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Les Héritiers - Les secrets d'écriture de Fabien Clavel
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Les Héritiers - Les secrets d'écriture de Fabien Clavel

A l'occasion de la parution des Héritiers, le 16 avril, Fabien Clavel revient sur la création de ce nouveau roman aux éditions ActuSF.
On vous rappelle également que Fabien Clavel participera à un Facebook lice ce jeudi 22 avril.

Actusf : Les Héritiers, votre dernier roman, vient de paraître aux éditions ActuSF. L’année dernière, le projet de jeu de rôle fantastique Les Héritiers était lancé sur Ulule. Est-ce un roman issu du même univers ? Est-il né avant ou durant ce projet ?

Fabien Clavel : Le jeu de rôle, créé par Éric Pâris et Isabelle Périer, est premier. Son écriture date de la fin des années 1990. C’est à cet époque-là qu’ils m’y ont fait jouer (c’était aussi mon initiation au jeu de rôle). J’ai été aussitôt emporté. Dans la foulée ou presque, j’ai proposé d’écrire un roman dans cet univers et cela a été mon premier roman achevé. C’était en septembre 2001. Puis, en vingt ans, l’univers du jeu a évolué, s’est enrichi et j’ai corrigé le roman au fur et à mesure. D’ailleurs, certains éléments du roman sont devenus canoniques dans l’univers des Héritiers.

Actusf : De quoi parle Les Héritiers ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Fabien Clavel : Nous sommes en 1900, à Paris. Les fées sont parmi nous mais elles avancent masquées. Elles dissimulent leurs apparences féeriques sous des traits humains. C’est pourquoi on les appelle des Faux-Semblants. Or, parmi ces Faux-Semblants, certains font des rêves récurrents avec un dragon détruisant le monde et s’éveillent avec cette phrase tournant en boucle dans leur tête : « En 1914, tout s’achève. Je suis un Héritier. »

Actusf : Qui sont exactement les Faux-Semblants ? De simples changelings ?

Fabien Clavel : Les fées ont été confrontées à la peur et à la haine des hommes depuis longtemps et elles ont dû se cacher. Elles ont développé un pouvoir de Masque qui leur permet de passer pour humaines. Ainsi, un ouvrier trapu peut, une fois démasqué, se révéler être un gnome. Cette fine danseuse est en réalité une elfe. Certains Faux-Semblants en viennent parfois à oublier leur nature féérique. Donc cette adaptation pour la survie est aussi source de problèmes et d’interrogations.

Actusf : La description du jeu Les Héritiers nous invite à découvrir un univers mêlant « merveilleux arthurien et parfums occultes ». Est-ce également le cas dans le roman ?

Fabien Clavel : En fait, Les Héritiers proposent de nombreuses colorations : on peut jouer des enquêtes, des intrigues politiques, d’espionnage, des épisodes plus steampunk, ou plus pulp. Dans le cas du roman, on s’oriente à la fois vers une ambiance un peu lovecraftienne et vers des aventures à la Indiana Jones. Mais Merlin fait une apparition et il se peut qu’on l’on passe aussi en Avalon... Quoi qu’il en soit, il faut voir le roman comme une introduction à cet univers.

Actusf : Y-a-t-il un épisode de la légende arthurienne qui vous a particulièrement marqué ? Lequel ? Qu’est-ce que représente pour vous le merveilleux arthurien ?

Fabien Clavel : J’avoue que j’ai été marqué par le film de Boorman Excalibur, que j’ai vu trop jeune. Et la scène de la bataille finale de Camlaan, où Arthur affronte Mordred sur fond de soleil sanglant, reste gravée dans la mémoire. Plus largement, et c’est ce que j’ai développé dans ma propre réécriture arthurienne, L’Apprentie de Merlin, c’est que le cycle arthurienne représente une utopie politique. Et l’on retrouve d’ailleurs ce thème dans le jeu Les Héritiers.

Actusf : Raphaël Acanthe, Una et Béla, vos trois héros, forment un trio de choc ! Comment les avez-vous créé ? (En lançant des dés 20?) Pouvez-vous nous parler d’eux ?

Fabien Clavel : Surtout pas en lançant des dés ! La conception d’un roman diffère beaucoup de celle d’une partie de jeu de rôle. Dans le premier, tout doit faire sens ; dans l’autre, on privilégie l’invention et l’improvisation collectives. Donc mes héros ont été conçus pour être complémentaires et au service de l’histoire. Pour Raphaël, je voulais un personnage principal détestable, un séducteur hautain qui devient « humain » au moment où il découvre qu’il est une fée (cela permet d’évoquer le monde des Faux-Semblants, pris entre humains et fées). Du côté d’Una, j’avais envie de m’éloigner de la jeune fille en détresse et j’en ai fait une pétroleuse, une révolutionnaire dans l’âme, prête à se battre, arme au poing, pour ses convictions (il y a tout un aspect politique et révolutionnaire dans Les Héritiers). Quant à Béla, mon petit chouchou, c’est une sorte de renversement de l’image iconique du vampire : que deviendrait Dracula s’il était un petit homme timide ? (ça c’est pour l’approche de la féérie prise dans le quotidien).

Actusf : Quel est l’influence du jeu de rôle en général sur votre écriture ? Avez-vous d’abord été un joueur ou un écrivain ?

Fabien Clavel : J’ai été écrivain dans ma tête pendant longtemps (ce qu’on pourrait appeler un « air écrivain » comme on parle d’air guitar). Mais j’ai commencé à écrire en jouant. Les deux se sont faits simultanément. Mes cinq premiers romans viennent d’univers de jeu de rôle, notamment Nephilim. Je garde du jeu de rôle le goût pour les groupes de personnages hétéroclites et celui d’un décor haut en couleur. Pour moi, les deux se rejoignent dans l’aspect ludique. Il y a un jeu aussi entre l’auteur et le lecteur, comme entre les rôlistes. Et l’idée est de s’amuser ensemble.

Actusf : Vous écrivez pour les adultes, mais aussi pour la jeunesse. En quoi est-ce que vous écrivez différemment pour ces deux publics ? S’adresser à plusieurs publics est-il important pour vous ?

Fabien Clavel : Bien sûr, on écrit différemment pour les deux publics. Non pas au niveau des sujets abordés, mais au niveau de la forme. L’écriture pour adulte permet de nombreuses libertés. L’écriture jeunesse est beaucoup plus contrainte. Cependant, je trouve que c’est une immense qualité. À mes yeux, la littérature jeunesse est d’abord de la littérature pour tous. On se donne le mal d’être accessible et intéressant à la fois aux enfants mais aussi aux parents et aux grands-parents. Et ce n’est pas facile. Aujourd’hui, de nombreux lecteurs adultes lisent en majorité de la littérature jeunesse. Selon moi, c’est une forme plus démocratique, très exigeante pour l’auteur et tout à fait en phase avec mes idéaux. La littérature jeunesse de l’imaginaire est une des plus belles formes de littérature populaire contemporaine que je connaisse.

Actusf : Avez-vous eu des influences particulières lors de la création de ce roman ? (filmiques, littéraires ou musicales)

Fabien Clavel : Ça commence à remonter ! Eh bien, il y a eu, comme je le disais plus haut Lovecraft et Excalibur. J’ai sans doute été influencé par Les Portes de la Mort de Weis et Hickman que je lisais à l’époque et qui prend un personnage de « méchant » comme héros. Je me souviens aussi que, quand Pierre Pevel a sorti son Paris des Merveilles en 2003, j’ai eu peur que mon roman soit dans les mêmes rails. Mais en fait chez lui les fées étaient là au grand jour. Donc, contrairement à ce qu’on pourrait penser, cela n’a pas été une inspiration. Je n’y suis pas revenu d’ailleurs pour éviter d’être influencé au moment des relectures. Je pense que la lecture de La Lune seule sait de Johan Heliot et de Confessions d’un automate mangeur d’opium de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit ont été des jalons au moment de proposer à mon tour du steampunk à la française. Mais l’inspiration principale, c’était le livre de base du jeu de rôle, lui-même influencé par les jeux Nephilim (le monde est petit) ou Agone.

Actusf : Concernant le JDR des Héritiers, où en est le projet ? Est-il disponible dans le commerce ?

Fabien Clavel : Nous avons fait un financement participatif qui a fonctionné au-delà de nos attentes et le jeu a été livré en janvier ou février 2021. Il comprend le livre de base et de nombreux suppléments qui sont tous dans le commerce, en boutique ou sur le site du Département des Sombres Projets. Et nous continuons à développer l’univers avec par exemple des cahiers réguliers pour les saisons avec des décors supplémentaires et des scénarios. J’ai moi-même œuvré sur deux suppléments, l’un sur Londres et l’autre sur Pékin. Mais tout cela est un travail collectif. Je dois encore écrire une grande campagne qui permettrait aux joueurs d’arriver en 1914 et de clore la méta-intrigue du jeu s’ils le souhaitent.

Actusf : Et maintenant ? Quels sont vos projets ? Pensez-vous revenir dans cet univers ?

Fabien Clavel : Je n’abandonne pas cet univers qui possède une importance sentimentale forte. D’une part, il forme un hommage à Isabelle Périer, qui était une amie très proche et qui est décédée en 2017. D’autre part, cela a donné lieu à mon premier roman et je me rends compte que beaucoup d’éléments des Héritiers m’ont profondément influencé. Comme j’ai des personnages récurrents dans mes livres, j’ai bien l’intention de les faire revenir. Déjà, je voudrais poursuivre les aventures de l’inspecteur Ragon, commencées avec Feuillets de cuivre qui ressort en même temps que Les Héritiers. Ce n’est que justice : j’ai inventé Ragon pour et dans Les Héritiers. Dans mes rêves les plus fous, j’aimerais terminer la grande campagne de jeu et en proposer ensuite une version romanesque. Et puis, je travaille depuis longtemps sur un jeu de cartes dans l’univers des Héritiers. Bref, les projets ne manquent pas.

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