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Les coups de cœur de Jean-Luc Rivera - Novembre 2014
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Les coups de cœur de Jean-Luc Rivera - Novembre 2014

Simulacre tome 1, La seconde vie de d'Artagnan de Jean-Luc Marcastel 
 
Simulacre tome 1 de Jean-Luc Marcastel Jean-Luc Marcastel fait partie de ces auteurs dont j'apprécie quasiment à chaque fois la production, d'autant plus qu'il écrit dans nombre de domaines différents de l'imaginaire. Avec le tome 1 de sa nouvelle série "Simulacre", intitulé "La seconde vie de d'Artagnan" (Editions du Matagot), il se lance dans un roman de cape et d'épée de SF, plein de panache, de combats et de créatures aussi étranges que diverses dans une France du XVIIème siècle quelque peu différente de la nôtre. En effet, depuis l'attaque menée par des "démons venus des étoiles" le 13 octobre 1625, attaque qui détruisit une grande partie des villes, des armées et des populations terrestres, avant que des "archanges" n'apparaissent et ne les mettent en déroute. Ces archanges à la mentalité mercantile ont ensuite passé des accords commerciaux avec les différents monarques pour la reconstruction de leurs pays et l'introduction de nouvelles technologies et de nouveaux produits sophistiqués, faisant au passage la fortune des jésuites qui en sont les distributeurs exclusifs... Et le roman de débuter quelques dizaines d'années plus tard, dans la navette qui assure la liaison entre Paris et la Versailles céleste, le gigantesque palais volant où réside le roi, Louis XIV, et sa cour ! C'est là que la jeune Estella, dite la Goupille, exerce ses talents de pickpocket sous l'apparence d'une gente dame. Essayant de soulager un grand seigneur endormi d'un bijou, elle va découvrir à son corps défendant qu'elle a, en fait, voulu dépouiller l'un des héros du royaume, son idole personnelle car elle est gasconne, le grand capitaine Charles de Batz de Castelmore, autrement dit le capitaine d'Artagnan, vieux mousquetaires du Roi blanchi sous la casaque bleue à croix d'argent. Il va lui confier cette très étrange bague et la faire s'enfuir du vaisseau alors que les gardes mécanomates du cardinal de Richelieu essayent de les arrêter, lui disant de la garder jusqu'à ce qu'on vienne lui demander le bijou. Le vieux d'Artagnan va mener son dernier combat et c'est alors que, dans le château familial, s'éveille un tout jeune d'Artagnan qui va devoir apprendre tout du monde et de son évolution alors que son esprit ne se souvient que de la France - et de Mme Bonacieux ! - de ses vingt ans... Avec l'aide de son fidèle valet, Planchet, il va apprendre qu'il est un "Simulacre", un clone créé par la science des archanges à la demande (et suite au paiement) du vieux d'Artagnan pour continuer de remplir sa mission de protection de la France et de son roi. Or ces simulacres étant à la fois craints et méprisés par la population, le jeune d'Artagnan va devoir chercher qui il est, quel est son rôle et découvrir le royaume ainsi que l'endroit où se cachent Estella et la bague. Et nous allons accompagner le bon capitaine, entre rodomontades et combats épiques à l'épée énergétique, dans sa quête, découvrant avec lui ce royaume où les paysans ont été remplacés par des machines, où l'on se déplace en diligences volantes et chevaux mécaniques à réaction, où les prothèses en vogue sont des mécamembres de métal se fondant dans la chair. L'auteur se fait manifestement plaisir en laissant libre cours à son imagination et cela nous donne des paysages saisissants comme ce Paris (cf p. 215) au ciel encombré de palais et manoirs volants et dominé par une sombre Bastille, cube de pierre imprenable où vivraient le vieux cardinal tant redouté et ses sbires, ou cette cour des miracles sur laquelle règne l'Ankou, personnage inquiétant et impitoyable. Nous retrouvons avec plaisir tous ces personnages qui font partie de la mythologie des Trois Mousquetaires, à peine transformés au niveau physique - la science des archanges est quand même passée par là - mais à l'esprit intact : d'Artagnan est toujours un Gascon à la faconde sans égale et à l'honneur sourcilleux, Estella une jeune femme attachante et qui sait évoluer, le cardinal toujours cauteleux et retors, Planchet dévoué à son maître (et évoquant furieusement dans son comportement le Planchet-Bourvil du beau film d'André Hunebelle de 1953), je ne vous parle pas des autres pour ne pas vous gâcher la surprise, les gardes du cardinal sont toujours aussi traîtres et les mousquetaires du roi aussi vaillants. Ce qui fait aussi l'intérêt de ce premier tome, outre son action échevelée, est la réflexion que porte l'auteur sur les conséquences économiques et sociales de l'introduction de technologies avancées dans une société comme celle de Louis XIII : désertification des campagnes, paupérisation des masses paysannes, création de nouvelles professions, adaptation des outils et des armes, impact sur les mentalités et sur les religions. Hommage manifeste à Dumas et à la littérature populaire de cape et d'épée mais aussi à la SF et à certains films ou séries (dont les "Star Wars") qu'il affectionne, Jean-Luc Marcastel a réussi là un mariage heureux et original, un premier volume qui ne se lâche pas une fois entamé. Vivement la suite, j'ai hâte de découvrir le château volant d'Athos, ce que sont ou veulent les archanges et les mauvais coups que réserve Richelieu à d'Artagnan !
 
 
Seul sur Mars d'Andy Weir Seul sur Mars d'Andy Weir 
 
Je vous le dis de suite : bien que décrit comme étant un "thriller survivaliste captivant" (!), seule l'étiquette de "captivant" est correcte. Résultat d'un choix marketing qui m'échappe totalement, je vous confirme que "Seul sur Mars" d'Andy Weir (Bragelonne) est un pur roman de SF, et de "hard science" qui plus est. Le pauvre Mark Watney, suite à un concours de circonstances malheureux, a été tenu pour mort et donc abandonné lors du décollage en catastrophe de la première mission martienne suite à une énorme tempête. Il va survivre et nous suivrons ses efforts pour tenir face à des chiffres (nourriture, eau, air) qui indiquent tous que ses ressources seront insuffisantes pour durer jusqu'à la prochaine mission programmée. Mais Mark est un homme débrouillard et l'on se prend très vite au jeu qui consiste à trouver des solutions créatives mais toujours scientifiquement possibles pour surmonter les obstacles d'un milieu totalement hostile et réussir contre toute attente (en particulier celle d'une partie des dirigeants de la NASA) à survivre. C'est de la vraie "hard science" mais intéressante car toujours expliqué en termes simples par l'intermédiaire du journal de bord de Mark, qui est le document que nous lisons, ce qui nous permet de partager aussi ses joies et ses peurs de manière très concrète, l'auteur ne reculant pas devant les détails les plus terre à terre (ou devrais-je dire mars à mars ?) comme les excrétions et sécrétions diverses et leurs odeurs, des questions restant habituellement sans réponse ou même totalement ignorées dans les autres romans de SF. Ce qui fait aussi la force de ce premier livre est la psychologie particulièrement fouillée des personnages : outre Mark dont nous partageons les enthousiasmes et les découragements grâce à son journal, Andy Weir a l'astuce de mettre en scène d'une part les réactions des cadres de la NASA, de leur personnel et du public terrestre face à la situation unique et désespérée de Mark et d'autre part celles de l'équipage qui a abandonné sans le savoir non pas un cadavre mais un blessé... L'auteur nous présente à la fois la mobilisation des ressources humaines, matérielles et intellectuelles dans un bel élan pour sauver un naufragé et les petits calculs mesquins de coûts (combien vaut une vie, écho des calculs que nous entendons tous les matins en nous levant...) et de peur des prises de risques, même mesurés et acceptés. Tout cela donne un roman remarquable de réalisme, très prenant, qui est une ode au génie humain au sens le plus noble du terme, dans ce qu'il a de créatif et de généreux, un roman qui fait plaisir à lire et redonne espoir au lecteur grâce à cette foi sans faille et à cet optimisme qu'a l'auteur quant à l'homme et à ses capacités à survivre et à surmonter toutes les épreuves. Un auteur et un roman à découvrir par tous les amateurs de SF et, plus largement, par tous les amateurs de bonne littérature !
 
The Parisianer d'Aurélie Pollet et Michael Prigent 
 
The Parisianer d'Aurélie Pollet et Michael Prigent Certes, le livre d'art dont je vais vous parler n'est pas stricto sensu un livre de SF mais c'est bien un livre d'imaginaire. Avec "The Parisianer, les couvertures d'un magazine imaginaire", sous la direction d'Aurélie Pollet et Michael Prigent (Editions 10-18), 128 artistes rendent hommage au grand magazine new-yorkais "The New Yorker", dont certaines couvertures devinrent légendaires. Tous les amoureux de la culture new yorkaise apprécieront ces clins d'oeil, ces couvertures donnant vie à un magazine qui pourrait être dans un monde parallèle au nôtre. D'une grande variété, toutes ces illustrations sont le plus souvent très belles et représentatives de la variété picturale contemporaine. Chacun devrait y trouver son bonheur en fonction de ses sensibilités propres mais je dois avouer qu'outre la couverture de Chez Gertrud, j'aime particulièrement celles de Julien Couty et de Crushiform et, bien entendu, comme tout amateur de "King Kong", j'ai bien apprécié le clin d'oeil de Thomas Perino à une scène mythique du film... Un bien joli objet, un cadeau de Noël à faire ou à se faire pour un prix plus que raisonnable en cette période difficile.
 
Jean-Luc Rivera
 
 
 

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