Voici un livre qui aurait pu être facilement placé dans la rubrique du chef-d’œuvre du mois. Ecrit en 1971, Les Monades Urbaines est un véritable petit bonheur de lecture. Le grand Robert Silverberg* nous y dresse un tableau génial de la démesure de l’humanité au travers de huit nouvelles qui font mouche à chaque fois.

En 2381, nos lointains descendants sont près de 70 milliards à vivre sur notre bonne vielle Terre. Seulement, pour qu’il y reste un peu de place, ils s’entassent tous dans de gigantesques immeubles de 1000 étages, les Monades Urbaines.

Chaque tour contient près de 800 000 personnes organisées en quartier autour de préceptes qui sont adoptés par tous. Il y en a trois principalement : la foi en Dieu, la multiplication des enfants comme un cadeau divin et le sexe en toute liberté, histoire d’éviter les frustrations dangereuses. Personne ne peut refuser un rapport sexuel sous peine d’être condamné. Et en général, la sentence est le vol plané à partir du millième étage...

A chaque groupe d’étages sa classe sociale, sachant qu’ici la promotion est verticale. Les dirigeants sont en haut, les robustes travailleurs en bas. Entre les deux, il y a toutes les classes intermédiaires, des artistes aux cadres en passant par les chercheurs.

Tout ce petit monde vit donc bien au chaud dans sa monade et ne songerait jamais à aller faire un tour sur le plancher des vaches. Aller voir les paysans, ces terrifiants sauvages qui travaillent encore le sol et qui nourrissent les Monades, vous n’y pensez pas voyons ?

Liberté sexuelle, nourriture et vie sociale assurées, abolission de tous les tabous, les Monades Urbaines semblent dans les premières nouvelles de Silverberg de vrais petits paradis sur Terre. Mais peu à peu, la machine s’enraye. Certains personnages n’ont pas l’air aussi heureux qu’ils le devraient. La vérité se dessine progressivement : finalement le monde des Monades n’est-il pas une nouvelle forme de dictature ?

A mon humble avis de chroniqueur, ce bouquin est une merveille. Silverberg y livre le meilleur de son talent de romancier, entraînant toujours plus loin le lecteur dans le monde des Monades. Un peu oublié, ce roman reparaît ces jours-ci dans les librairies. Ouf !