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Les Loups des étoiles

Thomas Day (Traducteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Pierre-Paul Durastanti (Traducteur), Edmond Hamilton ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/2003  -  livre
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Les loups des étoiles


Père de « Captain Future » (futur Captain Flam), scénariste de Superman, Edmond Hamilton est souvent cité, avec le chimiste E.E. Doc Smith (La série Fulgur, La patrouille galactique), comme l’un des fondateurs du space opera.  Né avec son siècle, en 1904, Edmond Hamilton a d’abord publié dans les pulps SF de l’entre-deux guerres. Puis, il est devenu un maître du genre avec la publication en 1949 des Rois des étoiles, deux ans avant le Fondation d’Asimov. C’est, à l’instar des Deux mondes de Daniel Cohen,  une sorte d’immersion dans un univers parallèle où John Gordon, un comptable new-yorkais (le Benoît Poelvoorde de l’histoire) prend en charge la défense d’un empire galactique. Ensuite, Hamilton publie moins d’une dizaine de space operas, mais trois romans remarqués scanderont la saga de Morgan Shane, le loup des étoiles, à la fin des années soixante : "l’arme de nulle part" (1967), "les mondes interdits" (1968) et "le monde des loups" (1968). En 1971, la saga est éditée chez Opta avec les trois titres. Après Denoël et une révision de la traduction de Richard Chomet par Thomas Day et Pierre-Paul Durastanti, c’est Gallimard qui réédite le cycle depuis 2003 dans la collection Folio SF. 

Avis aux amateurs de SF : les loups d'Hamilton sont devenus un classique incontournable, même si l’œuvre vaut plus, aujourd’hui, par ses qualités littéraires et récréatives que par son originalité et son exotisme technologique. Les six cent trente pages du cycle ne doivent pas faire peur. Le livre se lit d’une traite.

Trois missions impossibles


L’arme de nulle part

Dans une galaxie peuplée d’humains et de leurs cousins germains, Morgan Chane, mi-humain, mi varnan, est poursuivi par les loups des étoiles. Ces pirates, qui habitent la planète géante Varna, en tirent une force surhumaine et une capacité d’adaptation hors-norme aux voyages interstellaires. Poursuivi pour avoir tué un chef de clan (Ssander), il est sauvé par le responsable d’un groupe de mercenaires, John Dilullo, qui a tôt fait de comprendre que le naufragé n’est autre qu’un loup des étoiles. Vu la tendance paranoïaque des équipages humains à massacrer sans coup férir n'importe quel pirate varnan, il garde le secret et intègre Chane dans son équipe.

Première mission : aider les seigneurs kharalis à se protéger contre les ambitions des habitants de Vhol, plus avancés technologiquement, qui rêvent de faire main basse sur les richesses minières de la planète Kharal. Depuis quelques temps, la rumeur court qu’une arme puissante et infaillible, trouvée dans l’amas de Corvus, est aux mains des vholiens. Dulillo et ses mercenaires doivent découvrir quelle est cette arme et, si c’est possible, l’anéantir. Les frasques subversives de Chane leur donneront la possibilité de se rendre sur Vhol avec un prisonnier de marque, Yorolin, d’échapper à la vigilance de leurs hôtes, puis de se rendre, avec des hôtages de haut rang, dans la nébuleuse de Corvus. Pris entre deux feux, les loups de mer et les croiseurs vholiens, les mercenaires trouveront la planète de dunes et de rocs qui renferment le secret technologique du millénaire.

Les mondes interdits

Riches de la récompense obtenue après leur première mission, Dilullo et son mercenaire préféré, Chane, tombent dans un guet-apens à New York. La force surhumaine de Chane leur permet d’éviter le pire. Ils ont rendez-vous dans le gratte-ciel de James Ashton, richissime patron du trust interstellaire Ashton. La mission est simple : retrouver et ramener son frère, Randall Ashton, disparu dans les mondes interdits au cours d’une expédition scientifique et commerciale. Arkuu, la principale des trois planètes des mondes interdits, refoule tous les étrangers qui s’y rendent. Les plus érudits racontent qu’elle protégerait un secret formidable, de nature à ébranler les fragiles équilibres politiques de la galaxie.

Sans tarder, Dilullo et sa bande se rendent sur Yarr, la capitale d’Arkuu, qu’ils sont invités à quitter immédiatement, non sans avoir reçu, d’une tour, un message lumineux d’un des membres de l’expédition Ahston.  Echappant à leurs ennemis d’Arkuu, ils trouvent un stratagème pour délivrer l’auteur du message, Martin Garcia, ainsi qu’une rebelle, Vreya, favorable aux mondes ouverts. Avec d’autres partisans, elle a aidé Ashton à s’enfuir sur un astronef vers l’une des deux autres planètes interdites. C’est sur cette planète qu'ils découvriront le secret des mondes interdits, un mode de transport révolutionnaire, dont le coût est malheureusement plus élevé que prévu.

Le monde des loups


Cette fois, c’est Chane qui sort Dilullo de sa retraite pour lui proposer le casse du millénaire : récupérer les Soleils qui Chantent volés à Achernar par les Loups des Etoiles. Ils ont été revendus séparément à différents receleurs dans la nébuleuse de l’Eperon d’Argo, là où se trouve Varna, l’île de la Tortue des pirates des étoiles. Dilullo finance l’expédition et atterrit avec ses mercenaires sur Mruun pour rencontrer Klloya Klloy et lui extorquer l’identité des receleurs. Ils se rendent ensuite chez le premier de la liste, Eron, Seigneur de Rith, qui les arrête, car il a été informé par Klloya Kllloy de leur visite. Eron de Rith leur apprend que tous les Soleils qui Chantent ont été achetés, via de nombreux intermédiaires, par les Qajars, qui disposent de richesses fabuleuses, dans un secteur méconnu de la nébuleuse. Il leur propose de récupérer les précieux Soleils grâce aux plans 3D de la capitale qajare en utilisant une navette de Sith, moyennant un pourcentage substantiel de la récompense. L’entreprise est très risquée car les cruels Qajars disposent de formidables moyens de défense.

Dilullo et Chane se rendront sur la planète Chlann, mais les Qajars, devinant leur intention, les repousseront avec violence. Il restera à Chane à faire appel aux loups des étoiles, toujours à sa recherche, pour déjouer les formidables défenses de Chlann. Mais arrivera-t-il à récupérer les Soleils qui Chantent ? Echappera-t-il à la vengeance des varnans ?

Tant que le charme de l’espace opérera…

Le canevas scénaristique des loups des étoiles est limpide : un superhéros, un chef de gang, un groupe de mercenaires, des virées interplanétaires et quelques despotes antipathiques, tous conviés à une mission impossible. Celle-ci paraît claire et pourtant, à chaque fois, son objet se révèle plus mystérieux que prévu. C’est qu’en effet, si détruire une arme, ramener une personne, découvrir un secret ou récupérer un trésor relève d’une intrigue standard, Hamilton lui donne un sel SF tout particulier : un vaisseau spatial trop avancé pour être utile à ses pilleurs, un voyage psychédélique dans l’univers, une œuvre d’art quintessence de la création musicale et de la représentation spatiale.

L’auteur agrémente également l’aventure de son Barbe-rouge de l’espace d’armes exotiques (les illuminations télépathiques des Pyam, la torture télépsychique des Qajars, les sondeurs de vérité, les planétoïdes minés, les vaisseaux leurres des pirates) ou encore d'un art maîtrisé de la guerre spatiale (attaques surprise, formations sphériques, en cône, en colonne, etc.). Dans l'univers d'Hamilton, ce sont moins les hommes qui sont marqués par leur histoire, leur caractère et leur physique que les espèces et leurs planètes. Les Varnans, les Khalaris, les Vholiens, les Krii, les Falloriens, les Paragarans, les Qajars : tous ont une histoire, une apparence, des craintes, des rites, un savoir qui tracent les contours des aventures de Chane. Hamilton écrit des westerns spatiaux qui, grâce au charme particulier qu’il donne à l’espace, constituent un nouveau genre littéraire, qu’on ne peut réduire à une simple transposition.

Chane et Dilullo, les principaux protagonistes de l’histoire, sont, en soi, deux images de l’Amérique et deux figures de l'auteur Hamilton. Celle du rebelle solitaire (qui inspira le personnage d’Han Solo de Star Wars, dont la femme d’Hamilton écrivit l’un des scénarios ; les hommes-chiens paragarans ne sont-ils pas, eux aussi, à l’origine de Chewbacca ?) et celle du chef d’entreprise indépendant, plus sociable, mais tout aussi conquérant. Le trappeur et le chef de bande. L'écrivain solitaire et l'auteur à succès.

L’écriture d’Hamilton est sans fioriture : dosage spontané d’actions et de dialogues. Pas d’action superflue, pas de conversation inutile. Le monde de Varna est un monde où les jours de chacun sont comptés, où la vie ne tient qu’au fil d’un geste ou d’une décision rapide. Personne ne songe à remettre en cause le système ou à le tourner en dérision. Les puissants agissent, à leur niveau, à la façon de petits truands. Les autres ne cherchent qu’à survivre. Rien à redire. Le monde est là, on ne l’explique pas. La loi du plus fort règne en maîtresse sur la galaxie. C’est un fait. A l’échelle des espaces infinis, on ne peut rien contre la mécanique du pire.

C'est que la science-fiction d’Edmond Hamilton n’a d’autre ambition que de divertir. Elle reprend des schémas classiques, puisés dans d’autres genres (l’aventure, le policier, le superhéros, les pirates, le western), et les adapte à un cadre exotique et plus large (le space opera) dont l’auteur est l’un des inventeurs. Peu d’invention scientifique, pas de fulgurances littéraires, pas de jeux d’esprit, un schéma à l’américaine : un superhéros superindividualiste tente de s’enrichir dans un monde impitoyable. La richesse ou la mort. Mais, dans ce monde sans limite qui regorge de fabuleux trésors, ce sont des richesses purement humaines qu’accumule essentiellement le héros : l’amitié, le courage, la loyauté, l’amour. De ce cadre, digne de la conquête de l’Ouest, Hamilton tire une œuvre haute en couleur, très agréable à lire et plus intime, plus universelle qu’on a bien pu l’écrire. Mission divertissement réussie. 

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