorat, "Victoria, reine et tueuse de démons". Comment résister à un titre pareil ? Je ne l'ai pas fait et je me suis bien amusé. L'idée de départ est très bonne: lors de son accession au trône, la reine découvre la face cachée du gouvernement de l'empire: la lutte contre les démons qui essayent de prendre le pouvoir sur Terre depuis des millénaires, le service secret - le Protektorat - qui lutte contre eux sous la direction du Premier Ministre. Et l'auteur de mettre en scène non seulement une jeune Victoria, femme d'action par amour pour son royaume et son mari Albert (nous sommes loin de l'image habituelle que nous avons de la reine mais c'est vrai qu'elle fut jeune !), mais aussi un inquiétant personnage au service de Baal, Lord Conroy qui exécute les ordres des démons ayant l'apparence de personnages royaux, un savant et occultiste fou, le débauché Lord Quimby qui mène ses expériences pour fabriquer des zombies grâce à des poudres haïtiennes, et toute une série d'autres personnages plus curieux et plus intrigants les uns que les autres, dans un Londres où la misère la plus abjecte côtoie le luxe des puissants. Moorat mène bien son roman, je me suis pris à l'action et à l'intrigue, le roman est écrit avec humour - la scène du Parlement envahi par les zombies est hilarante - et rempli de clins d'oeil littéraires. Le seul bémol est une traduction qui semble parfois laborieuse et qui ne fait sans doute pas justice à l'esprit du roman original, sauf quand c'est de l'humour involontaire: j'avoue avoir éclaté de rire en lisant "... une large cave souterraine, apparemment constituée de deux caves qu'on avait rapprochées..." Bref, un roman intéressant, qui se lit avec plaisir, mais qui confirme le besoin d'attention soutenue des éditeurs quant à leurs traductions, faiblesse qui, m'ont-ils dit, sera corrigée dans les prochaines parutions. En attendant, bonne chasse aux démons, zombies et loups-garous avec Victoria.
Des nouvelles du Tibbar de Timothée Rey
Avec le grand nombre de livres qui sortent dans nos domaines, il arrive que l'un d'entre eux n'attire pas immédiatement mon attention et que je ne le lise, à tort, qu'avec beaucoup de retard. C'est ce qui est arrivé avec "Des nouvelles du Tibbar" de Timothée Rey (Editions des Moutons Electriques / Collection Bibliothèque voltaïque): je viens de découvrir cet auteur et son univers à la fois loufoque et logique, qui fait penser à du Lewis Carroll à la française, magnifique et remarquable.
A travers une douzaine de nouvelles, Timothée Rey nous fait parcourir à diverses époques et en divers lieux le Tibbar occidental, où des pays aux noms aussi évocateurs que la Transpiratie ou l'Ondouaile, sur la côte de l'Océan Tintinnabulant Arctique, abritent une population fort mélangée : humains, orcs, gobelins, leprechauns, houle-becs, goules etc.. qui vivent une coexistence plus ou moins pacifique dans un univers gouverné par la haute et la basse magie. Et toute la force de Timothée Rey réside dans sa capacité à inventer, dans un vocabulaire très créatif, une géographie, une faune et une flore qui entraîne le lecteur dans ce Tibbar occidental qui nous laisse fasciné par son réalisme insaisissable : la première nouvelle nous fait tout simplement voyager "Sur la route d'Ongle", dans le bus à roues pédestres de la ligne 22-A de la Compagnie Urbaine & Interurbaine de Transport Elfique, ligne qui traverse une plaine où tombent des cosses de haricots géants, où des nids d'attrape-couillons essayent d'encercler de leurs tentacules le bus et où les froumifroums s'écrasent sur le pare-brise lors du passage dans les forêts de whombes et d'aconilles sur les troncs desquels grouillent les poissons d'écorce... Cela donne une petite idée des 250 pages complètement décalées, d'une richesse et d'une créativité extraordinaires, où l'auteur, avec finesse et humour, prend des situations "normales" et les tranposent dans la normalité tibbarienne pour notre plus grand bonheur : l'amour et la vengeance dans "Lacnae b'Asac" ou comment le sort d'une révolution tient à peu de choses, la piraterie dans l'une des nouvelles les plus jouissives du recueil "Le jardin de nains du Ninja Radin" ou le traitement des épidémies dans "Jeunes sirènes lascives pour matelots bourrus". Et je ne parle pas de "Magma mia", nouvelle centrée sur des gourmets qui réussissent à exécuter correctement la recette de la "fricassée d'abats d'efafnr à la sauce magma", qui fera saliver tous les lecteurs gastronomes...
Ces nouvelles brillent, outre leur créativité lexicologique, par une écriture très maîtrisée, aux envolées souvent poétiques dans leurs descriptions de paysages, et par un humour noir superbe, en particulier dans des chutes qui réjouiraient André Ruellan ! Curieusement, les deux dernières nouvelles du livre changent de ton et deviennent très noires, ce qui casse un tout petit peu le rythme général du livre mais n'enlève rien au plaisir de la lecture. J'espère que nous aurons bientôt d'autres nouvelles du Tibbar.

Des nouvelles du Tibbar de Timothée Rey

A travers une douzaine de nouvelles, Timothée Rey nous fait parcourir à diverses époques et en divers lieux le Tibbar occidental, où des pays aux noms aussi évocateurs que la Transpiratie ou l'Ondouaile, sur la côte de l'Océan Tintinnabulant Arctique, abritent une population fort mélangée : humains, orcs, gobelins, leprechauns, houle-becs, goules etc.. qui vivent une coexistence plus ou moins pacifique dans un univers gouverné par la haute et la basse magie. Et toute la force de Timothée Rey réside dans sa capacité à inventer, dans un vocabulaire très créatif, une géographie, une faune et une flore qui entraîne le lecteur dans ce Tibbar occidental qui nous laisse fasciné par son réalisme insaisissable : la première nouvelle nous fait tout simplement voyager "Sur la route d'Ongle", dans le bus à roues pédestres de la ligne 22-A de la Compagnie Urbaine & Interurbaine de Transport Elfique, ligne qui traverse une plaine où tombent des cosses de haricots géants, où des nids d'attrape-couillons essayent d'encercler de leurs tentacules le bus et où les froumifroums s'écrasent sur le pare-brise lors du passage dans les forêts de whombes et d'aconilles sur les troncs desquels grouillent les poissons d'écorce... Cela donne une petite idée des 250 pages complètement décalées, d'une richesse et d'une créativité extraordinaires, où l'auteur, avec finesse et humour, prend des situations "normales" et les tranposent dans la normalité tibbarienne pour notre plus grand bonheur : l'amour et la vengeance dans "Lacnae b'Asac" ou comment le sort d'une révolution tient à peu de choses, la piraterie dans l'une des nouvelles les plus jouissives du recueil "Le jardin de nains du Ninja Radin" ou le traitement des épidémies dans "Jeunes sirènes lascives pour matelots bourrus". Et je ne parle pas de "Magma mia", nouvelle centrée sur des gourmets qui réussissent à exécuter correctement la recette de la "fricassée d'abats d'efafnr à la sauce magma", qui fera saliver tous les lecteurs gastronomes...
Ces nouvelles brillent, outre leur créativité lexicologique, par une écriture très maîtrisée, aux envolées souvent poétiques dans leurs descriptions de paysages, et par un humour noir superbe, en particulier dans des chutes qui réjouiraient André Ruellan ! Curieusement, les deux dernières nouvelles du livre changent de ton et deviennent très noires, ce qui casse un tout petit peu le rythme général du livre mais n'enlève rien au plaisir de la lecture. J'espère que nous aurons bientôt d'autres nouvelles du Tibbar.
Poètes de l'Imaginaire, une anthologie de Sylvain Fontaine

Jean-Luc Rivera