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Les Jardins statuaires

François Schuiten (Illustrateur de couverture), Jacques Abeille ( Auteur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/2010  -  livre
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Les Jardins statuaires

Publiés une première fois en 1982 chez Flammarion, puis réédités en 2004 par Joëlle Losfeld, Les Jardins statuaires ont l'honneur d'une nouvelle parution aux éditions Attila. Ce roman est un échantillon de l'Œuvre vaste et inclassable de Jacques Abeille. Cet auteur né en 1942 est méconnu, visiblement à tort, puisque la lecture de ce premier roman du Cycle des contrées – comptant quatre livres pouvant se lire séparément – entraîne avec talent le lecteur dans un univers fantastique qui reflète, tel un miroir déformé, notre propre société.

Un récit ethnologique

Le narrateur des Jardins statuaires est un voyageur, arrivé dans une contrée où des statues poussent comme des arbres. La société de ce pays s'est évidemment organisée autour de ce phénomène unique et, page après page, Jacques Abeille fait découvrir au lecteur tous les aspects de la vie des gens de ce pays. Très rapidement, la vie simple des jardiniers se révèle pleine de subtilités, de secrets, de rapports humains – ou de non-rapports – particuliers dévoilés au narrateur et qui tissent un tableau complexe et étonnant, parfois rebutant, d'un univers qui, au-delà de l'aspect extraordinaire des statues, est d'un réalisme fascinant. Jacques Abeille démontre, dans Les Jardins statuaires, une imagination foisonnante, mais parfaitement maîtrisée.
Dans son roman, Abeille aborde de nombreux thèmes, qu'il réussit à explorer, tous d'une façon personnelle, sensible, et inédite. Ainsi, l'art tient-il une place importante dans le livre, surtout au début, et l'auteur réussit très bien à faire ressentir l'exaltation du spectateur face aux compositions qui sont le fruit de forces naturelles et d'un artisanat traditionnel. Car si les statues s'élèvent – poussent – seules, le regard des hommes, qui les taillent et travaillent le sol dans lequel elles germent, l'interprétation personnelle qu'ils ont de la forme que semble prendre la sculpture a une influence certaine sur la qualité finale de la statue.
Au travers des livres des ancêtres, Jacques Abeille rend hommage à l'écriture et au rôle fondamental de cette dernière dans l'édification des sociétés humaines. Les manuscrits qui  circulent entre les domaines statuaires permettant la transmission de nombreuses informations et sont la mémoire des jardins, bien plus sûre et durable que celle des hommes ; un usage naturel et logique pour l'écrit, qui prend un sens tout particulier dans cette société où les domaines sont isolés les uns des autres et ne s'échangent les objets et les personnes que de façon ritualisée.
Mais ces thèmes, s'ils sont majeurs au début des Jardins statuaires, passent petit à petit en arrière-plan pour laisser place, dans le récit du narrateur, à la question du rapport entre les hommes et les femmes, dans une société où les uns voient peu les autres – du moins en apparence, car rien n'est simple chez les jardiniers. Ainsi le voyageur fera-t-il des rencontres étonnantes lui dévoilant chaque fois une nouvelle subtilité de ce pays si compliqué. Toutefois, si exotique que soit ce dernier, il fait écho au nôtre de façon subtile au travers de sujets comme le poids des traditions, la fierté des origines, l'émancipation des femmes...

Une écriture maîtrisée

Si Jacques Abeille maîtrise à chaque page, dans chaque paragraphe, ses idées et la façon dont il les présente, c'est parce que son écriture, elle aussi, est parfaitement maîtrisée. Le niveau de langue élevé du texte, qui impose une lecture lente, mesurée, renforce le caractère contemplatif du récit. S'il y a des longueurs, la construction précise du récit et la juste dose de mystère distillée par l'auteur les font oublier. Lorsqu'après cent cinquante pages, les secrets de la société des jardins statuaires semblent avoir été décortiqués, le roman se transforme en un récit d'aventure, pendant lequel le narrateur sera confronté à de nouveaux personnages, de nouvelles traditions, différemment exotiques et autrement passionnantes.
Il se dégage de l'écriture de Jacques Abeille une poésie qui envoûte sans difficulté le lecteur s'il accepte de se laisser ensorceler, si un style exigeant ne le rebute pas. D'ailleurs, le roman se termine en une apothéose qui justifie – s'il y en avait besoin car tout au long du roman le travail de Jacques Abeille fascine – l'exploration jusqu'au bout de ce volume de près de cinq cents pages.

Sans conteste une des parutions les plus étonnantes des domaines de l'Imaginaire pour l'année 2010, Les Jardins statuaires remettent sur le devant de la scène un auteur dont l'Œuvre mérite sans doute d'être exploré plus avant. Les éditions Attila offrent ainsi un magnifique récit dans un superbe écrin (livre avec couverture à rabats illustrée par François Schuiten) qu'il serait dommage de ne pas découvrir.

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