Quelle bonne idée ont-eu là les éditions du Livre de poche de ressortir deux des plus célèbres ouvrages de Robert Silverberg : Les déportés du Cambrien, et Le Château de Lord Valentin, premier volume de la fresque de Majipoor. L'occasion de se replonger dans des classiques qui n'ont pas pris une ride. Publié la première fois en 1967, Les déportés du Cambrien est un peu le roman qui a initié la période des productions de grande qualité chez Silverberg (L'oreille interne ou Les Monades urbaines entre autres). Œuvre sans concession, c'est autant un roman de SF qu'une satire de la scène politique américaine, qui n'est pas sans saveur en cette période de trouble républicain.
Un pénitencier à nul autre pareil
Hawksbill Station, tel est le nom d'une prison un peu particulière. Non pas que son système carcéral soit sophistiqué, puisque tous les détenus ont une totale liberté de mouvement sur le globe. Non, sa particularité est ailleurs : c'est une prison… temporelle. Fondée sur les équations du célèbre mathématicien Hawksbill, une machine à voyager dans le temps a en effet était construite. Seule contrainte : le voyage ne se fait qu'à sens unique vers la passé. Du coup, le nouveau gouvernement américain ne lui a pas trouvé d'application plus valable que celle de pénitencier. Ayant supprimé la peine de mort, il y substitue une geôle temporelle au Cambrien supérieur, il y a un milliard d'années, d'où aucun des prisonniers politiques ne reviendra jamais.
Vol au-dessus d'un nid de doux-dingues
Depuis vingt ans, la vie s'est organisée sur Hawksbill Station, tributaire des envois spasmodiques de nouveaux détenus (toujours des hommes, bien entendu) et de matériel. Malgré tout, ça n'est toujours pas le luxe : aussi loin dans le passé, la vie n'a pas encore conquis la terre et les continents sont de mornes étendues de roche grise, tandis que l'océan entretient un garde-manger foisonnant de trilobites. A la longue, la déprime et la folie gagnent chacun.
Certains résistent mieux, qui entretiennent une quelconque activité cérébrale. Jim Barrett est de ceux-là. Ancien dirigeant d'un mouvement révolutionnaire, c'est presque naturellement que cette force de la nature a pris l'ascendant sur ses compagnons d'infortune. " Là-bas " dans le présent, il avait entretenu le vœu de renverser la syndicature, nouveau pouvoir despotique des Etats-Unis, sans que jamais la révolution ne survienne. Mais l'âge rattrape Barrett et son pouvoir semble s'étioler lorsqu'un nouveau venu fait son apparition qui éveille son intérêt : il semble bien jeune et désintéressé de la politique pour avoir été envoyé parmi cette société de barjos…
Chef-d'œuvre intemporel
Alternant les chapitres entre " ici " au Cambrien et " là-bas " dans le présent, Silverberg nous donne autant à voir la décrépitude de ses prisonniers politiques en proie au désespoir et à l'aliénation, que leur activisme politique passé dans une Amérique vérolée par le règne de la pensée unique et l'autoritarisme. Un petit bijou pamphlétaire dont la dégustation initie irrésistiblement le développement d'un petit rictus acerbe à la commissure des lèvres. Qu'ajouter encore à l'éloge, si ce n'est que le style est, comme d'habitude, sans faille.
Un pénitencier à nul autre pareil
Hawksbill Station, tel est le nom d'une prison un peu particulière. Non pas que son système carcéral soit sophistiqué, puisque tous les détenus ont une totale liberté de mouvement sur le globe. Non, sa particularité est ailleurs : c'est une prison… temporelle. Fondée sur les équations du célèbre mathématicien Hawksbill, une machine à voyager dans le temps a en effet était construite. Seule contrainte : le voyage ne se fait qu'à sens unique vers la passé. Du coup, le nouveau gouvernement américain ne lui a pas trouvé d'application plus valable que celle de pénitencier. Ayant supprimé la peine de mort, il y substitue une geôle temporelle au Cambrien supérieur, il y a un milliard d'années, d'où aucun des prisonniers politiques ne reviendra jamais.
Vol au-dessus d'un nid de doux-dingues
Depuis vingt ans, la vie s'est organisée sur Hawksbill Station, tributaire des envois spasmodiques de nouveaux détenus (toujours des hommes, bien entendu) et de matériel. Malgré tout, ça n'est toujours pas le luxe : aussi loin dans le passé, la vie n'a pas encore conquis la terre et les continents sont de mornes étendues de roche grise, tandis que l'océan entretient un garde-manger foisonnant de trilobites. A la longue, la déprime et la folie gagnent chacun.
Certains résistent mieux, qui entretiennent une quelconque activité cérébrale. Jim Barrett est de ceux-là. Ancien dirigeant d'un mouvement révolutionnaire, c'est presque naturellement que cette force de la nature a pris l'ascendant sur ses compagnons d'infortune. " Là-bas " dans le présent, il avait entretenu le vœu de renverser la syndicature, nouveau pouvoir despotique des Etats-Unis, sans que jamais la révolution ne survienne. Mais l'âge rattrape Barrett et son pouvoir semble s'étioler lorsqu'un nouveau venu fait son apparition qui éveille son intérêt : il semble bien jeune et désintéressé de la politique pour avoir été envoyé parmi cette société de barjos…
Chef-d'œuvre intemporel
Alternant les chapitres entre " ici " au Cambrien et " là-bas " dans le présent, Silverberg nous donne autant à voir la décrépitude de ses prisonniers politiques en proie au désespoir et à l'aliénation, que leur activisme politique passé dans une Amérique vérolée par le règne de la pensée unique et l'autoritarisme. Un petit bijou pamphlétaire dont la dégustation initie irrésistiblement le développement d'un petit rictus acerbe à la commissure des lèvres. Qu'ajouter encore à l'éloge, si ce n'est que le style est, comme d'habitude, sans faille.