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Les Enfants de Salamanca 1

Christophe Bec (Scénariste), Bertrand Denoulet (Coloriste), Stefano Raffaele (Dessinateur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2008  -  bd
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Les Enfants de Salamanca 1

L’épouvante et l’horreur n’ont pas eu le succès en BD qu’elles ont connu au cinéma en dehors d’adaptations de romans, de films ou de séries (Dracula, La Chute de la maison Usher, Tales from the crypt, Vendredi 13). Bien sûr, de rares titres récents comme Les Véritables Légendes Urbaines scénarisées par Corbeyran et quelques réussites dessinées telles que Shadowslayer, Dans la nuit, 30 nuits de jour pour ne citer qu’elles, méritent d’être relevées.

La série Sarah est donc une louable tentative d’élargir le spectre de la BD et son audience. La collection Repérages de Dupuis annonce la couleur : Sarah « se pose d’emblée comme une référence : dans le registre de la peur, jamais série de bande dessinée n’avait placé la tension aussi haut ». C’est lui donner beaucoup d’importance. Est-ce bien mérité ?

L’association du scénariste Christophe Bec et du dessinateur Stefano Raffaele présente toutes les garanties nécessaires. Elle a déjà fonctionné dans le registre du fantastique et de l’épouvante avec Pandomenium. Le graphiste italien a également donné dans le genre avec les zombies de la série Fragile scénarisée par lui-même. Quant à l’auteur français de Sanctuaire et d’une trentaine d’albums, qui se décrit lui-même comme un « créateur d’univers », il possède une solide expérience dans le monde du fantastique angoissant qui couvre une large partie de sa production.

Sarah dans le piège de Salamanca

Deux promeneurs viennent prendre possession de leur parcelle de terrain dans les ex-mines d’or de Little Valley près de Salamanca. Mal leur en prend puisqu’ils se font déchiqueter par un loup-garou des cavernes particulièrement féroce.

Sarah, séquestrée et violée à six ans, souffre d’angoisses pathologiques. Elle découvre la nouvelle demeure que lui a aménagée son compagnon en pleine forêt d’Allegheny en Pennsylvanie. Le lieu idéal pour refaire sa vie. Sauf qu’un intrus a saccagé l’une des pièces pendant la nuit. Les habitants de la ville la plus proche, Salamanca, semblent méfiants et malveillants. Son ami David apprend qu’un incendie a ravagé la région et la ville dans les années 50.

Une maison isolée en pleine forêt. Une créature aux yeux rouges qui rôde. Des voisins aussi antipathiques qu’inquiétants. Sarah, qui vient de découvrir qu’elle est enceinte, n’est pas au bout de ses angoisses…

Angoisse à toutes les pages

Pas de suspense, Christophe Bec nous amène très vite à l'origine du mal, la créature sanguinaire tapie dans son feu, telle une salamandre, et qui attend que ses victimes s'y brûlent. Mais c’est pour mieux mesurer le danger qui pèse sur les épaules de la fragile Sarah. Danger d’autant plus menaçant que le monstre a partout des complices : la forêt, les souterrains, les habitants, les voisins. L’auteur cumule donc les ingrédients de l’épouvante : les monstres, la mort, la névrose, l’isolement, les quasi-morts-vivants que sont les habitants. Sont-ils tous des enfants de Salamanca ? Ou s’agit-il seulement du monstre et de ses semblables ? Voire de Sarah elle-même et peut-être de son enfant ? Tout est fait pour déstabiliser le lecteur. Abruptement comme sur la première scène ou à petit feu en suivant Sarah. La potion prend. La formule est efficace. Elle l’est d’autant plus que la parole est donnée à l’image. Au silence et à l’exploration visuelle des lieux. Les textes ne reprennent le dessus que dans les moments de répit, quand les personnages évacuent leur angoisse.

L’intrigue est bien menée. On sort, sans l’air d’y toucher, des poncifs de série américaine et on se retrouve de plus en plus dans un monde à la David Lynch. Au fil de l’album, Sarah, victime fragile au début du récit, s’enhardit, prend de plus en plus d’initiatives, se révolte pour percer les mystères qui l’entourent.

La fragilité et l’inquiétude des personnages se lisent dans les coups de crayon de Raffaele. Il y a une forme d’inachevé et de grave très bien rendue dans les décors (cf. la première case). Cette impression serait encore accentuée si la série était en noir et blanc. Belle maîtrise graphique qui souffre parfois, mais rarement, de certaines imprécisions dans le dessin des visages à mi-distance. La couverture donne bien le ton. On y voit une lointaine Sarah, à moins qu’il ne s’agisse du monstre surgi de nulle part, écrasée par la taille des arbres et la dimension fantastique de la forêt envahie de brumes.

Une série de haut calibre, où Christophe Bec, au meilleur de sa forme, est bien servi par Raffaele, très à l’aise dans un genre pourtant délaissé par la BD.

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